- Super votre café M'sieur
Claude… Et vous revenez au grand classique ; une symphonie de Schumann et de
nouveau le chef américain Leonard Bernstein…
- Oui Sonia, c'est avec sa
seconde symphonie que j'ai découvert Schumann, il y a… Houlà une cinquantaine
d'années, une version de Rafael Kubelik de mémoire…
- Je vois dans l'index que
vous avez parlé des symphonies 3 et 4 ; celle-ci est-elle une œuvre de jeunesse
? Encore Bernstein si je puis me permettre ?
- Non une œuvre de la
maturité à l'époque où le compositeur commençait à souffrir de trouble
psychologique. Quant au jeune Bernstein, force est d'admettre qu'il dynamise
cette musique en cette année 1960… Précédemment, pour Schumann, j'avais sélectionné
Sawallisch et Szell, donc petit changement quand même…
- Vous n'avez jamais parlé
de l'œuvre pour piano de Schumann, pourtant elle est d'importance m'a dit
M'sieur Pat… Une raison à cela…
- Et bien que du subjectif
Sonia, j'ai toujours eu du mal à entrer dans ce répertoire pianistique… Mais je
vais me pencher sur la question, bonne idée…
Robert Schumann (1810-1856) |
La
seconde symphonie sera achevée en 1846. Schumann a 36 ans, il ne lui reste que 10 ans à vivre. Il vient de sortir d'un épisode
dépressif annonciateur des troubles psychiatriques qui vont le plonger en enfer
et l'emmener à la tombe. Comme souvent, la numérotation des ouvrages est assez
arbitraire car cette grande symphonie a été composée sur une période de trois ans,
d'autres pièces symphoniques étant en chantier simultanément, notamment celle
qui deviendra la quatrième symphonie (Clic).
C'est plus sa 3ème symphonie,
mais de vous à moi cela n'a guère d'importance…
Schumann aura peiné sur son travail souvent interrompu par
les crises d'angoisse et d'abattement et par des acouphènes sans doute liées à
la maladie cérébrale qui le ronge. Felix
Mendelssohn, chef de grand talent, assurera la création en
novembre 1846 avec l'orchestre du Gewandhaus de Leizig en même temps que la 1ère
"le
printemps".
Le succès est total et l'ouvrage sera publié dès 1847 et très apprécié par le public de l'époque romantique pour son
dramatisme et ses spéculations métaphysiques bien dans l'air du temps au milieu
de XIXème siècle.
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Leonard Bernstein dans les années 60 |
Quant
à Leonard Bernstein, on ne le présente plus…
Le compositeur de West Side Story et le chef
d'orchestre entré dans la légende en 1990. C'est d'ailleurs à propos d'un inattendu
enregistrement de la 9ème symphonie
de Bruckner, compositeur qu'il a peu fréquenté,
que je dressais un portrait détaillé du compositeur et maestro ; là aussi je ne
me répète pas (Clic).
(On me dit toujours que mes articles sont trop longs 😊.)
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Si
l'esprit va se révéler diablement romantique, l'orchestration demeure des plus
classiques : 2/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes, 2 trombones, timbales et cordes.
La
symphonie comprend quatre mouvements. Petite innovation, comme dans la 9ème
symphonie de Beethoven,
le scherzo est placé entre l'allegro initial et le douloureux adagio. On verra
que la forme un peu simpliste héritée du menuet mozartien a complètement
disparue. Et puisque l'on parle de Ludwig van,
il faut rappeler que dans les décennies qui ont suivi la mort de l'auteur des
premières symphonies romantiques, peu de compositeurs osent affronter le genre. Schumann sera de ceux-là avec des
innovations dans le traitement des thèmes qui annoncent le recours aux
leitmotive. Brahms ne relèvera le défi
qu'en 1876, trente ans plus tard !
Marché de Leipzig en 1850 |
1 - Sostenuto assai - Allegro ma non troppo : contrairement
à l'époque classique où la mode était de commencer une symphonie par un court
adagio, Mozart et surtout Haydn étaient friands de cette entrée en
matière, Schumann capte l'auditeur
avec rudesse, à la manière du Beethoven de la 5ème symphonie.
Sur des successions d'accords impétueux des cors, trompettes et trombones alto,
les cordes déroulent une mélodie sinueuse et accorte. Ô ce n'est pas l'appel farouche
d'un compositeur qui repend sa marche en avant après le désespoir, mais plutôt le
désir de sa part de montrer qu'il vient de sortir combatif de l'abattement
moral qui l'a handicapé deux ans durant. La tonalité optimiste de do majeur
confirme cette impression. Schumann
confie sa confiance retrouvée et témoigne par une certaine noirceur du phrasé
de sa souffrance passée. [2:24] Le premier thème, vigoureux, aux accents
appuyés avec ses cris aux trompettes, nous entraîne dans l'univers romantique
voire épique de Schumann. [3:48] Second
thème principal plus enjoué qui l'on retrouvera dans le final. Le tempo indiqué
se traduit par "Gai mais pas trop" et pourtant il reste assez vif dans le développement d'une grande puissance émotionnelle. On
pense à la symphonie héroïque de Beethoven
lors des jaillissements des traits de cuivres, la virulence du discours. La
polyphonie est très riche, les ruptures de ton nombreuses. Leonard
Bernstein ne joue pas la carte de la précipitation pour mettre
en valeur une inventivité et un dynamisme inconnus depuis Beethoven.
La musique nous précipite dans un tournoi quasiment guerrier entre les
différents pupitres. L'orchestration ne semble pas toujours très aérée dans
cette partition, mais le chef corrige par le jeu subtil des nuances ce petit
défaut connu chez le compositeur.
Rue Grimmaische de Leipzig |
3 - Adagio espressivo : [19:15] Le
fiévreux adagio semble funèbre après la fantaisie bon enfant du scherzo. Il
comporte plusieurs parties bien marquées malgré son apparence monolithique, ce
qui démontre le souci de rigueur de Schumann de soigner l'usage du contrepoint
et de la polyphonie.
Les
premières mesures énoncent une plainte aux cordes dans les tons graves avec un
solo poignant du hautbois. Je n'hésiterais pas à parler de pathétisme au sens
de la 6ème symphonie de Tchaïkovski.
[21:17] Cors et bois élaborent une péroraison dramatique qui va se développer de
pupitres en pupitres vers un apogée douloureux à [23:52]. Un crescendo passionné
et tragique. [25:09] Nouvelle idée : une marche fuguée d'une tristesse
troublante. Soyons clair : Schumann
enchaîne dans ses portées un nombre d'idées d'une densité rarement entendue
depuis la 9ème
symphonie de Beethoven.
De reprises en variations, Schumann
nous conduit à une conclusion certes sereine mais d'une grande gravité.
4 - Allegro molto vivace : [32:05] Après
un adagio aussi bouleversant, un compositeur aura toujours du mal à terminer son
œuvre. L'allegro n'échappe pas à mon sens à une certaine banalité par rapport à
l'imagination féconde des trois mouvements précédents. L'introduction festive laisse
place à une thématique plus débonnaire mais qui semble de temps à autre
chercher sa logique. La profusion orchestrale étouffe par moment le propos. Bon,
ne boudons pas cette conclusion aux accents généreux qui expriment de la part
de Schumann le désir de renouer avec la vie.
Les thèmes sont faciles à mémoriser, c'est à cela que l'on distingue les
partitions qui marquent l'histoire de la musique. La direction contrastée et
précise de Bernstein laisse éclater la joie qui signe la coda martelée par les timbales.
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Si
je vous dis que les grands noms de la direction d'orchestre nous ont donné de
belles versions, vous n'en douterez pas. J'évite donc de citer Sawallisch, Chailly,
Kubelik, Harnoncourt,
ceux déjà mentionnés dans les chroniques dédiées aux 3ème et 4ème
symphonies. Donc quelques belles versions moins connues et qui
valent le détour :
On
a réédité l'intégrale de Franz Konwitschny
avec l'orchestre du Gewandhaus de Leipzig,
la ville si chère à Schumann et l'orchestre de
la création. La gravure au son un peu rêche date de 1960. Konwitschny,
grand chef de la tradition allemande et aussi… grand poivrot épicurien a su
donner une liberté de ton et une jeunesse à cette symphonie qui en fait mon
choix pour le style à l'ancienne (Berlin
Classics – 6/6).
On
a pu reprocher à George Szell, comme souvent,
une certaine raideur à sa direction dans ce répertoire. J'avais été très
enthousiasme en chroniquant sa vision de la 4ème symphonie.
Je récidive, une clarté qui sert merveilleusement la musique parfois un peu
chargée de Schumann ; autre
incontournable (CBS – 6/6).
Enfin,
réédition intéressante, celle de l'intégrale de Guiseppe
Sinopoli avec le bel orchestre de
Dresde. Pour me faire mentir, le chef dirige le sostenuto comme
une intro d'une symphonie de Haydn,
plutôt lentement. Pesanteur ? Non, hauteur de vue à l'évidence ! Prise de son
superlative (DG – 5/6).
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