Dans
la série trésors exhumés, ce Wes Montgomery IN PARIS est un joli lot. En 1965,
le guitariste est une star (il y en a peu dans le monde du jazz), et il passe
outre sa phobie de l’avion, pour traverser l’Atlantique jusqu'à notre
belle capitale. Le 27 mars, il est au théâtre des Champs Elysées. Le concert
est évidemment enregistré, mais les pressages ne donnaient que des
extraits. Même les rééditions n’étaient jamais complètes. Outrage réparé !
Ce double cd (avec un beau livret) réunit les titres joués ce soir-là, avec un
travail superbe sur le son.
Wes
Montgomery a beaucoup enregistré, à ses débuts avec son frère bassiste (Monk,
qui pour la petite histoire est le premier jazzman à avoir joué sur une basse
électrique, en 1953), comme sideman ensuite, et bien sûr sous son nom, quand Cannonball
Adderley lui met le pied à l’étrier. On se souvient aussi de ses collaborations
avec l’organiste Jimmy Smith (ces deux-là étaient faits pour s'entendre). A la fin de sa courte carrière (il meurt à 45 ans
d’une crise cardiaque, en 1968, ce con) il connait le succès commercial, mais
hélas avec des productions limite pop, ornées de violons insipides (et que je te
fais du Beatles, du Simon & Garfunkel, beurk, a-t-on besoin de ces cross-over
souvent indigents ?) pour une raison simple : fallait nourrir la
marmaille, 14 gamins à la maison ! Son titre fétiche « Fullhouse », ne signifie-t-il pas "maison pleine" ?!
La
musique de Wes Montgomery est gorgée de bop, de swing, de blues, de boogie, de bossa, un
jazz qu’on imagine bien écouter en plein air, sur une plage de Californie, un
cocktail à la main, une surfeuse dans l’autre. Une de ses compositions les plus
célèbres, « West coast blues » évoque ce côté-ci de la côte
américaine, ce jazz plus cool que le tonitruant Be Bop new yorkais, avec des
gens comme Chet Baker, Art Pepper, Stan Getz. Un jazz sans doute plus simple à
écouter pour les non amateurs, mais qu’on ne s’y trompe pas, cet homme-là était
un maître ! Et sa technique reconnaissable entre mille, puisqu’il jouait
sans médiator, avec son pouce, agile et véloce, sur la pulpe du doigt,
faisant donc sortir de sa Gibson des sons très veloutés. Du Be bop moelleux ! Et pourquoi jouer sans médiator ? Pour ne pas réveiller la famille quand il s'entrainait la nuit... on y revient !
Merci à Jérôme S. (un des plus fameux six cordistes à l'ouest du 9.4 et grand fan du maître) pour les précisions qui vont suivre... Wes Montgomery jouait essentiellement en accords, ses longs doigts lui permettant de sortir des notes sur deux, voire trois octaves simultanément. Ce qu'il a apporté au jeu de guitare, c'est la construction des chorus, jeu en note simple, puis en octave, puis chorus en accords, qui se rapproche donc du jeu de piano. Une technique utilisée par Django Reinhardt, mais que Montgomery a élevée au rang d'art. Sans médiator, le doigt est au contact direct des cordes, et permet plus de fluidité et de justesse dans les effets. Pat Metheny a retenu la leçon, comme Kenny Burrell, George Benson, Grant Green...
Merci à Jérôme S. (un des plus fameux six cordistes à l'ouest du 9.4 et grand fan du maître) pour les précisions qui vont suivre... Wes Montgomery jouait essentiellement en accords, ses longs doigts lui permettant de sortir des notes sur deux, voire trois octaves simultanément. Ce qu'il a apporté au jeu de guitare, c'est la construction des chorus, jeu en note simple, puis en octave, puis chorus en accords, qui se rapproche donc du jeu de piano. Une technique utilisée par Django Reinhardt, mais que Montgomery a élevée au rang d'art. Sans médiator, le doigt est au contact direct des cordes, et permet plus de fluidité et de justesse dans les effets. Pat Metheny a retenu la leçon, comme Kenny Burrell, George Benson, Grant Green...
Ce
soir-là, Harold Mabern l’accompagne au piano, Arthur Harper à la contrebasse,
et Jimmy Lovelace à la batterie (à ma connaissance, aucun lien avec Linda Lovelace, la star de l'exploit buccale dans GEORGE PROFONDE, la preuve, y z'ont pas la même couleur...). Et le saxophoniste Johnny Griffin – dit the
little giant - rejoint ensuite le groupe pour quelques titres. On commence avec
une composition de Montgomery, le génial « Four on six » (quatre
doigts sur six cordes ?) une tuerie de swing, avec un Mabern en pleine
forme. Et bien sûr, ce son de Montgomery, si cool, et sa manière de développer
ses chorus, en les complexifiant harmoniquement. Le tempo s’accélère avec une
reprise de John Coltrane « Impressions », on reste bluffé par la
technique et l’inventivité. « The girl next door » est une belle
balade soutenue par le jeu aux balais
de Lovelace, et le rythme latin déboule dans « Here’s that rainy day ».
Les 12 minutes de « Jingle » filent comme le vent, up tempo, un thème
tout en break, très court, et les solos qui débarquent. Ca mouline sec à la
rythmique, le batteur Jimmy Lovelace est invité à dialoguer, d’abord en 4x4,
puis en solo.
« To
Wane » est une composition du pianiste Harold Mabern (dédié à Wayne
Shorter), encore un up-tempo, Montgomery s’y déchaine, très classe, une
rapidité hallucinante sur le manche, c’est après 6 grosses minutes de solo que
Mabern prend le relai. Arrive ensuite le grand thème de Montgomery « Fullhouse »,
amputée de son intro latine par rapport à la version explosive du disque éponyme
(le genre de truc à posséder absolument, un live à Berkeley en 1962, avec la
section rythmique de Miles Davis, prêtée pour l’occasion). Le saxophoniste
Johnny Griffin (célèbre pour sa petite taille et ses improvisations dantesques)
rejoint le groupe pour ce trois temps d’anthologie (donc un rythme de valse).
Pas de travail sur la mélodie de la part de Montgomery, mais des fulgurances en
accords qui fusent, avant que Griffin mette le feu au plateau.
Suit
le classique de Thelonious Monk « Round Midnight », la mélodie à la
guitare, très cool, accords de piano, chorus de sax, et la coda de Montgomery. « Blues
‘n’ boogie » est un thème de Dizzy Gillespie, qui s’étire sur 13 minutes, avec
un Griffin qui au sax nous sort 183 notes à la seconde, juste épaulé au départ
par le duo batterie/contrebasse. Wes conclut seul - sur l’ovation
de la salle - et sur la présentation des musiciens le groupe entame le thème de
« West coast blues ». Dommage qu’ils n’aient pas choisi de le faire
en entier, un autre trois temps sublime. Le concert se termine sur « Twisted
blues » (sans Griffin reparti en coulisse). C’est le seul titre où le
contrebassiste Arthur Harper nous gratifie d’un solo.
Un
magnifique concert, enregistré à l’époque par André Francis (93 ans aux prunes,
producteur animateur de radio) et parfaitement restitué dans son intégralité.
Pas d'image du concert parisien, mais avec les mêmes musiciens, une session pour la télé belge. Du grand art...
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