"Mort" et "Staline" dans le titre... Pourtant LA
MORT DE STALINE est une comédie, une grosse farce, dont 98% du matériau est réel. Le
film est adapté d’une bande dessinée de Thierry Robin et Fabien Nury.
Le 5 mars
1953, Staline meurt, ou plutôt, agonise sur
la moquette de sa chambre, après une attaque cérébrale. C’est
la femme de chambre qui le trouve inconscient, le lendemain matin. Il y avait eu un signe, la veille, lorsque
les deux gardes ont entendu un corps tomber. Mais ils n’ont pas osé entrer, ni
même frapper. Les ordres sont de garder une porte, pas de l’ouvrir… C’est donc
avec plusieurs heures de retard que l’alerte est donnée. La garde rapprochée du
dictateur rapplique, Beria le premier (chef des services secrets,
odieux psychopathe, que l’acteur Simon Russell Beale rend absolument détestable et terrifiant), qui s’empresse de piquer quelques dossiers compromettants, puis la clique, Khrouchtchev
(alors ministre de l’agriculture), Malenkov (secrétaire générale adjoint, et
héritier désigné), plus tard Molotov (affaires étrangères) et le maréchal Joukov.
La
question est : on fait quoi ? Panique à bord. Staline semble
encore en vie, mais comment s’en assurer ? Les médecins compétents ont été déportés au goulag ou fusillés ! Autre
question : qui prend les commandes de l’Etat ? Qui s’occupe des
obsèques ? Que fait-on des dossiers en cours… notamment ces longues listes
de traitres à faire abattre, biffées par Staline lui-même, surtout quand le
fidèle Molotov est lui-même inscrit dessus !
A
travers ce bal des faux derches, c’est tout le système totalitaire stalinien
qui est scruté. La paranoïa ambiante qui
règne dans les couloirs du Kremlin, les arrestations, les purges, les assassinats
télécommandés (qui fera dire à un Malenkov exaspéré « Arrfff, on ne sait
plus qui est encore en vie, ou mort ! »). Chacun cherche à sauver ses
miches, ça complote, ça noue des alliances, et on évite surtout de prendre une décision sans qu'elle soit collégiale (scènes de réunions très drôles). Et il faut gérer aussi la fille de Staline, Svetlana Allilouieva,
aussi rigide que son paternel et que chaque ministre dorlote comme sa
progéniture. Et surtout gérer le fils alcoolo, Vassili, général de
pacotille, imbibé du matin au soir, qui s’est mis en tête
de prononcer le discours d’adieux (hilarante séquence, où on fait voler une escadrille pendant son discours, pour étouffer le son des micros !).
Seule
entorse à l’Histoire : ces évènements, depuis l’intérim
de Malenkov jusqu’à l’accès au pouvoir de Khrouchtchev, ont duré plusieurs
mois, alors que le film concentre l’action sur quelques jours. Mais personnages et situations sont bien réels.
Le
film s’ouvre sur une séquence très drôle, à la radio d’Etat, où l’on donne un
concerto de Mozart, en direct, et dont Staline exige un enregistrement immédiatement ! Sauf que les
ingénieurs n’ont pas fait tourner les bandes...
Le
film fait rire avec du tragique, évidemment, sinon ce ne serait pas drôle… Les
dénonciations en famille, la réécriture de l’histoire (restez au générique
de fin !), la propagande, la violence du régime, la peur dans tous les
regards, et cette question essentielle : serai-je encore en vie demain matin ?
L’histoire de Molotov est à cet égard incroyable : sa femme a été
emprisonnée sur ordre de Staline, elle a pourri dans les geôles de Beria, qui
en même temps consolait le mari de cette terrible et inexpliquée disparition. Molotov
qui devait être fusillé et réhabilité fissa, avant
de lui rendre sa femme, réapparue par miracle !
Les
dialogues du film sont savoureux, les répliques fusent à cent à l’heure, servies
par des acteurs qui s’amusent visiblement beaucoup, Steve Buscemi en Khrouchtchev,
l’ex Monty Python Michael Palin, Jeffrey Tambor méconnaissable, Jason Isaacs. Ca vole
parfois en dessous de la ceinture (la langue très verte du Maréchal Joukov, le
poitrail bardé de médaille !). On n’est pas chez Lubitsch dont le
NINOTCHKA reprenait la même thématique, mais on se marre franchement tout du long.
Une
bonne comédie, alerte, vive, poil à gratter, par le réalisateur de IN THE LOOP, autre satire hilarante du monde
politique anglais, sortie en 2009. On peut tiquer sur des personnages russes parlant anglais (mais comment faire autrement ?), et rassurez-vous, pas besoin d'être féru d'Histoire pour apprécier, même si (ayant lu deux gros tomes sur Staline il y a peu) cela ajoute au plaisir.
Dois-je préciser que ce film n'a pas reçu de visa d'exploitation en Russie ?
Dois-je préciser que ce film n'a pas reçu de visa d'exploitation en Russie ?
couleurs - 1h40 - format 1:1:85
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