mardi 27 février 2018

EN 1968 L'IMAGINATION PRENAIT LE POUVOIR par Pat Slade




Il y a 50 ans, les pavés volaient, les voitures brûlaient et les chanteurs continuaient à chanter.





Sous les pavés, les plages de disques





1968 : en plein mouvement hippie, la France n’avançait plus, les écoles, les usines étaient fermées, les trains n’étaient pas en retard puisqu’ils n’y en avaient plus, les voitures ne roulaient pas puisqu’il n’y avait plus d’essence ou alors elles brûlaient au quartier Latin. Une époque qui marquera beaucoup de français et, 50 ans après, on en parle encore et les jeunes générations nées trois décennies plus tard en ont entendu parler par leurs parents. Les mouvements de mai ont-ils apporté quelque chose à notre société ? Sur un point de vue politique et économique, je ne répondrais pas à cette question puisque le but premier du Déblocnot' est de parler de la culture, et même pour un anniversaire d’un mouvement révolutionnaire et prolétarien le sujet est bien fourni.

Nous sommes en 68 sous De Gaulle, toute la France est occupée par les enragés… Toute ?... Non ! Une catégorie de travailleurs irréductibles résiste encore et toujours à ces importuns pour rejoindre la route des studios. Et si tous les catégories professionnelles sont touchées, les chanteurs et les musiciens ne feront pas grève et profiteront de cette époque troublée pour sortir bon nombre de succès que l’on pourra entendre sur les radios périphérique comme Europe n°1 (Qui était surnommée «Radio Barricade») et qui fut accuser par les autorités de donner une version des événements trop favorable aux manifestants. L’imagination prendra le pouvoir pour vivre sans temps mort et jouir sans entrave. Les murs parlaient et disaient qu’il était interdit d’interdire. Certains prendront leurs désirs pour des réalités et diront qu’ils étaient marxistes, tendance Groucho ! Dans cette époque troublée ou le nihilisme était la valeur première pour beaucoup, des chanteurs de l’époque yéyé vont profiter de ce tohu-bohu pour enregistrer des hits qui resteront dans les mémoires, même s’ils ne parlaient pas des événements, il fallait de la matière pour remplir les grilles de programmation radiophonique.

La jeunesse se déhanchait sous d’inoffensifs tubes, Jacques Dutronc ne pouvait imaginer en mars 1968 qu’avec «Il est cinq heures Paris, s’éveille», la capitale se réveillerait deux mois plus tard. Gainsbourg et Bardot se prenaient pour «Bonny & Clyde», mais la folle idylle avec le sex-symbol s’épuise et Serge Gainsbourg a une nouvelle aventure avec la jeune Jane Birkin. Ou était-il en Mai 68 ? Sûrement au 5 bis rue de Verneuil. Joe Dassin parlait de la «Bande à Bonnot» et de «Siffler sur la colline» avec ses 300.000 copies vendues, il avait le vent en poupe, alors pourquoi quitter la capitale ? Johnny Hallyday lui aussi aura un titre prédestiné avec «A tout casser» mais l’idole des jeunes passera à coté du chambard des barricades, il donnera des concerts  au Cameroun et en Afrique du Sud.
Françoise Hardy chantera un titre de Gainsbourg «Comment te dire adieu» et sur la suggestion du directeur artistique de Vogue, face à l’ampleur des évènements, elle s’éloignera de la capital avec son mari Jacques Dutronc pour leur maison en Corse. Hugues Aufray, le Bob Dylan Français sortira «Des jonquilles aux derniers lilas», Michel Delpech décrochera le Grand Prix du Disque de la Chanson avec «Il y a des jours où on ferait mieux de rester au lit».

Mais il y avait aussi des chansons «Récréative», Georgette Plana va nous crever les tympans avec son «Riquita» (♫♪Jolie fleur de Java), Claude Nougaro sera prolifique avec «Quatre Boules de Cuir», «La Pluie Fait des Claquettes» et «Paris Mai». Sheila la machine à hits ne sortira pas moins 12 singles, elle sera jugée réactionnaire par les intellectuels car son titre «Petite Fille de Français Moyen» sortira peut de temps avant
le mois de mai. Julien Clerc sort «La Cavalerie» un an avant de jouer dans la version française de «Hair». Michel Polnareff n’avait pas attendu 1968 pour se faire connaître, il a déjà fait un scandale avec «L’Amour avec toi» en 1966, mais deux ans plus tard, il va faire son premier Olympia et écrira ce qui sera son plus beau titre : «Le Bal des Lazes». France Gall dans le creux de la vague quittera Paris et les batailles du Quartier Latin. Beaucoup d’autres titres pendant cette année troublé : Claude François (Mr 220 volt) et son «Comme d’Habitude», Sylvie Vartan  avec «Comme un Garçon», Yves Montant «A Bicyclette».

Ferre et Ferrat
Et puis il y avait les chanteurs «Rive-Gauche» et les chansonniers Montmartrois qui seront les portes paroles de la révolte estudiantine. Léo Ferre ne pouvait rester sourd aux mouvements de révoltes qui secouaient l’Hexagone. Quand on lui reprochait son absence des barricades, ce dernier répondait que les siennes, il les bâtissait déjà depuis vingt ans. Il chantera à la Mutualité pour la fédération anarchiste  comme il le faisait chaque année depuis 1948, il interprétera pour la première fois «Les anarchistes»  le 10 mai, la première nuit des barricades au Quartier Latin. Jean Ferrat fera la fermeture de Bobino avec un récital ou la recette sera reversée aux comités de grève. L’art va sortir dans la rue, à l’appel de Leny Escudero et des artistes comme Pia Colombo, Francesca Solleville ou Francis Lemarque
Renaud
animeront des concerts de solidarité au sein des usines occupées. Alors que Georges Moustaki restera plus peace & love avec «Le Temps de Vivre»,  Jacques Higelin en plein époque Saravah, installera son piano à la Sorbonne pour un happening permanent. Dans un coin de l’amphithéâtre, Renaud Séchan ado de 16 ans écrira la chanson «Crève Salope» qui fera le tour des lycées et aura un franc succès auprès des étudiants, trois accords de guitare qui ne seront jamais édités en disque.


Une fois la «Révolution» terminée, l’héritage verbal historique du mouvement se fera naturellement avec de nouveaux artistes comme Jean-Michel Caradec en 1974 avec «Mai 68» que Maxime le Forestier chantera à l’Olympia en 1973, mais aussi avec des valeurs sûres comme  Georges Brassens et «Le Boulevard du Temps qui Passe» (Force pavés, quelle tempête! Nous n’avons rien laissé debout…). Colette Magny, la chanteuse engagée par excellence, avait déjà sortie un an plutôt «Vietnam 67» fera en 1969 «Magny 68-69» avec un titre en trois parties «Nous sommes le pouvoir». Jean Ferrat écrira «Au Printemps de Quoi Rêvais-tu ?» et une nouvelle génération avec François Béranger, Catherine Ribeiro, Mama Béa Tékielski ou Joan-Pau Verdier apportera ses thèmes contestataires.

Cinquante années plus tard, que reste-t-il de mai 68 ? Hormis des images en noir et blanc d’un Daniel Cohn Bendit rigolant face à un CRS, du boulevard Saint-Michel et ses voitures brûlées et retournées, de deux mois de violence. Les dazibaos écris sur les murs et qui pour certains resteront dans la mémoire collectives (Cours camarade, le vieux monde est derrière toi) et les chansons comme traces auditives d’une époque et du patrimoine musical français.

 «La Poésie est Dans la Rue» 







1 commentaire: