Ishirô Honda dirige King Kong contre Godzilla |
Furankenshutain tai
chitei kaijû Baragon
(Titre original). Après les cervelles cannibales
de Monstres
invisibles
commenté il y a quelques semaines, je me sens en veine pour brocarder gentiment les
savoureux nanars horrifiques des années 50-60. Cela dit, le genre a perduré,
puisque Luc nous avait décrit par le menu une histoire récente de lapin géant
et priapique qui massacrait une bande d'ados dans Bunny, Operation Pussy
(Clic)
et Rockin' partait à la chasse d'un sanglier tout aussi mutant et ravageur dans
Chaw (Clic). Tiens c'est rigolo, on le verra ici aussi
aujourd'hui dans son premier petit rôle, le suidae obèse et poilu ; Australie (Razorback), Corée,
Japon : une vraie carrière internationale avant le tournebroche…
Pour
que ce blog érudit ne sombre pas définitivement dans le bac à sable des
rédacteurs adeptes de la loufoquerie cinématographique chère au site NanarLand, voici
un essai culturel sur les films d'épouvantes japonais. Il n'y a pas que Godzilla
contre tout et rien, les échanges internationaux de créatures débiles
ne connaissent pas de frontières !
Dans
les années d'après-guerre, chaque nation avait son ou ses auteurs de films fantastiques
: Terence Fischer
en Angleterre, pour la Hammer recyclait la faune monstrueuse US des années 30 :
Dracula, Frankenstein (déjà lui), la Momie et autres goules diverses avec souvent en vedette Peter Cushing ou Christopher Lee ; aux États-Unis,
Jack Arnold, Roger
Corman et quelques autres préféraient s'attaquer aux insectes de
la taille d'une fourgonnette voire d'un semi-remorque. Le Japon, traumatisé par l'horreur d'Hiroshima et
de Nagasaki va trouver sa voie originale, puiser dans sa mythologie pour ses nanars, même si le film de ce
jour invite la créature british mal raccommodée de Mary Shelley.
"J'étais plus peinard en Transylvanie..." |
Les
films de combat de monstres appelés kaijū
eiga seront une dimension de la culture japonaise dès le milieu des années
50 ; la plupart des moins risibles étant réalisés par Ishirô
Honda. Si le bestiaire de ces animaux à l'existence plus
naturelle que fantastique pour les japonais est large, Godzilla, le célèbre dragon cloné T-Rex et Gamera, la tortue géante mue par des tuyères 😄 et équipée de dents
de phacochère (la copine des petits nippons de dix ans), s'imposeront majoritairement
face à des bestioles concurrentes et belliqueuses à usage unique dont la liste reste sans fin. Aujourd'hui, la bête se nommera Baragon.
A l'époque, ces
films aux scénarios répétitifs et à la réalisation fauchée rivalisent de niaiserie avec les péplums fantastiques tournés en série à
Cinecitta (Hercule, Maciste). A savoir quelques catcheurs sur le retour et des midinettes permanentées en minijupes. (À chaque pays ses
navets poilants pour soirée ciné bon marché). Ne crachons pas dans la soupe,
car quand j'étais gosse, et je le suis encore un peu, on se marrait bien…
D'ailleurs Pacific Rim de Guillermo Del
Toro, mêlant en 2013 kaijū
et Transformers, doit son succès
à un budget pharaonique et à la technologie numérique, sans nier au cinéaste un
talent certain de conteur et de metteur en scène… Une suite est attendue !!
Ishirô Honda est crédité de la plupart des kaijū eiga marquants dans une liste de 79 longs métrages établie par
Wikipédia, principalement ceux tournés entre 1954 (le 1er Godzilla)
et 1975. Scénariste habile et
imaginatif, le cinéaste (1911-1993)
n'avait peur de rien, surtout pas du ridicule, y compris dans d'autres thématiques
fantastiques et horrifiques.
Ainsi,
dans l'un de ses films cultes, Matango
de 1963, des naufragés abordent une
île mystérieuse où, un à un, ils vont se transformer en champignons géants munis
de petits bras et de petits pieds et surtout d'un grand chapeau fongique, genre
ceps de 2m de haut 😁. Hilarant et images très colorées
! On pense à Fantasia et à la danse des
champignons sur la musique de Casse-noisette… À voir pour une autre chronique. Honda sera le promoteur des effets
spéciaux au Japon.
Cool ma corne lumineuse. Sinon, moi, je bouffe les poules ! |
Nota : comme souvent
il y a confusion entre le patronyme du baron
Frankenstein et celui de sa créature
qui se fait abusivement appeler du nom de son géniteur. Pour la simplicité, je
ferai la même erreur dans la suite de ce papier…
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Hiver
1945 : le nazisme vit son crépuscule. En Transylvanie, des SS investissent le
laboratoire d'un rejeton du Dr Frankenstein
pour s'emparer d'une lourde malle métallique au désespoir du savant fou. L'objet
est remis à des japonais qui cinglent en sous-marin vers leur pays en
déconfiture contre les USA. Le commandant de bord ouvre la malle et découvre
non pas Hitler congelé (une
hypothèse) mais le cœur de la créature de Frankenstein, organe battant
vigoureusement dans un bocal de liquide nourricier, tel un cornichon animé.
L'idée ? Percer ce secret et redonner vie et immortalité aux soldats morts ou
blessés au combat… Un B29 et une bombe A mettront fin le 6 août 1945 aux
premiers travaux dans un labo secret d'Hiroshima. (On se croirait dans X-Files.)
15
ans plus tard, une équipe de trois chercheurs s'acharnent à sauver des victimes
des radiations : le Dr Yuzo Kawaji (Tadao Takashima),
le Dr James Bowen (Nick Adams),
un américain, et enfin la ravissante Dr Sueko Togami (Kumi Mizuno). (Le dégel de la relation
américano-nipponne conduisait à ce genre de casting ; ainsi des jeunes scouts
américains et japonais sympathisaient dans l'épisode Gamera vs Viras.) Les médecins travaillent sur la régénération cellulaire.
Yuzo, James et Sueko |
Un
adolescent en guenilles rapine de la nourriture dans les parages de l'hôpital. Le
soir du fameux dîner, sous les fenêtres de Sueko
Togami, un taxi percute le môme sans le blesser, à la grande stupéfaction des
deux médecins. Ils vont le découvrir vivant tel un enfant loup dans une grotte. Avec des
soins, il grandit vite. (Pourquoi ? alors qu'il avait une croissance normale
depuis 15 ans, voici l'une des innombrables incohérences du film.) Il devient violent et le
directeur de l'hosto, un administratif, le fait mettre en cage comme au
zoo. (Même management que l'APHP.) Les dossiers secrets parlent. Visite éclair à
Franfort chez le Pr Risendorf qui
connaît le dossier Frankenstein mieux que sa feuille d'impôts ! Une caricature de savant au
crâne en peau de fesses, lunettes cerclées et barbichette, qui explique que le cœur a
pu faire repousser le corps originel en entier ! La vache ! Et le cœur est devenu le gosse qui
vagabondait… Pas magique cette métamorphose ? Cela dit on est dans un film fantastique. Tiens
un tremblement de terre et une plateforme Off-shore qui s'écroule ? Pourquoi à ce moment là ? On verra plus tard.
𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮 Qu'est-ce qu'elle a ma gueule ? 𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮𝅘𝅥𝅮 |
Le
réalisateur ne maîtrise plus grand-chose, trop d'idées, un montage confus passant du
coq à l'âne. Tiens, l'incontournable défilé de Jeeps et un char d'assaut. Bon,
les officiels veulent lui faire la peau. Mais Honda
aime ridiculiser les bidasses. Le char finit tout seul dans une ravine 😋.
Ah
enfin, une montagne explose et, chers amis, voici Baragon libéré, le saurien pataud de service qui bouffe tout sur son
passage. Séquence d'anthologie : plan 1, il approche d'un poulailler ; plan
2, la bouche de la sympathique frimousse du "vrai" monstre
rejette les plumes d'un oreiller. L'art de fabriquer un nanar absolu à partir
d'une idée pas pire qu'une autre.
- Plutôt sympa le billet du Toon M'sieur Honda... Non ? - Moui mon petit Godzilla, mais il a émis des réserves quand même. - Ô rien de méchant... Sinon, z'auriez pas une clope à me filer ? |
Surgit
en pleine montagne une pieuvre géante made in Ed Wood. Pardon ? Un céphalopode de 30 m de diamètre en altitude ça vous choque ? Un
jour en Savoie avec Vincent et
quelques vins chauds dans le buffet, on a vu un calamar géant faire du
SnowBoard… Nouveau combat et les deux créatures tombent… dans la mer ou un lac
qui, coup de bol, est au pied de la montagne !? Morts ? Une pieuvre par
définition se noie rarement et Frankenstein
est immortel. J'en entends qui chipotent, déçus, privés d'un dénouement philosophiquement déterministe comme chez Bergman… Désolé, il n'y aura pas de Frankenstein vs
Baragon le retour.
J'avais
pris des notes vocales avec mon smartphone. En réécoutant, j'ai eu le fou rire
car je m’aperçois que je n'ai pas repris le quart de mes commentaires sarcastiques. J'applaudis mes
chers lecteurs qui ont eu le courage d'arriver jusqu'ici… Pourquoi cet article
sur cette antiquité (pour éviter le vachard mot "daube"), pour le plaisir d'écrire et
de délirer à mon tour ? Oui, tout simplement.
Comme
témoignage du patrimoine des kaijū eiga,
voici un must survolté grâce à la surenchère. (Vu sur ciné FX, a priori pas de DVD, sauf sous titré en italien.)
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