- Franchement, Nema, c’est
pas bon du tout… Beurk !
- Normal. Ce sont des «
wowotou ». Et j’ai essayé de les faire comme en Chine dans les années 20. Avec
de la farine de maïs, la forme en cône percé caractéristique, et cet aspect
rustique d’une nourriture très frustre. Nourriture de pauvre.
- Mais pourquoi ?
- Pour te mettre dans
l’ambiance de cette chronique sur les « Gens de Pékin », Sonia…
- Bah ! Si ce livre
ressemble à ça, cela ne va pas plaire.
- Tut, tut : cet ensemble
de nouvelles de Lao She est, au contraire, un vrai petit régal…
Pékin 1930 |
Partons
pour Pékin, le Pékin des années 20-30. Tous les héros de ces nouvelles sont des
gens simples, en général pauvres, voire très pauvres. Car l’argent est un sujet
important.
L’argent,
il faut le gagner en travaillant. Par exemple, comme vendeur dans le magasin de
tissus appelé Triple Harmonie, une vieille maison qui n’arrive pas à se mettre
au diapason d’une modernité naissante qui pousse à faire de la publicité et des
promotions. Dans une autre nouvelle intitulée « histoire de ma vie »,
on découvre un métier qui est vraiment très peu payé, agent de police. A
travers ce récit on a également une petite idée du fonctionnement de la police
et de l’armée dans cette période très troublée de la Chine des années 30 qui se
cherche une voie républicaine après la fin de l’empire. Enfin, une nouvelle
intitulée « le
nouvel inspecteur » nous entraîne dans les réflexions d’un
inspecteur de police (fonction nettement plus intéressante sur le plan
financier qu’agent) : très compliqué quand on mélange amitié avec d’anciens
brigands et mission à accomplir…
D’autres
nouvelles nous font côtoyer la vie de tous les jours : problèmes de voisinages
et d’ego surdimensionné, difficultés liées à la promiscuité quand on vit dans
une pièce ou deux autour d’une cour remplie d’enfants et d’agitation…
Et
puis il y a « l’amateur
d’opéra », l’histoire d’un jeune homme qui va jusqu’au bout de
sa passion, acteur/chanteur d’opéra. Malgré une voix fluette, son jeu de scène
est ciselé et précis. Le public vient voir ces spectacles dans des maisons de
thé. Ambiance très particulière, jeux de pouvoir et de séduction, avec quelques
bouffées d’opium de-ci de-là.
Les
pauvres femmes (en tout cas les femmes pauvres) n’ont pas une place bien
enviable dans ces histoires. Seule la dernière nouvelle est un récit à la
première personne au féminin, mais malgré un titre charmant (« Le croissant de
lune ») le récit est bouleversant d’une fatalité absolue de
descente aux enfers pour la jeune femme qui raconte, et pour sa mère. Pas
d’échappatoire possible quand on est non mariée et quand l’âge fane petit à
petit les traits.
La
tonalité nostalgique et assez sombre de ces nouvelles est donnée dès la
première, intitulée « La lance de mort ». En effet, à quoi
bon maîtriser de façon magistrale le maniement de ces magnifiques lances qui
sont l’un des symboles forts des arts martiaux alors que désormais les soldats
ont des fusils ? C’est pourquoi le vieux maître ne transmettra pas son savoir.
Il n’est plus temps.
Lao She en 1920 |
Très
difficile de traduire du chinois en français, surtout une œuvre comme ces nouvelles qui comportent toutes une sensibilité culturelle et
conjoncturelle qui est très loin de notre culture. Un grand merci à Paul Bady
et aux traducteurs pour avoir restitué au mieux cette émotion sous-jacente dans
ces récits.
Bonne lecture !
314
pages Folio
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