

Autres
conditions posées, tourner en noir et blanc (avec le grain d'image ad-hoc) ce qui à l’époque était gonflé, le
cinéma de divertissement donnant davantage dans le scope couleur pétaradant. Mel
Brooks souhaitait vraiment retrouver l’esthétique des films fantastiques, et le
résultat est juste incroyablement beau, la photo très travaillée. Mel Brooks
pousse le vice jusqu’à tourner dans les décors qui avaient servi à l’époque
(rien ne se perd…), ceux de FRANKENSTEIN (1931) et LA FIANCEE DE FRANKENSTEIN
(1935) de James Whale. C’est d’ailleurs davantage dans ce second - et meilleur
- épisode que Gene Wilder et Mel Brooks vont puiser leurs idées. On reconnaitra
à la fin une scène parodique de KING KONG, quand Frederick Frankenstein et sa
créature dans une exhibition publique se lancent dans un
numéro de claquettes avec smoking et haut de forme !!

Assisté
d’une laborantine stupide et sexy, Inga, et d’un bossu stupide mais pas sexy dont la bosse
change de côté selon les scènes : Igor. Joué par le
génial Marty Feldman, et ses orbites qui roulent, toujours fourré au second
plan de l’image, au bas du cadre. Frederick veut le meilleur pour sa future créature, et charge Igor de lui trouver le cerveau d’un génie (scène géniale au cimetière). Las…
le bossu lui ramène une cervelle de débile ! La suite reprend
scrupuleusement l’intrigue des deux films de James Whale, tout y est. La nuit d’orage,
le cerf-volant, la réplique « He’s alive ! », le monstre qui s’échappe,
la vindicte des villageois, la scène avec le gamin qui joue près de l’eau
(formidable détournement !), la rencontre avec l’aveugle, joué, l’avez-vous
reconnu, par Gene Hackman.

Deux
autres personnages sont indissociables du film. La domestique du château, Frau
Blücher, qu’on croit sortie du REBECCA d'Hitchcock, et dont le nom prononcé à l’allemande
fait hennir les chevaux de peur. Running gag. Et puis l'inspecteur Hans Wilhelm
Friederich Kemp, chargé d’enquêter sur les exactions commises par la créature.
Remarquez, il est borgne, et colle son monocle sur son cache œil ! Il a un
bras mécanique (ça vient du film LE FILS DE FRANKENSTEIN, 1939, nettement moins
bon) qu’il manipule comme Peter Sellers ses jambes paralysées dans DR FOLAMOUR.
Un bras qui pointé en avant servira de bélier pour enfoncer des portes, le flic
étant lancé à l’assaut de la forteresse par les villageois !
Il fallait une
nouvelle issue au récit, et les auteurs ont su boucler l’intrigue sur un ton à la fois
drôle et surréaliste, totalement décalé. Le film est vraiment conçu par grandes
séquences, qui s’imbriquent dans le récit, plus que comme un alignement de
gags. Et quoi qu’on en dise, on rit tout de même beaucoup. Sans doute Gene Wilder, irascible et
cyclothymique, abuse-t-il un peu trop des regards caméra, roulement de
sourcils, mais toute la troupe est formidable, sans oublier Peter Boyle, dans
le rôle de la créature.
Le
film sera un gros succès public, et même la critique encensera la réalisation
de Mel Brooks. FRANKENSTEIN JUNIOR est son film le plus célèbre, et certainement
son meilleur, plus subtil et maîtrisé que potache. On sent que Mel Brooks n’a
pas voulu polluer son film de gags inutiles, préférant travailler sur l’atmosphère
générale (comme le fera Hazanavicius pour OSS 117). Comme toutes parodies, il
est mieux de connaitre les modèles originaux pour apprécier le détournement, mais
même sans référence, le film reste une formidable comédie, doublée d’un bel
hommage aux sérials fantastiques d’avant-guerre.
noir et blanc - 1h40 - format 1:1.85
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire