lundi 23 juillet 2018

CLIVE BARKER "Cabale" (1990), by Bruno


     Clive Barker est un tordu, mais un tordu génial à l'imagination débordante. Certains le verront comme un esprit dérangé tant ses histoire peuvent se montrer malsaines ou dérangeantes. Cependant, c'est aussi un bon écrivain qui sait trousser des histoires, et son érudition (toute relative suivant les sujets) sur les religions et ce qui touche à l'occulte, lui permet de rendre ses histoires, aussi folles soit-elles, cohérentes.
   Clive Barker est un maître du fantastique corrompu par l'horreur. En comparaison, le roman le plus hard de Stephen King est du pur Disney.
 

    Si "Cabale" n'est pas son meilleur roman, encore moins le plus fouillé, il possède suffisamment d'atouts pour être apprécié. C'est peut-être aussi - si l'on ne
 compte pas ses nombreuses petites nouvelles - l'un des plus soft. Ainsi qu'un des plus facile à lire. Bref, un bon moment à passer.

      Le synopsis aurait pu être des plus classiques s'il n'y avait un ingrédient supplémentaire relativement inattendu. En fait, ce sont deux types d'histoires qui s'imbriquent. Au début, il ne s'agit que de psychanalyse et de schizophrénie. Aaron Boone est le patient du Docteur Decker, qui le suit depuis des années, essayant de le guérir - en vain - de ses cauchemars, de sa mélancolie maladive et de ses absences. Le docteur finit par croire que Boone est un abominable serial-killer, et il met son patient face à ses crimes. Des meurtres atroces, besogne évidente d'un dément abominable et sadique. Le plongeant dans une profonde culpabilité, il espère qu'il se livrera à la police avant de recommencer ses actes de folie meurtrière.
   Cependant, Boone, en proie à une profonde confusion, honteux de ses crimes, opte plutôt pour le suicide ... mais loupe son coup. Transféré à l’hôpital, il y fait une rencontre déterminante : Narcisse. Un cinglé désœuvré et pleurnichard qui se désespère car les créatures de la nuit ne viennent pas le chercher pour l'amener à Midian.
   Midian, ce nom résonne comme un lointain écho dans l'esprit troublé de Boone. Un nom qui va résonner comme un espoir, un but, la terre promise. C'est la quête.

     Manque de pot, Boone ne peut partir librement effectuer sa quête. Non pas parce qu'il est un criminel et que son psychiatre a cafté ... en fait, si, il a cafté à la police en présentant les preuves irréfutables de la culpabilité de son patient. Mais c'est surtout parce le bon docteur est le serial killer, et qu'il travaille depuis des lustres Boone pour en faire un coupable idéal. Un pauvre fou totalement schizophrène qui ne se souviendrait pas des crimes qu'il a commis.


     On peut s'étonner que Clive Barker glisse une histoire d'amour dans la majorité de ses romans. Y compris les plus noirs. Enfin, ce sont surtout des relations sexuelles (avec souvent une allusion à la magie sexuelle d'Aleister Crowley, voire certains rites, certes détournés, du Tantrisme). Ici, il s'agit d'Amour vrai, en l’occurrence celui de Lori, qui, en dépit des facettes insondables de son compagnon, ne s'imagine pas vivre sans lui.

       Il y a bien sûr la référence à la malédiction du loup-garou, ou même du vampire, qui transmet son fardeau - ou son virus - par une morsure. Si sa victime n'est pas tuée, si elle ne succombe pas à son attaque - intentionnellement ou par accident -, elle devient alors l'un des siens. Cependant, ici, Barker pousse la référence un peu plus loin en reprenant le mythe d'Orphée descendant aux Enfers pour retrouver son amour, Eurydice (Ce dernier ayant été mordu mortellement par un serpent, et Boone par un être reptilien - nommé Peloquin -, avide de chair fraîche). Lori, mue par son indéfectible amour, part chercher Boone dans le cimetière de Midian, résidence des défunts maudits. Tout comme l'enfer.
     Il y a aussi l'éternelle peur des humains devant l'inconnu, qui répondent systématiquement par la violence et la destruction. Et immanquablement, on retrouve la question récurrente - depuis Mary Shelley - de savoir qui sont réellement les monstres. 


     Malgré tout, on a tout de même la sensation que cette nouvelle a été écrite d'un seul trait, dans un unique et fougueux élan. Quelques dizaines de pages supplémentaires n'auraient pas été de trop. Il est d'ailleurs étonnant qu'un gars comme Clive Barker ne se soit pas livré à quelques descriptions plus détaillées de ces "monstres". Même la description de Cabal/Boone demeure assez floue.

Néanmoins ce petit livre a son charme. Facile à lire, il permet de s'évader sans prise de tête.

     Le livre a été porté à l'écran en 1990 sous le titre de "Nightbreed" aux USA. Malheureusement, les effets, bien que plutôt réussis pour l'époque, ne sont pas à la hauteur de l'attente. Il a fallu adapter, notamment en ce qui concerne les créatures de la nuit. Pas d'effets numérique en 1990. Surtout, de nombreuses séquences souffrent du tournage évident en studio  Et pour finir, le film a subi de larges et franches coupes. Il y aurait plus de vingt minutes tronquées. Il existe une édition DVD "director's cut", mais seulement disponible en V.O., et sans sous-titrage en français.
   Dans la distribution on retrouve l'acteur Anglais Hugh Ross dans le rôle de Narcisse, Craig Sheffer (qui se fera remarquer dans "Au milieu coule une rivière" et que l'on retrouve aussi dans un énième chapitre de "Hellraiser") dans celui de Cabal-Boone, et David Cronenberg dans le rôle du psychiatre complètement malade, et sadique, qui fait une bonne prestation. Il semble se délecter du rôle.
En dépit de ses défauts évidents, le film est lui aussi devenu un objet culte.
Il existe aussi une bande-dessinée, ainsi qu'un antique jeu pour PC.

    Les dessins sont de Clive Barker. Ce sont des croquis apparemment réalisés parallèlement lors de l'écriture du livre.



pas d'extrait du bouquin, mais du film, dont le trailer.

😈

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire