Roland Barthe |
Nous
sommes en 1980. Le philosophe et sémiologue Roland Barthes est fauché en pleine
rue par une camionnette. Il sortait d’un déjeuner avec François Mitterrand. Les
Renseignements Généraux sont aussitôt sur le coup en la personne du commissaire Jacques Bayard,
qui va tâcher de découvrir s’il s’agit d’un accident, ou d’un assassinat. N’y entendant rien en philosophico-sociologico-littérature, Bayard va s’adjoindre
de force un jeune prof de sémiologie de Vincennes, Simon Herzog, qui devra le
seconder dans son enquête, et lui traduire tout ce fatras intellectuo-gauchiste-bande-de-chevelus-fumeurs-de-shit
qui pullule sur la place de Paris.
Plutôt
qu’un essai de sémiologie déguisé en polar, il vaut mieux prendre ce livre au
premier degré, comme un divertissement jouissif, qui scrute avec acidité le
microcosme intellectuel français de la fin des années 70. Et tout le monde y
passe. BHL, Jacques Derrida, Delleuze, Michel Foucault, Jean-Edern Hallier,
Philippe Sollers et sa femme Julia Kristeva, mais aussi Giscard, Poniatowski,
Mitterrand, Fabius, Lang, Debray, Serge Moati… A se demander comment ce roman
a pu sortir sans une dizaine de procès ! Laurent Binet s’en donne à cœur
joie pour s’amuser de tout ce petit monde, croquant des portraits
irrésistibles. A nous de démêler le vrai du faux. Les errances nocturnes et sous acide de Michel Foucault
dans des back-room gay, de jeunes éphèbes dévoués à ses genoux, la féministe Julia
Kristeva reléguée à sa cuisine pendant une longue scène de repas chez Sollers, BHL
en rut…
C'est qui ? Y sont beaux... |
Sollers et Kristeva |
La séquence est sans doute trop longue, les joutes verbales retranscrites par Binet cassent le rythme du roman. Où l'on se dit que l'auteur se regarde écrire - un reproche à lui faire, parfois. Mais l'épisode italien est aussi prétexte à rencontrer de nouveaux personnages (et y’en a beaucoup) et qui culmine avec l’attentat en gare de Bologne, superbement écrit, qui relance l’action jusqu’à la jubilatoire séquence dans une université de Los Angeles, où tous les protagonistes sont venus pour un séminaire, qui se transforme en immense lupanar (ah le vieux réac Bayard sodomisé par une lesbienne !) et champ de bataille.
Les
cadavres s’accumulent. Comme dans les bons romans d’espionnage, il y a toujours
une DS noire au coin d’une rue, des tueurs patibulaires bulgares (le fameux coup de
parapluie), d’autres japonais, en Fuego, chacun épiant l’autre, chacun
cherchant la vérité : Roland Barthe était-il ou non détenteur de la Septième
fonction du langage, celle qui fait d’un orateur exercé un homme aux pouvoir
infinis. Et l'a-t-il transmise à quelqu'un ?
Le
bouquin est vraiment drôle, truculent, insolent, par les personnages croqués, les situations, les
dialogues, par le style même de l’auteur qui nous apostrophe parfois, maniant
la mise en abime de son propre travail d’auteur. Bayard, le flic con et réac,
et Herzog le chevelu gauchiste, forment un vrai couple de comédie. La fin
pêche en longueur, le dernier retour en Italie avec le député mafieux est
sans doute de trop, Binet ne semble pas vouloir boucler son histoire, lâcher ses personnages, et
rajoute des couches superflues. Mais l’ingéniosité de l’intrigue, les multiples
rebondissements rocambolesques, les gags, le secret enfin dévoilé, et toute
cette galerie de personnages passés à la moulinette de la fiction, est
proprement jubilatoire. Ca peut coincer, on peut décrocher. Mais si ça passe,
ce bouquin est un joli moment de lecture.
Livre de Poche, 478 pages
A la question "C'est qui ? Y sont beaux..." je répondrais : BHL en peignoir et Arielle Dombasle...
RépondreSupprimerÇa à l'air bien barré ce roman...
Ca vous plairait...
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