jeudi 11 octobre 2018

RIP CHARLES AZNAVOUR ( 1924-2018)



Franco-Arménien d'origine, Edith Piaf dira de Charles Aznavour que pour la chanson : «Tu n’as pas la gueule de l’emploi». C’est pourtant elle qui lui mettra le pied à l’étrier, après lui avoir fait refaire le nez.




Une vie de Bohème



Aznavour et la môme
Aznavour était le dernier chanteur et compositeur d’une génération. Fini les Brel, les Ferré, les Brassens, les Trenet… Que reste-t-il de cette époque ou les chanteurs avaient des paroles qui faisaient mouche, la voix et la diction claires pour les exprimer ?

Charles Aznavour ? C’était le petit homme en noir qui sur scène exprimait ses mots par des mouvements de mains, il vivait ses chansons. Il les interprétait, littéralement, comme un comédien interprète un rôle, on se souvient de cette version télé de «Tu t'laisses aller» avec Michel Serrault travesti ! Plus de mille deux cent titres en soixante dix ans de carrière avec en plus un peu plus de mille écrites pour d’autres artistes. Il avait raconté cette histoire, un jour, à propos d'une chanson écrite pour Edith Piaf. Le producteur de Piaf lit le texte, et demande des corrections. Aznavour n'est pas d'accord, mais il débute, et se plie aux ordres. Il promet de retravailler, mais ne change rien. Il met du blanc sur sa feuille, et retape exactement les mêmes mots par dessus. Retour chez le producteur deux jours plus tard, qui lui dit : "eh bien voilà, c'est quand même mieux, j'avais raison, non ?". Moralité : ne vous laissez pas embobiner, croyez en votre talent !

L'autre Charles Aznavour c'est son combat pour l’Arménie qui était sa seconde patrie. Il avait été nommé ambassadeur et délégué permanent de l'Arménie auprès de l’Unesco. En 1989, suivant l'exemple de Quincy Jones et Michael Jackson, puis Renaud, puis les Restau... il réunit la fine fleur de la variété française pour enregistrer «Pour toi Arménie» après le tremblement de terre qui avait fait 30 000 morts. Ses chansons traverseront le temps, que ce soit «La Mama», «La Bohème», «Emmenez-moi» ou encore «Comme ils disent» le délicieusement psychédélique «Les plaisirs démodés» pour ne citer que celles-là, vu le nombre de succès qu’il a écrits. Pour Aznavour, le texte était le plus important dans une chanson. La musique pouvait être de la java, de la bossa, un truc jazzy ou pop, peu importe, c'était secondaire selon lui (d'où ses accointances avec les rappeurs français). Pourtant, on retient aussi ses mélodies, et les arrangements, notamment cette habitude de débuter une chanson par un thème orchestral tonitruant, qui plante le décor. Les textes d'Aznavour fouillaient la psychologie humaine, dans ce qu'elle a parfois de plus intime, les rapports de couple, la séparation, dans la formidable «Désormais». Dans les années 60 il travaille avec l'auteur Jacques Plante, qui lui écrit «La Bohème» , «Les comédiens», «Formi-formidable». Il fera des tubes pour des petits jeunes comme Johnny Hallyday «Retiens la nuit» et pour sa femme Sylvie Vartan «La plus belle pour aller danser». Même lui aura droit à la censure, «Interdit au moins de seize ans», «Après l’amour», «Je veux te dire adieu» co-écrite avec Gilbert Bécaud.             

«Si il ne buvait pas tant, il pisserait moins la vache !». Qui pourrait croire que le gars qui a chanté «La bohème» pouvait dire des choses comme ça ? Et pourtant… ! Charles Aznavour prononcera cette réplique dans «Un taxi pour Tobrouk» en 1960 grâce à Michel Audiard. Comme ReggianiAznavour à commencé aussi par le cinéma avant de se planter derrière un micro. Dès 1936, il apparait sur l’écran dans «La guerre des gosses» et comme Reggiani, il jouera le rôle d’un élève dans «Les disparus de Saint-Agil» (1938). Il avait déjà 57 films à son actif, et pas des moindres : «La Tête contre les murs» de Georges Franju (1958), «Le Testament d’Orphée» de Jean Cocteau(1959) et «Tirez sur le pianiste» de François Truffaut (1960) où l’on peut voir Bobby Lapointe chanter «Avanie et Framboise». Pour l’anecdote, même si c’est Aznavour au piano derrière Bobby, ce n’est pas lui qui jouait, il était en play-back complet. Je ne suis pas un admirateur du chanteur, mais j’aime l’acteur Aznavour que ce soit dans «La Métamorphose des Cloportes» de Pierre Granier-Deferre (1965) ou dans «Le Tambour» de Volker Schlöndorff (1979) dans lequel il tient le rôle de Sigismund  Markus le vendeur de jouets. Et il est impeccable dans «Les fantômes du chapelier» de Chabrol, avec son pote Serrault. 57 films entre 1936 et 2009, une belle carrière cinématographique, et même du doublage, pour «Là-haut» le Pixar de 2009, où il joue le vieil héros Carl Fredricksen.

Sa vie se concentrait sur la scène et face au public. Même si en 2007, il avait entamé une tournée d’adieu (à l'instar de Bob Dylan !), il continuera à se produire à l’Olympia dont il est un pilier, au Palais des Sports, au Palais des Congrès et un peu partout dans le monde. En 2015, il reçoit des mains de Sting un NRJ Music Award d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Le petit homme en noir homme aimait les honneurs, si on ne le flattait pas assez, il s'en chargeait souvent lui même ! Deux ans plus tard, il inaugure son étoile sur la mythique «Walk of Fame» à Hollywood. Aznavour avait tenu à faire carrière à l’international. Et pour réussir, il faut cocher la case Amérique. Là bas, on connaissait Piaf, Brel un peu, Yves Montand. L'arménien polyglotte va donc traverser le monde, et y chanter partout. A 93 ans, il est sur la scène de l’AccorHotels Arena moins de dix jours après la mort de Johnny Hallyday dont il avait boosté la carrière en 1963. Après quelques petits problèmes de santé (un tour de rein et une fracture de l’humérus), il se voit contraint d’annuler en avril 2018 des concerts en Russie. Ses deux derniers concerts auront lieu au Japon à la mi-septembre (où il est reconnu comme une star). Peu de temps avant sa disparition, il devait entamer une nouvelle tournée en Belgique et en France.

Les grands noms de la chanson française ont toujours les mêmes prénoms, Charles Trenet, Charles Aznavour, (Jacques Brel / Higelin, Serge Reggiani / Gainsbourg, Georges Brassens / Moustaki !) il n’en reste qu’un : Charles Dumont, espérons qu’il reste parmi nous le plus longtemps possible.






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