Cela semble difficile à croire aujourd'hui, pourtant en 1984, Led Zeppelin était un groupe - c'est relatif, évidemment - oublié. Il faisait partie du passé. Souvent, les plus jeunes ne prenaient même pas la peine de faire l'effort d'écouter, même distraitement, ce dinosaure. Trop Blues et/ou trop folk. C'est qu'il faut tout de même se remettre dans le contexte de l'époque, étonnant âge faste pour le Heavy-Metal mais où la grande majorité des groupes de la décennie précédente avait été mis au rencard. Des has-beens. Certains de ces "anciens", sûr de leur maestria, aveuglés par l'adulation des foules et des ventes de disques, se sont laissés bousculer sans ménagement par une horde grossissante de verts et irrespectueux jeunes barbares, impatients de gravir les marches de la notoriété. Si la NWOBHM avait remporté une bataille dans les médias,avec comme conséquence collatérale d'avoir écrasé sur son passage de nombreux vétérans ; même si ces derniers étaient généralement plus talentueux.
Le mouvement Heavy-Metal de cette décennie rivalisait de performance qui pouvaient occulter l'aspect musical. Toujours plus fort, plus brutal, plus rapide, plus bravache, plus tape-à-l’œil, plus, plus, plus. Ce qui donna naissance à de nouvelles branches.
Cependant, à partir de 1984, les choses commencèrent à changer à nouveau. Si l'expansion du Heavy-Metal progressait vers l'agressivité, d'autres ne s'y retrouvant pas, cherchaient à renouer peu ou prou avec le Hard-rock dit classique. En particulier celui cultivé par l'emblématique dirigeable Anglais. De son côté, Black Sabbath avait réussi son entrée dans la nouvelle décade grâce à l'apport de Ronnie James Dio, tandis que Deep-Purple a pu rester dans les mémoires, ou se faire connaître des derniers adeptes, grâce à ses enfants, Rainbow et Whitesnake.
C'est pourquoi ce "Burn Like a Star" est un peu arrivé comme un bol d'air frais. Non pas que le reste de la production musicale dite de "Rock dur" n'était pas de qualité - bien qu'il y ait eu à boire et à manger -, mais dans le maelström de fureur métallique d'alors, Stone Fury parut nimbé d'une aura scintillante en renouant avec des couleurs et des sensations que l'on peut considérer dans les grandes lignes comme Zeppeliennes, tout en étant en phase avec son époque. Bien sûr, il y avait déjà eu FASTWAY (⤆ lien), qui venait de confirmer avec un excellent second album sorti quelques mois auparavant. Toutefois, la troupe d'Eddie Clarke, en dépit du bon accueil de l'ensemble de la communauté (européenne et nord-américaine), semblait bien seul au milieu de l'imposante horde des sauvageons.
La presse spécialisée parla chaleureusement de cet album inattendu, de ce groupe sorti de nulle-part. La surprise en était d'autant plus grande et agréable. Pourtant les références à Led Zeppelin sont flagrantes, à commencer par le chanteur qui est fort proche d'un de Robert Plant. Plus encore que Dave King, le chanteur de Fastway. Toutefois, à ce moment là, cela ne semblait pas choquer outre mesure.
L'album est au départ un poil boiteux avec notamment un premier titre, "Break Down the Walls", certes accrocheur et robuste, assez enlevé, mais péchant par un son de guitare un tantinet abrasif pour les tympans, pauvre en graves. Comme si son enregistrement avait été réalisé dans une salle de bain aux murs carrelés jusqu'au plafond. L'écho renforçant cette impression. Et un second qui s'efface derrière un riff trop basique et un solo type de l'époque avec force tapping et coups intempestifs de Floyd-rose (sous Van-Halen). Jusqu'au break, plus frais, très typé "Whitesnake 1987".
Rien de franchement renversant jusqu'à "Life is Too Lonely" qui marque un tournant. Une chanson presque choquante dans l'univers du Hard-rock de la première moitié des année 80 ; et forcément encore plus dans celui du Heavy-Metal, tant le chant est ici implorant, à deux doigts d'être larmoyant, révélant une sensibilité aiguë, presque féminine. On n'avait plus guère l'habitude d'écouter ce genre de truc sur un disque estampillé "Hard-rock", hormis sur des galettes cataloguées d'un dédaigneux Hard-FM. Généralement à l'époque, il valait mieux chanter avec une voix de crécelle plutôt que d'apporter "trop" de mélodie. Même les slows fort courus de Scorpions - dont le "Still Loving You" commençait à nous échauffer les esgourdes tant les radios et les juke-box ne cessaient de le rabâcher (à croire que les teutons n'avaient écrit qu'une seule ballade) - sont en comparaison plus virils. Toutefois, et en dépit des arpèges, ça reste une pièce "Rock".
La chanson-titre va plus loin avec quelques intonations se situant sans complexe entre la complainte et le caprice. Cependant, cette fois-ci, l'ambiance assez sombre et solennelle, appuyée par l'implication du chanteur, et doublée par l'impression de caractère émotionnel qui s'en dégage, laisse espérer un sujet grave et plus intéressant que les sempiternelles "peines de cœur" et autres banalités éculées. Hélas, ça reste définitivement attaché à des paroles coincées entre la platitude et l'emphase. En même temps, depuis sa genèse, les poèmes et la réflexion n'ont jamais vraiment été la priorité du Rock.
Paradoxalement, le seul vrai slow, "Shannon You Lose", qui clôture l'album, ne retrouve pas cette fibre fortement mélancolique semblant née d'une profonde blessure. Un titre un peu creux qui loupe le final.
Une fois le masque tombé ("Ouais, on porte le cuir et la tignasse, on envoie les watts, on est virils, mais cela nous empêche pas d'être sensibles aux mélodies ... et de laisser parler notre cœur ?" ... ouch ! Gare aux jets de canettes. "Bon, on est aussi un peu poseurs " ouille ! Ils aiment vivre dangereusement ...) Stone Fury enchaîne avec "Don't Tell Me Why" qui est une fusion des morceaux précédents. Un Hard-rock accrocheur lié à une sensibilité mélodique à fleur de peau.
Avec ce chant qui dès les premiers versets fait jaillir le nom de Robert Plant, il n'y a qu'un pas à franchir pour s'immerger totalement dans des eaux "Zeppeliennes". C'est le cas avec "Mamas Love" et dans une moindre mesure, "Tease". Deux morceaux qui échappent de peu au procès pour faux et usage de faux, ou au lynchage sur la place publique. La production signée Andy Johns (l'ingénieur attitré dès 1969 avec "Led Zeppelin II" jusqu'au dernier et posthume "Coda") étant un argument supplémentaire à porter à l'accusation.
♫ - Malgré la résurgence de Led Zeppelin, essentiellement colportée par le chant de Lenny Wolf, on est bien loin du simple clone, ne serait-ce que parce qu'il n'y a plus de traces de Blues (ou si peu et très occasionnellement), ou de mysticisme soft sous-jacent et encore moins de folk.
♫ - La forte proportion mélodique n'en fait pas pour autant une formation de Rock-FM, ni même A.O.R. (même si c'est l'avis de certains). Seule "Hold It" comporte les codes du genre ; surtout le refrain qui paraît avoir été taillé spécifiquement pour correspondre à un cahier des charges.
♫ - Heavy-Metal ? Encore moins.
♫ - Simplement du bon Heavy-rock, à la fois accrocheur et mélodique, parvenant à créer un pont entre le Heavy-rock du milieu des 70's avec la modernité de son temps appuyé par des mélodies affirmées et d'une certaine sensibilités, mais jamais sirupeuses.
Injustement, malgré de bonnes et unanimes critiques et l'indéniable qualité de l'album, généralement relayé par des disquaires enthousiastes, ce "Burn Like a Star" n'a pu profiter d'un succès à la hauteur de sa qualité. Il est convenu que le défaut de distribution en est la cause principale ; d'ailleurs MCA - le label du groupe - n'a jamais brillé pour son sérieux en matière de distribution. En particulier pour ses groupes et artistes de Hard-rock et affiliés. A se demander même pourquoi cette major signait ces groupes si c'était pour les négliger par la suite.
L'album suivant, "Let Them Talk", encore bien plus difficile à dénicher, sera déroutant en proposant un Heavy-rock tournant le dos aux guitares pour s'épanouir essentiellement à travers d'omniprésents synthés. Un pari risqué mais réussi, le disque restant dans le giron du Hard-rock, probablement grâce à Bruce Gowdy qui n'a laissé personne d'autre gérer les claviers, ainsi que la programmation de quelques séquenceurs.
Stone Fury était le projet de seulement deux musiciens, auteurs-compositeurs et interprètes. Lenny Wolf, un jeune et talentueux chanteur et guitariste (né le 11 mars 1962 à Hambourg), qui quitta son Allemagne natale en 1983 pour la Californie, Los Angeles précisément. Et le jeune américain Bruce Gowdy qui gagnera ses titres de noblesse avec Unruly Child et World Trade (avec Billy Sherwood).
Alors que les critiques n'avaient rien trouvé à redire sur l'affiliation évidente de ce premier jet avec Led Zeppelin, quatre ans plus tard, ce fut souvent la curée pour Kingdom Come, le nouveau groupe de Lenny Wolf. Il est vrai que l'association y est plus criante, surtout pour le premier essai. De plus, il y eut cette réponse malheureuse d'un des deux guitaristes (autre que Lenny) disant qu'il ne connaissait pas vraiment Led Zeppelin, hormis de réputation et de deux ou trois morceaux. Peu probable mais pas totalement impossible non plus. Même si l'on sent que derrière cette boutade, il y a l'exaspération d'une comparaison systématique au détriment de tout le reste (l'écriture, le jeu, l'engagement, le travail, etc, etc ...), cela froissa unanimement la presse.
Paradoxalement, lorsque ce même Kingdom Come changea plus ou moins de peau (tout comme Stone Fury avec ses deux galettes), tentant d'effacer l'influence du totémique quatuor londonien, on s'en détourna jusqu'à finir par l'occulter pendant des années.
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Aux dernières nouvelles, Lenny et le batteur James Kottak (viré de chez Scorpions) seraient en "pour-parler" en vue de ressusciter le Kingdome Come originel. Je suis pour le moins extrêmement réservé quant a ce genre de pseudo résurrection.
RépondreSupprimerJe crois qu'aucun autre chanteur que Lenny Wolf n'aura été aussi conspué et ignoré durant toutes ces années après "l'affaire clone de" de Kingdome Come.
Stone Fury, moi pas connaitre !
Tu m'en apprends une bonne. Mais, effectivement, les retours sur scène de formations originelles sont parfois bien décevantes.
Supprimer(Le départ de Kottak n'était pas une décision bilatérale ?)
Indirectement, si tu connais la majorité du répertoire de Kingdom Come, tu connais forcément Stone Fury, puisque Lenny Wolf a progressivement récupéré quelques unes de ses meilleures chansons.
Ce doit être l'excellent album "Too" qui en comporte le plus (avec trois pièces issues des deux opus).
Disons que Kottak (à cause de son alcoolisme devenu récurant) s'était déjà fait remonter les bretelles par le groupe en maintes reprises ces dernières années. Certains de ses propos honteux et déplacés l'avait même amené à une condamnation pénale me semble -t-il. Malgré cela, la tolérance chez les membres de Scorpions ayant aussi ces limites, l'une des dernières frasques du batteur aura finalement mis fin a quelques 20 ans de collaborations avec le groupe. Je pense que James savait parfaitement ce qui lui pendait au nez en persévérant dans ses dérives d’alcoolique.
RépondreSupprimerJ'ai stoppé net avec Kingdome Come juste après l'album "Twilight Cruiser". La voix, devenue trop chevrotante, de Lenny Wolf avait eu raison de ma dévotion. Mais si tu me parles d'excellence à propos de l'album "Too" (le tout noir c'est ça ?), je me pencherai dessus quand l'occasion se présentera.
Ouaip, le "tout noir".
SupprimerA mon sens pas très commercial comme présentation, cependant il semblerait que les "tout blanc" ou les "tout noir" soient généralement des bons crus.