En
plus d’avoir une belle gueule, le jeune trentenaire suisse Joël Dicker a déjà
un cv long comme le bras. Etudes de lettres, de droit, de théâtre (cours Florent), attaché parlementaire à Genève, et depuis qu’il s’est mis à la
plume, croule sous les prix littéraires, dont le Goncourt des Lycéens en 2012
pour LA VÉRITÉ SUR L’AFFAIRE HARRY QUEBERT, vendu par cargos entiers, traduit en 45 langues… Et que je n’ai pas lu.
- Ouh la, m’sieur Luc, quand
vous dites ça, cela signifie que ça va tourner au vinaigre…
- Vous me connaissez bien, Sonia…
Ca fait combien de temps que vous êtes au blog, déjà ?
- Quasiment 250 CDD...
- Ce ne vous rajeunit pas !
C’est
un roman à la construction très élaborée. Un récit en 1994, un autre en 2014,
un patchwork de points de vue, de flash-back, une première chronologie « 24
jours avant… 22 jours avant… » puis après le point zéro « 2 jours
après… 4 jours après… ». Des parties, des chapitres, des sous-chapitres,
numérotés à rebours, -7, -6, -5…
Pour
raconter le terrible évènement qui s’est produit dans la petite ville d’Orphea,
dans les Hamptons, le 30 juillet 1994, à l’occasion de la première du festival
de théâtre : le maire Gordon et sa famille ont été exécutés. Les jeunes flics Derek Scott et Jesse Rosenberg
mènent l’enquête et confondent le coupable. 2014 : Rosenberg songe à sa future retraite quand une journaliste locale, Stéphanie Mailer,
lui tombe sur le râble, et lui lance : « y’a 20 ans, vous vous êtes
trompé de coupable. Je vous en dirai plus demain ». Sauf que le lendemain, elle
a disparu…
Ceux
qui ont adoré ce roman, ont été sensibles à la recherche
de la vérité (qui nous titille tout du long), aux innombrables fausses-pistes et rebondissements, aidés en cela par l’écriture
très « page-turner » de Dicker, phrases et chapitres courts. Ce qui est
formidable au départ devient vite lassant. Une
multitude de personnages se greffent à l’intrigue, et autant de points de vue : le maire Brown et sa femme Charlotte, le commissaire Gulliver, son prédécesseur
Kirk Harvey, le journaliste du Times Littéraire Steven Bergdorf, qui
entretient une liaison avec une pigiste, Alice, le critique théâtral Meta
Ostrovski (personnage grotesque), un ponte de la télé et sa fille junkie (qu'est ce qu'ils viennent foutre là dedans ?!!), et puis le libraire
du coin, et puis le journaliste Michael Bird, et puis le voyou Jeremiah Fold, et puis Carla et Nathasha, les petites
copines des deux flics, et puis leur histoire de restaurant (on s'en tape !), et puis l’ex-mari d’Anne
Kanner… N’en jetez plus.
Le
souci est moins le nombre de protagonistes, que ce qu’en fait l’auteur. Pas grand-chose.
Il ne peut pas, tout va trop vite. Les liens entre eux sont particulièrement
capillo-tractés, rebondissements vaudevillesques, révélations tonitruantes au kilomètre (Alice
dont on découvre qu’elle a été la colocataire de Stéphanie Mailer : ça
apporte quoi ? Rien). La bonne idée, c’était le parallèle des deux enquêtes à 20
ans d’intervalle, avec ce qu’on savait à l’époque et ce qu’on sait aujourd’hui.
Pourquoi nous en tartiner des brouettes pleines ?
La
lecture en devient pénible, d’autant que le style est plat, avec les
effets tin tin tin ! propres aux pages-turner, et je vous épargne les « son
sang se glaça dans ses veines » trois fois par paragraphe. Ce ne sont plus
des flics, mais des bacs à glaçons ! Les dialogues sont au niveau d'Amour Gloire et Beauté, le vocabulaire peu élaboré ne permet pas de poser une ambiance, alors qu'il y avait matière à décrire le chaos qui règne en ville. Je ne compte pas les coquilles,
fautes d’orthographes ou de style, qui trahissent un manque de relecture.
Dicker
essaie aussi de donner dans le farfelu, le drolatique, avec Kirk Harvey passé
de flic à dramaturge. Tout cet aspect du livre frise le ridicule. N’est pas Donald Weslake ou Marc
Behm qui veut.
On poursuit la lecture parce qu’on veut connaitre la fin. La phrase de Stéphanie Mailer « Ce
que personne n’a vu » sous-entendant qu’il fallait sur cette affaire
adopter un autre point de vue, est justement… très bien vu ! L'intrigue s'accélère encore plus, les cadavres s’entassent, la
liste des suspects se rétrécit, mais il faudra attendre plus de 600 pages et de
multiples circonvolutions, pour en connaître le fin mot.
LA DISPARITION DE STEPHANIE MAILER pouvait être un bon polar astucieux, à la sauce who done it. Mais pour épater la galerie, l’auteur
en rajoute dans l'alambiqué, masquant ainsi un style assez pauvre, prémâché. On finit par en perdre ce plaisir simple, celui de lire. Ce
qui vous en conviendrez, est la moindre des choses pour un bouquin !
Le personnage du critique Meta Ostrovski, déclare dans le livre péremptoirement : « Tout ce qui n’a pas de succès est forcément très bon ». Joël Dicker a beaucoup de succès...
640 pages Editions de Fallois
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