Anne Sylvestre et ses fabuleuses Fabulettes par Pat Slade
Les très jeunes ont été gavés de
Chantal Goya et autre Dorothée alors que notre génération connut des heures plus glorieuses avec des chansons
et des chanteuses plus subtiles.
L’artiste au six décennies
Les
années passent et les temps changent, la chanson pour la jeunesse a bien
changé et pas souvent en bien. Que peut-on trouver sur le marché de la chanson
pour les enfants à l’heure actuelle ? Chantal Goya
et Dorothée ont arrêté d’abrutir les jeunes
générations, même le Suisse Henri Dès a
pratiquement raccroché sa guitare ainsi que l’américain Steve Waring. Les seuls
qui restent sur le circuit seraient Pierre Lozère
avec son «Papa
Clown» et le Breton Bruno Coupé.
Mais
il fût une époque où la connaissance de la musique et la poésie enfantine étaient des choses importantes dans le développement de l’enfant. Qui n’a pas, au
moins une fois, sur les bancs de l’école, entendu un disque de «Piccolo, Saxo et
Compagnie» qui était un conte musical pédagogique ? Nos
cousins canadiens avaient compris la démarche auprès des jeunes bien des années
avant nous avec Carmen Campagne surnommée La Diva des Petits, et aussi
Monsieur Gilles Vigneault qui en 1986 sortira un album «Chansons, Contes
et Comptines».
Mais de plus grosses pointures se frotteront au genre comme Woody Guthrie qui fera quelques albums comme «Car Song»,
«Song To Grow
On For Mother And Child» et «Why Oh Why ?» et aussi Peter, Paul and Mary qui feront beaucoup d’adaptations de titres telle une chanson brésilienne traditionnelle «Meu limão, meu limoeiro» qui
deviendra «Lemon
Tree».
Mais
une autre génération connut des
chanteuses avec des textes que les enfants de France et de Navarre chantaient
dans les écoles.
Connaissez-vous
Anne-Marie Beugras ? Non ? Et si je
vous dis que son pseudo d’Artiste est Anne Sylvestre. Une carrière longue comme deux
bras, une discographie qui est à l’égale de sa notoriété (Et même plus !) et pourtant elle est, comme beaucoup
d’artistes, ignorée des médias. Cette Lyonnaise d’origine grandira à Suresnes
dans la banlieue parisienne. Très tôt, elle fera son apprentissage de la musique
sur un piano qu’elle subtilisera à l’âge de 15 ans pour une guitare. Elle
écoute du jazz et fait son apprentissage de la chanson française avec son père
avec qui elle verra sur scène Edith Piaf et les Compagnons de la Chanson ; elle écoute Charles Trenet et les Frères
Jacques. Et puis un jour, à la radio, elle découvre Georges Brassens. Elle commencera des études de lettres
qu'elle délaissera vite pour se consacrer uniquement à la chanson. Anne Sylvestre
commencera sa carrière de chanteuse en novembre 1957 avec l’apprentissage dans les cabarets parisiens, le premier étant La Colombe,
le plus vieux bistrot de Paris, sur l’Ile de la Cité en compagnie de Jean Ferrat et Pierre Perret. Accompagnée de sa guitare, elle interprète ses
premières chansons comme «Les Cathédrales» ou «Madame ma Voisine». En 1959, Jacques
Canetti, l’homme qui mettra le pied à l’étrier pratiquement tous les
grands noms de la chanson française, lui ouvre les portes de son cabaret Les Trois Baudets. Elle y passera
régulièrement jusqu’en 1962. Mais
elle fera son apprentissage de la scène aussi à La Colombe, Chez Moineau,
Le Port du Salut, La Contrescarpe.
Elle signe chez Philips et sort son premier 45 tours 4 titres suivi l’année
suivante par un second.
En 1961 sort son premier album 10
titres «Anne
Sylvestre chante». Dès l’année suivante elle en enregistrera un second qui sera préfacé par Georges Brassens, elle recevra pour cette album le
Prix de l’Académie de la chanson Française. Elle a maintenant le pied à
l’étrier et les grandes scènes s’ouvrent à elle. Elle fait les premières
parties à Bobino de Jean-Claude Pascal et à
l’Olympia de Gilbert
Bécaud. Les tournées en France et dans les pays francophones
s’enchainent en compagnie de grosses pointures de la chanson comme Pierre Perret, Georges Brassens, Jean Ferrat,
Ricet Barrier, Serge
Gainsbourg et Jacques Brel. Les albums
s’enchainent jusqu’en 1964 ou elle
sort ses premières «Fabulettes». Des albums écrits à l’origine
pour ses filles sous forme de livres-disques. Philips ne croyait pas du tout au concept, mais les
instituteurs s’arrachèrent le disque. A partir de ce moment là, elle mènera
deux carrières en parallèle, elle écrira une œuvre pour adultes et une autre
pour enfants. Avec ces premières «Fabulettes», elle sera récompensée du Grand
Prix de l’Académie Charles Cros. A ce jour, il en existe 18 volumes mais les «Fabulettes»
ne seront jamais chantées sur scène comme il est précisé dans son contrat.
"Une sorcière comme les autres" |
Jusqu’en
1967, chez Philips, les albums se
succèdent et elle retrouve Bobino
avec Félix Leclerc.
Puis elle rejoindra la maison de disque Meys (Qui distribuait aussi Isabelle Aubret
et Juliette Gréco)
pour trois albums où elle enregistrera un duo avec Bobby
Lapointe «J’l’attends
mon prince charmant» avant de rompre. En 1973, alors qu’elle n’a plus de maison de disque, Anne Sylvestre
se retrouve sur la scène du Théâtre des
Capucine à Paris et le public sera au rendez-vous, ce qui va l’encourager à
créer son propre label : Sylvestre
qui sera distribué par Barclays. Le premier album «Les Pierres dans mon Jardin»
avec «Non
tu n’as pas
de nom» un titre qui prend position pour l’avortement. Elle continue
d’écumer les salles parisiennes du Théâtre
de la Renaissance à celui des Champs Elysées. En 1975 sort ce qui sera considéré pour beaucoup comme son chef d’œuvre
«Une sorcière
comme les
autres». L’année suivante elle monte un récital avec Dick Annegarn.
Pour Anne
Sylvestre
ce n’est pas une période de vaches maigres, elle enchaîne les concerts à
guichets fermés et les albums sortent au rythme tous les deux ans, toujours
partagés entre «Fabulettes»
et ceux pour adultes, en 1978 «J’ai de bonne
nouvelle» aborde le thème du viol. On la retrouve en 1982 au Printemps de Bourges, il faudra attendre 1985, le disque «Écrire pour ne pas mourir» et la scène de l’Eldorado pour voir un changement
radical, elle abandonne progressivement la guitare pour se présenter avec
quatre musiciens. 1986, l’Olympia pour elle toute seule !
Elle
chante aussi avec Georges Moustaki, Maxime le Forestier, Karim Kacel et beaucoup d’autres pour rendre hommage à Georges Brassens. Entre création de spectacles «Gémeaux Croisées»
et «Calamity
Jane» en 1989 au Bataclan, elle continue son récital «Détour de chant»
sur les routes de France, d’Europe et même du Canada. Elle va faire une comédie
musicale pour enfants «Lala et le cirque du vent» interprétée par Michelle Bernard (Une
artiste qui aura bientôt sa chronique).
A croire que cette femme ne s’arrête jamais ! Elle enregistre un album
très particulier «Anne Sylvestre chante… au bord de la fontaine», un disque
avec des titres originaux librement adaptés des Fables de
la Fontaine. Elle fête ses quarante ans de chansons sur la scène de l’Olympia en 1998. Elle continue à enregistrer, à tourner, et fin 2007 c’est sur la scène du Trianon à guichet fermé que son jubilé
est dignement fêter avec un double CD qui sortira pour l’occasion.
Son
jubilé sera-t-il l’heure de la retraite ? Que nenni ! Anne Sylvestre
continue ce qu’elle a toujours su faire et le fait bien ! Son public se
renouvelle et s’élargit et la nouvelle génération de chanteurs la représente
comme une référence dans le paysage de la chanson française. Beaucoup
chanteront son répertoire, de Cora Vaucaire à Isabelle Aubret, Serge Reggiani, Barbara, Vincent Delerm etc. Même si certains de ses textes sont
parfois sombres et si celui des «Fabulettes», que jamais elle ne chantera sur
les planches, ont réduit une partie de son auditoire, elle a toujours eu un
large public présent à ses concerts. Pourtant dans tout bonheur il y a une part
de malheur, le 13 novembre 2015 son
petit fils de 24 ans fait partie des 90 victimes de l’attentat du Bataclan, la scène qu’elle-même avait
usée des années auparavant.
Entre
ses albums, ses lives, ses «Fabulettes», ses participations, ses B.O et
les multiples compilations comme ce très bon triple CD «Florilège, 60 de chanson ! Déjà ?»,
ses prises de position par rapport à l’avortement, le viol, la misère, les sans-abris :
«Pas
difficile» (1986), l’homosexualité
et les préjugés : «Xavier» (1986)
et l’actualité en général : «Berceuse de Bagdad» (2003), à 83 ans Anne Sylvestre la «Mamie» de la chanson est toujours sur la route à porter sa voix et
ses textes poético-engagés et on ne peut que lui souhaiter de charmer encore
une au moins une génération… ou deux ?
J'ai grandi avec Anne Sylvestre alors que je suis de la génération Dorothée/Chantal Goya (je suis née en 80). Le nombre d'instituteurs dans ma famille devait y être pour beaucoup XD. Il ne m'a pas fallu fouiller loin dans mes souvenirs pour retrouver les paroles d'une de ses chansons pour enfants, hérisson, son, son, hérissonne, sonne vêpres, hérissonne donc, hérisson en large, en long. J'ai découvert son répertoire pour adulte plus tard et j'éprouve beaucoup de tendresse pour "Les dames de mon quartier", cette chanson pleine d'amour pour les immigrées d'Afrique noire, et "Petit bonhomme" qui a été reprise par un groupe très sympa appelé les Hormones, Simone.
RépondreSupprimerAnne Sylvestre a fait une série de concerts dans mon quartier à l'automne dernier. J'ai voulu y emmener mon père, qui en a été fan une grande partie de sa vie, mais la Faucheuse n'a pas été d'accord.
Oui Lilou les instituteurs (trices) y sont pour beaucoup pour avoir apportés les paroles et la musique d'Anne Sylvestre dans notre mémoire collective, personnellement (je suis du début des années 60), à l'école c'était Anne Sylvestre à tout les repas...de toute manière, il n'y avait rien d'autre !
RépondreSupprimerCurieux, quand j'étais à l'école, c'était vraiment les vieux classiques, de la souris verte aux colchiques dans les prés… et Minnie petite souris d'Henri Salvador ! Mais mes instituteurs étaient en fin de carrière. Sur la fin, quand ils ont été remplacés par des plus jeunes, on a eu "Mistral Gagnant" de Renaud et "Jamais content" de Souchon qui peuvent éventuellement passer pour des chansons pour enfants…
SupprimerJe suis comme la majorité, je ne connais d'Anne Sylvestre que ses Fabulettes. Fabuleuses fabulettes ! Mes gamins ont biberonné avec les Fabulettes (il ne connaissent pas Chantal Goya, mais papa Clown, oui !) avec des versions animées en dvd, on en écoutait trois ou quatre par soir, ils voulaient toujours les mêmes !!
RépondreSupprimer