- Petite chronique pour un
samedi férié M'sieur Claude… Mais dites, un enregistrement 78 tours de 1947, vous
n'avez pas trouvé mieux, pourquoi pas un rouleau de cire ?
- Et bien non Sonia !
Toutes les interprétations stéréo YouTube écoutées sont ternes, sans humour,
avec une prise de son fumeuse, un comble pour le pittoresque Roussel !
- C'est vrai que ça sonne
pas si mal, on entend bien les instruments… Désolée de vous avoir chambré…
- De rien mon petit, et
puis une musique dansante et un peu fantasque pour démarrer le weekend, c'est
cool…
Sarabande du XVIIIème siècle |
Sonia
m'amuse avec ses remarques piquantes sur l'époque des rouleaux de cire et des phonographes.
Je garde en souvenir une des innombrables 6ème symphonie de Beethoven "la pastorale" dirigée
par Bruno Walter, sur 78 tours (un cadeau que
je ne peux plus écouter faute de matériel ad hoc). Cinq disques soit dix faces
dont 4 pour la scène aux champs 😎 ! Le CD
comportant la 6ème
de Prokofiev sous la baguette de Walter Weller écouté il y a peu dure 85
minutes ! C'est le record dans ma discographie classique dont les
minutages sont plus généreux que ceux des CD de mes amis rockeurs.
Son
pourri avant l'invention de la stéréophonie début des années 50 ? Et bien pas
tant que ça, car pendant et après la seconde guerre mondiale, les magnétophones
avaient fait de gros progrès et les ingénieurs du son réalisaient parfois des
exploits pour obtenir une transparence que l'on n'a pas toujours de nos jours,
à défaut d'une dynamique et d'une bande passante larges… La mise en place de
l'orchestre dans la gravure réalisée à la Philharmonie de Londres pour cette Suite en Fa de l'ami Roussel est exemplaire pour illustrer ce savoir-faire.
(Arpèges des harpes dans le mouvement central et triangle dans le final.)
Autre point de vue : je ne pense pas que la qualité sonore des meilleures
gravures en stéréo ait été dépassée depuis l'arrivée de la stéréo en 1953. La quadriphonie des
années 70-80 a fait un bide. Quant au SACD, la quantité de matériel à mettre en
œuvre n'a pas connu un franc succès (en audiophile je précise, pas en DVD). La
revue Diapason avait réalisé des tests comparatifs au début de l'ère SACD.
Budget 30 K€, quand même, dont cinq enceintes B&W Nautilus à 3000 € pièces.
Problème : l'amplificateur à cinq canaux pourtant assez couteux n'avait pas la
qualité de délié, d'aération, etc. d'un ampli stéréo haut de gamme que l'économie de
trois enceintes permettaient d'acquérir. Un Naïm ou un ampli à tubes costaud sans
doute… Si on fait l'impasse sur le côté invasif des enceintes, la chaleur et la
finesse de l'installation stéréo l'emportaient sur tous les plans en termes de fluidité et
de beauté des timbres. Conclusion : le SACD reste confidentiel et rejoint la
liste des technologies sans réel avenir dans l'univers classique, d'autant que pour la prise de son, il
semblerait que ce soit la galère pour restituer avec réalisme la position des
instruments.
J'ai
profité de ce petit papier pour vous faire part de mes réflexions sur l'état de
l'art en matière de reproduction sonore. Je reste fidèle à la stéréo (MP3 uniquement sur autoradio) même si ça serait chouette d'écouter Hilary Hahn jouer à mes pieds en multicanal. Faudrait que je réfléchisse à la question…
Hein ? Mais non Maggy, on
ne change rien… Jamais nous n'aurons cinq ou six enceintes et cinq ou six blocs mono Lavardin dans le
salon, j'te jure. Aie, ouille, pas le rouleau à pâtisserie. Aie, ouille, Pitié
!!!!
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Mengelberg (assis) et Roussel (debout) en 1929 |
Après
cet aparté technique, revenons à cette pétulante Suite en Fa. Roussel n'est pas un nouveau venu dans le
blog. Nous avions déjà écouté sa 3ème symphonie fantasque
et énergique. Ancien capitaine de marine et d'humeur épicurienne, son œuvre laisse
peu de place à la mélancolie et à la méditation. Dans cet article consacré à
l'interprétation de Charles Dutoit, j'avais mentionné
le disque culte de Charles Munch des symphonies
3 et 4 avec l'Orchestre des Concerts Lamoureux.
Une verve inégalée. Je ne suis pas surpris de retrouver cette vitalité dans cet
enregistrement de 1947 à Boston. Il
dirigera le célèbre orchestre de la ville de 1949 à 1962. Il
succédait à Serge Koussevitzky qui avait
assuré la direction de l'orchestre de 1924
à 1949 ! Et comme le monde est
petit, c'est ce chef immigré russe qui créa ladite Suite en Fa en 1927.
La
Suite en Fa composée en 1926 renoue avec l'esprit des suites de
Bach qui enchainaient des préludes, des
arias et des pièces inspirées dans leur forme par des rythmes de danses de cour
de l'époque baroque. L'humour est omniprésent dans ce pastiche, à tel point que
même le très austère et autoritaire Sergiu
Celibidache admirait et jouait cette œuvre anticonformiste… L'œuvre
d'une quinzaine de minutes comprend trois mouvements.
L'orchestration
comporte : 2 flûtes + picolo, 2 hautbois + cor anglais, 2 clarinettes +
clarinette basse, 3 bassons, 4 cors, 4 trompettes, 3 trombones, tuba, 3
timbales, grosse caisse, tambour, triangle, cymbales, tambour basque, célesta,
harpe et les cordes. Un effectif étendu et très coloré dans la suite logique de ceux de Debussy, Ravel
et Bartók… (Source – partition).
1 – Prélude : Cavalerie
légère au grand galop des cordes pour mener tambour battant les premières
mesures de cette fantaisie orchestrale. Les bois et instruments virevoltent : arpèges
descendants des flûtes, trilles de trompettes, des pizzicati goguenards, en un mot les mille facéties
dont raffolait notre compositeur. L'esprit dansant pour le moins entrainant nous
conduit jusqu'à un premier tutti syncopé ponctué énergiquement par des coups de
cymbales. Roussel paraphrase la
thématique de cette introduction avec gourmandise dans une forme qui de prime
abord paraît classique. Il n'en est rien, le travail contrapuntique est très imaginatif
et résolument moderne. Charles Munch
confirme ses dons pour des tempos agrestes et la vitalité débonnaire dans sa
direction, l'absence de rubato ou de pathos dans cette musique qui n'a absolument aucun lien
avec le courant postromantique tardif.
2 – Sarabande : [4:02] Pour
mémoire, la sarabande est une danse lente et courtoise. (Le leitmotiv de la
sarabande de Haendel dans Barry Lyndon de Kubrick). Mais là, aucune gravité !
Bassons, cors et cordes énoncent une mélodie poétique et nonchalante. Sérénité
et lumière diaphane sont les maîtres mots dans cette musique sinueuse en totale
opposition avec les scansions vigoureuses
du prélude. Le développement central prolonge ce climat nocturne
illuminé par de cristallins arpèges de harpe. Un crescendo et un court passage
plus martial marquent la transition avec la coda.
3 – Gigue : [9:56] Autre
danse ancienne autant en France que dans les pays anglo-saxons. Une danse animée
pour laquelle Roussel renoue avec l'ardeur
du Prélude. Course poursuite et chassé-croisé entre tous les pupitres, une musique capricieuse
égaillée par des interventions mutines des percussions, triangle, tambourin entre
autres, sans oublier le célesta.
Certains voient dans cette suite (104 pages de
partition pour seulement 15 minutes) des influences du phrasé hardi et de l'orchestration
percussive de Bartók. Plutôt d'accord sur ce point. Quant à l'interprétation de
Munch, un seul qualificatif : poilante !
Une
belle interprétation toute en finesse avec une plus-value sonore indéniable
complète l'album de Sergiu Celibidache commenté
à propos du concerto
pour vibraphone et marimba de Milhaud
(Clic). Il y en d'autres, par exemple : Charles Dutoit ou encore Paul Paray dans un album dédié à Chabrier (rapprochement judicieux) ; par contre les disques sont plus ou moins disponibles.
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