vendredi 7 septembre 2018

UNDER THE SILVER LAKE de David Robert Mitchell (2018) par Luc B.



une fille en costume de travail, et Sam
Régulièrement le cinéma américain nous offre une plongée dans Los Angeles, ville de tous les espoirs, toutes les réussites, toutes les perditions. La Cité des Anges Déchus (non, c’est pas un titre de télé-réalité !) avec un détective privé comme guide. On peut citer : LE GRAND SOMMEIL (Hawks), LE PRIVE (Altman), CHINATOWN (Polanski) plus récemment INHERENT VICE (Paul Thomas Anderson), et bien sûr MULHOLAND DRIVE de David Lynch, dont UNDER THE SILVER LAKE est indéniablement le petit frère.
Pas de détective désabusé, ici, mais Sam (comme Sam Spade, héros de Dashiell Hammett ?) une faignasse de trentenaire adepte de la branlette, à cinq jours de se faire virer de son appart, qui mate ses voisines à la jumelles. Que fait-il, d’où vient-il, que cherche-t-il ? Mystère. On s'en fout. Il tombe raide dingue de sa nouvelle voisine Sarah (Riley Keough, très très très jolie petite fille d’Elvis Presley), qui le lendemain d’une soirée disparaît sans laisser de trace. Suspect... Sam commence son enquête : retrouver Sarah 
Sarah
UNDER THE SILVER LAKE est une ballade hallucinée dans ce qui constitue les ruelles, les collines, les parcs, les résidences et motels de Los Angeles. On y croise une faune bigarrée de pin-up en bikini, d’actrices en herbe, clochards célestes, gourous new-âge, artistes et chanteurs en apesanteur (Jesus and the brides of Dracula !!) suspendus au rêve hollywoodien. Sam erre dans un monde de fêtes et d’happening, à la recherche d’indices, une photo de Sarah en main il interroge, questionne, suit des pistes dictées par ce qu'il croit être des signaux codés : graffitis ésotériques, affiches, paroles de chansons, cadeau-gadget de boite de céréales, coyotes fouineurs… Adepte des théories complotistes (inculquées par un dessinateur de fanzine totalement décalqué !) Sam plonge ce monde paranoïaque, où chaque porte ouverte se prolonge par une autre.    
Le chemin de Sam est jalonné de disparitions, meurtres, et violence. A plusieurs reprises, il se fait casser la gueule, menacer, assommer, droguer, mais il rend bien les coups. Sous un dehors d'ado attardé, c'est un violent. Voir la scène des gamins qui rayent les voitures. Et puis il y a ce tueur de chien qui rôde, faisant peser une atmosphère mortifère. La mort est omniprésente, par les scènes de cimetière, par ce vieux compositeur, un Phil Spector sorti de 2OO1, et qui prétend avoir livré à la pop tous ses succès (« Smells like teen spirit », « I love rock’n’roll ») sans que le monde n’en sache rien (!). Le film évoque des icônes décédées, James Dean, Curt Cobain, Marylin Monroe dont Mitchell reconstitue un plan du tournage inachevé "Something's got to give" de G. Cukor
Le voyage de Sam est aussi celui de David Robert Mitchell à travers le cinéma. Le film est ultra référencé : plan sur la tombe d’Hitchcock, de Welles, affiches de films dans son appart, extraits de films à la télé, et des clins d’œil parfois appuyés, en vrac : MULHOLLAND DRIVE, bien sûr, mais aussi (énormément) VERTIGO d’Hitchcock, EYES WIDE SHUT de Kubrick, LE PRIVE, SHORT CUTS d’Altman. La musique ténébreuse et oppressante renvoie à celle de Bernard Hermann pour CITIZEN KANE. Formellement le film frise la perfection, couleurs, cadres, mouvements de caméra, dédales d’images énigmatiques, jouissives ou crépusculaires, morbides, inquiétantes.
fenêtre sur cours... et piscine.
Un trip bien barré, mais qui mènera Sam à la vérité - car il y en a une ! On pourra reprocher à David Robert Mittchell d'en faire un peu trop dans le jeu de pistes, et délaisser son intrigue, certaines scènes semblant redondantes ou interchangeables. Mais le film fourmille d’idées, de hasards qui n’en sont jamais vraiment : la mort de Millicent Sevence, par balles, sous l’eau, reprenant la photo de couverture d'un vieux Playboy (sur l'affiche du film la fille est en maillot pour ne pas heurter la ménagère ?! le film a comme caractéristique d'être très dénudé), l’écureuil qui tombe de l’arbre, le pirate en limousine, le cadavre dévoré, les meutes de filles qui aboient, Sam imprégné de l’odeur nauséabonde d’un jet d'pisse de putois, des passages en dessin animé…  
Le type de film auquel on adhère, ou pas. Il faut se laisser entrainer, déstabiliser, accepter une certaine outrance, un sens du m’as-tu vu filmer qui empiète sur les personnages, relégués à de coquilles vides. UNDER THE SILVER offre une vision dangereusement fascinante de Los Angeles, qui n’en finit pas d’inspirer les metteurs en scène. David Robert Mittchell, dont ce n’est que le troisième film en 10 ans de carrière, vient de rajouter brillamment son nom sur la liste !
couleur  -  2h20  -  format scope   

+++

2 commentaires:

  1. Le petit frère du "grand sommeil", du "privé", de "chinatown", "inherent vice" et "mulholand drive" ?
    J'achète ...

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  2. Le p'tit dernier de la famille, oui !

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