- Ah ah M'sieur Claude… Encore
un compositeur qui fait son entrée au panthéon du Deblocnot' ! Hollandais
pourrait-on penser ? Ils sont rares les compositeurs hollandais…
- Non pas du tout Sonia,
ce n'est pas un van etc. Ce compositeur tchèque de l'époque classique est un
contemporain de Joseph Haydn, un peu oublié je vous l'accorde.
- Une musique vivante et
même joyeuse, très guillerette même, en tout cas facile à écouter et même
entraînante. Pourquoi cette méconnaissance ?
- Bon, en un mot, vous
avez dit facile… Il est vrai que contrairement à Mozart, Haydn et au jeune
Beethoven, les symphonies de Vanhal sont courtes. Mais elles sont vivantes et passionnantes !
- Et alors de la musique dansante
et colorée, moi j'aime bien… Vivaldi a composé beaucoup de concertos
divertissants et c'est une tête d'affiche classique…
- Oui mon petit chat et
c'est pour cela que je parle de cet oublié du gotha. Cela dit, Vivaldi, côté imagination et
profondeur se situe un petit cran au-dessus, ne serait-ce que par ses oratorios.
Ne
me demandez pas pourquoi, mais si la Hollande est le pays de la peinture (De
Breughel à Van Gogh) et, paraît-il du fromage, je ne connais absolument aucun
compositeur d'intérêt même mineur auquel je pourrais consacrer une chronique !
Pourtant, j'ai cherché. Certes on trouve des petits maîtres, mais aucun Beethoven, Debussy,
Sibelius ou Verdi.
Ben, c'est comme cela. Par contre la musique est très appréciée dans ce pays
puisque l'on y trouve d'une part l’un des meilleurs orchestres symphoniques du
monde : Le Concertgebouw d'Amsterdam,
et d'autre part de nombreux ensembles baroques de prestige et des solistes d'exception comme la
violoniste Janine Jansen entendue dans
les quatre saisons ou des chefs d'orchestre
souvent cités dans ces lignes : Ton Koopman ou Bernard Haitink.
Cela dit, je ne connais pas tout, alors si un lecteur me fait une suggestion
pour une éventuelle réhabilitation, je suis à l'écoute.
Lors
de sa visite matinale, Sonia a souligné l'aspect joyeux de la musique de
Vanhal. Elle aurait écouté plus longtemps, elle aurait ressenti des passages
plus sombres. Sa musique savait aussi se faire plus contemplative et élégiaque.
Mais avant tout qui est donc Jean Baptist
Vanhal auteur, excusez du peu, d'environ 1300 partitions !
Jean Baptist Vanhal voit le jour en Bohème en 1739. Donc peu après Haydn, mais
presque 15 ans avant Mozart. Il disparaitra en 1813, à 73 ans (un âge respectable pour l'époque), dans cette
période où Beethoven a posé les premières pierres du romantisme. Donc, pas d'erreur,
Jean Baptist appartient à l'époque
classique, même si l'oubli quasi-total dont il est victime ne peut guère
s'expliquer que par l'ombre que lui ont fait les trois génies : Mozart, Haydn
et Beethoven. Ô, et on reparlera bientôt, il
n'est pas le seul…
Vanhal est d'origine
modeste, c'est l'Église qui lui permet d'entrer dans le monde musical en
devenant organiste et chef de chœur successivement à Opočno puis Hněvčeves, des
petites villes tchèques.
En
1761, coup de chance, il est invité
à Vienne par une mécène et peut suivre des cours de composition. Il faut se
rappeler que la ville autrichienne est alors, et reste également de nos jours,
la capitale de la vie musicale en Europe. Le jeune Vanhal n'a que 22 ans. Après un
séjour en Italie et diverses pérégrinations en Hongrie, il s'installera
à Vienne en 1780
jusqu'à la fin de ses jours…
Au
XVIIIème siècle, un compositeur, même de renom comme Haydn, se doit de vivre sous la dépendance
d'un protecteur, la plupart du temps un noble ou un prince de l'Église. Jean Baptist Vanhal fait exception en
pouvant vivre à la fois de ses talents de pédagogue et des concerts où sont
jouées ses œuvres avec succès. Il préfigure Beethoven
qui lui aussi prendra sa liberté de manière fracassante en 1806, quitte à tirer un temps le diable par la queue.
Werner Ehrhardt |
Vanhal
a connu une traversée du désert de près de deux siècles. Depuis 20 ans, la discographie commence à s'étoffer. On trouve des
gravures originales dans tous les genres : symphonies, concertos, musique de
chambre et également musique religieuse, domaine pour lequel le compositeur a
beaucoup produit. Un grand merci aux ensembles baroques qui n'ont pas hésité à
nous faire redécouvrir cet oublié de l'âge d'or classique. Bien entendu, ce
sont des labels inventifs comme Naxos
ou CPO qui ont tenté l'aventure. Concerto Köln a ainsi gravé cet album de cinq symphonies chez Teldec.
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L'album
du jour a été enregistré en 1996 par l'ensemble Concerto
Köln (ne pas confondre avec musica concerto
Köln créé par Reinhardt
Goebel). Concerto Köln
est un orchestre de chambre créé en 1985
et qui a la particularité de jouer sans chef attitré même si le premier violon
peut faire fonction. Pour ce disque, place au violoniste solo et chef Werner
Ehrhardt, élève de Sigiswald
Kuijken, l'un des maîtres du baroque. Le fonctionnement de cette formation doit vous rappeler l'Orpheus Orchestra dont je parle souvent
dans ces pages et qui officie aux USA, mais à l'opposé de leurs confrères
yankees, les musiciens de Concerto Köln
jouent sur instruments d'époque et ont ainsi réhabilité nombre de compositeurs
oubliés de la période baroque ou classique comme Vanhal.
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Carl Schütz (1745 - 1800) Rue de Vienne |
La
forme symphonie classique va connaître son apogée vers la fin du XVIIIème
siècle et se nourrir du mouvement intellectuel Sturm
und Drang. Littéralement : Tempête et
passion. Écrivains et musiciens se passionnent pour les idées modernistes
des philosophes du siècle des lumières : la liberté, le rejet des conventions
sociales et de l'injustice des régimes monarchiques. Tempête
et vent nouveau se rejoignent dans l'expression musicale. Les années 1770 connaîtront une profusion de ces
symphonies farouches et animées qui annoncent les élans plus épiques du
romantisme qui se dessine (3ème symphonie "héroïque" de Beethoven en 1803). Quelques exemples : Haydn
et plusieurs de ses symphonies
entre les N°30
et 70
(voir les N°44
"funèbre"
et N°49
"Passionne")
(Clic)
& (Clic)
; Mozart et sa symphonie n°25
écoutée cette année (Clic). Trois ouvrages reconnaissables à leur
style enfiévré et interrogatif sur la destinée humaine.
Jean Baptist Vanhal va assurer avec habileté la synthèse entre
le tumulte et le divertissement. Cela explique son succès à l'époque, mais ce
mélange des genres lui sera sans doute reproché par les ultras du romantisme ;
d'où son purgatoire.
Les
cinq symphonies présentes sur cet album font appel à un orchestre proche de
celui de Haydn et de la première symphonie de Beethoven,
hormis la clarinette à l'usage encore balbutiant, donc : une vingtaine de
cordes, 2 flûtes, 2 hautbois, 1 ou 2 bassons, 4 cors, un clavecin, et pour la
symphonie référencée C11 : 2 trompettes et des timbales.
Carl Schütz (1745 - 1800) Vienne – Place Michael |
Symphonie C11 en do majeur "Sinfonia
comista"
L'œuvre
ne comporte que trois mouvements à la manière d'un concerto. Un ouvrage tardif
dont on ne connaît pas la date exacte de composition ; la plupart des
partitions manuscrites ont été perdues. L'allegro
initial est sous-titré "La speranza" (l'espoir).
L'introduction commence, si je puis me permettre cette facilité, avec tambour et
trompettes. Le discours se révèle coloré et vif. Les contrastes très marqués, les
trompettes semblent s'amuser en intervenant comme des éclats de rires. Divertimento
? Oui et non car la vitalité presque frénétique semble cacher une course vers une
joie difficile à atteindre (l'espérance soulignée par le sous-titre). La
polyphonie est très travaillée et l'orchestration rutilante. Un petit grain de folie…
L'andante, [4:02] lui aussi suggère une œuvre
à programme en affichant "Il sospirare e languire" (soupirer
et languir). Ô rien de douloureux mais une douce réflexion intimiste avec un
chant délicat des violons comme second sujet. La mélodie est élégante, d'un
esprit légèrement nocturne. Vanhal
fait preuve d'imagination dans son écriture. Ainsi, les altos sont divisés en
deux groupes pour offrir des sonorités nostalgiques dans ce très tendre
mouvement lent.
Vanhal fait l'impasse sur le menuet traditionnel pour
enchaîner sur le final scindé en deux parties : un adagio "La lamentazione" (La
lamentation) [8:56] suivi d'un allegro
[9:48] au tempo mesuré "L'allegrezza" (l'allégresse) [8:56].
L'adagio se présente sous forme de quelques mesures plaintives et douloureuses
mais sans doute à chasser de nos esprits puisque l'allegro aux accents heureux l'interrompt
et conclut cette séduisante symphonie de façon rythmée et étincelante avec de
nouveau des traits de trompettes éclatants. Le timbre agreste des instruments
anciens sert à merveille cette musique sans développement superflu. Douze
minutes de gaité sous la direction énergique, concertante et claire de Werner Ehrhardt.
Carl Schütz (1745 - 1800) Vienne - Ancienne université |
Symphonie a2 en la mineur
Cette
symphonie en quatre mouvements, antérieure à la C11 est connue et enregistrée
depuis 1947. Elle est plus
développée.
Elle
débute comme souvent dans les œuvres influencées par le courant Sturm und Drang
par un allegro moderato qui distille
inquiétude et mystère. Le thème initial est captivant d'autant que Vanhal évite la reprise pour énoncer un
second motif rapidement. La réexposition propre à la forme sonate sera plus
tardive. Les phrases musicales se succèdent avec élégance et poésie, l'harmonie
est très présente. Le nombre modeste de cordes apporte un bel effet concertant
de la part de l'orchestre. Je n'imagine guère cette musique interprétée par un
grand orchestre symphonique dans une grande philharmonie. Encore une caractéristique
qui explique que Vanhal ait dû attendre le
retour à des couleurs et effectifs authentiques pour intéresser les artistes.
[4:35]
L'andante cantabile adopte une
scansion délicate et pimpante. Les cors illuminent de touches de couleurs cuivrées
un récit mélodique d'une grande tendresse (le choix de la tonalité de la majeur
n'est pas étranger à cette sérénité).
[7:42]
Le menuet et son trio n'adoptent
toujours pas un tempo très rapide (allegro molto à mon sens). Là encore une
douce allégresse avec un trio fantasque dominé par un dialogue entre les cordes
et le hautbois.
[10:12]
L'allegro final joue sur des
frémissements très variés après deux mesures d'introduction un peu sombre. Le
jeune Haydn de la symphonie N°49
n'est pas loin. Vanhal se révèle décidément
très inventif avec l'usage de syncopes, de ruptures de rythme et toujours cette
vitalité qui fascinait tant le public de l'époque préromantique.
Les
trois autres symphonies enregistrées sur ce CD sont de la même veine : une
musique à découvrir.
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Inconnu et intéressant, agréable à l'écoute ! J'aime beaucoup ! Merci pour la découverte !
RépondreSupprimerMerci, formidable ! Que de belles choses à découvrir de J.B. Vanhal grâce à vous, à youtube, à mon école de musique aussi !
RépondreSupprimerMerci, votre remarque me va chaud au cœur.
RépondreSupprimerLe nombre de compositeurs "sympas" passés à la trappe de l'histoire est important. J'essaye de leur rendre justice :o)