- Tiens M'sieur Claude… des petites œuvres de Mozart, ça pétille jusque
dans le couloir… Surprenant après les grandes chroniques sur Vaughan
Williams et Bach !
- Moui, en ce début septembre, je me sens encore un peu encore en
vacances. Et puis certains de mes lecteurs doivent se débattre avec la
rentrée, donc un papier court…
- Ma foi pourquoi pas, c'est une œuvre pour cordes et de jeunesse, par
ailleurs je crois que vous aimez bien Ton Koopman que l'on a déjà
rencontré dans le blog…
- Tout à fait Sonia, Mozart a 16 ans quand il couche sur les portées ce
que l'on considère parfois comme sa première symphonie. Ton Koopman
retrouve la jeunesse du propos…
- Vous nous proposez en prime le divertimento N° 2 K 137… C'est un groupe
d'œuvres similaires ?
- Exact, Mozart en a composé 3, de K 136 à K 138. D'ailleurs au disque,
on les retrouve souvent ensemble. Une musique très fraîche…
Mozart en 1772 |
Il est assez poilant de lire la synthèse de
Brigitte et
Jean Massin à propos des débats
entre musicologues érudits sur la classification (on pourrait parler de
taxonomie obsessionnelle) pour le groupe des trois premiers divertissements.
Certains pensent à des quatuors orchestrés pour le besoin d'un concert.
D'autres leur dénient le titre de Divertimento du fait de l'absence de
menuet et enfin certains contradicteurs pensent qu'il s'agit des premières
symphonies de
Wolfgang
mais pour lesquelles le jeune génie n'aurait jamais eu le temps d'écrire les
parties de vents et/ou de cuivres…
Les deux musicologues français s'amusent de ces joutes savantes et je
rejoins leur point de vue, à savoir que très jeune,
Mozart
n'avait pas l'intention de s'enfermer dans des moules académiques et a donc
composé en un tour de main et avec la forme qui lui chantait ces charmantes
pièces en trois parties. Bref, en un mot, des concertos orchestraux pour
petit ensemble de cordes. De la même époque datent huit symphonies. Ce
diable de gamin avait donc composé 11 œuvres symphoniques en huit mois sans
compter des incursions dans d'autres formes musicales… Les
Massin concluent leur analyse
en parlant d'œuvres bâtardes, ce qui est un compliment en regard de
l'indépendance et de la liberté intellectuelle du jeune
Mozart. On les appelle parfois les symphonies de Salzbourg.
Ils ont donc été écrits, c'est une certitude, même si les manuscrits
originaux sont perdus, lors du premier trimestre
1772 par cet adolescent précoce
et surdoué déjà au faîte de son art.
Curieusement, ces virevoltants et galants divertissements n'ont pas la
discographie variée qu'ils méritent. Je les ai découverts avec une gravure
de
Herbert von Karajan
de la fin des années 60 avec les belles cordes de la
Philharmonie de Berlin. Le maestro autrichien s'est bien illustré dans
Mozart
avec certes une direction qui regarde vers le romantisme à venir (quand on
entend les dernières symphonies et concertos, ça se tient). Le disque a été
réédité et c'est une bonne chose…
On entend parfois ces ouvrages dans une réduction pour quatuor à cordes. La
richesse des mélodies rend la transcription bien agréable. Le style italien
semble omniprésent dans les compositions. Cependant l'ambition conféré au
développement élargi des mouvements bat en brèche la tradition de copier la brièveté des œuvres
similaires italiennes de l'époque classique en ce siècle des lumières. Mozart
le novateur…
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Ton Koopman |
Troisième article mettant en scène le chef néerlandais
Ton Koopman. Un artiste majeur de la musique jouée sur instruments d'époque mais sans
la radicalité de certains confrères qui jouent
Mozart
avec des ensembles étriqués aux timbres acidulés comme si il s'agissait de
sinfonia des fils de
Bach, donc du baroque très tardif à la lisière de l'âge classique.
Nous avons déjà écouté dans le blog un
concerto baroque
de
Corelli
de 1690
(Clic), et cela pour les fêtes de Noël 2015 (Koopman
déjà en compétition avec
Karajan). Puis un autre jour, place à la
symphonie N°44
"Funèbre" de
Haydn
dans une interprétation pleine d'émotion et là aussi sans les lourdeurs
parfois appliquées à la musique du maître et mentor de
Mozart. Nous étions au mois d'août 2015 et j'avais détaillé la biographie de
Koopman
pour ce papier.
(Clic)
Bien entendu, c'est son ensemble
Amsterdam Baroque Orchestra qui est mis à contribution. Il a été créé en
1979 par
Koopman. Le nombre des cordes est limité à une dizaine d'instrumentistes, avec
sans doute une contrebasse trapue et à cinq cordes du XVIIIème
siècle qui se fait légère. Le son devient ainsi brillant et lumineux, je
dirais même pétillant.
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Une analyse sophistiquée de ces deux divertimentos n'aurait pas grand sens.
On n'y trouve aucunement la profondeur, l'épicurisme opposé aux doutes
spirituels des œuvres de la fin de la vie de
Mozart. Quoique en parlant d'épicurisme… Il y en a…
Réédition des gravure de Karajan de 1967 |
Divertimento K 136
: Il comprend 3 mouvements. L'allegro débute par un motif rythmé et
gouleyant suivi par un thème en trilles. Quel galanterie dans cette musique
pour soirée festive à Salzbourg. La mélodie se révèle irrésistible de gaité.
À 16 ans, le jeune compositeur est encore très respectueux de la forme et la
reprise se fait da capo avant un développement qui chercherait presque à
nous conduire vers des sentiers plus épiques avec ses pizzicati dans les
graves. La reprise, après ces quelques variations, présente des fantaisies
qui montrent le souci du jeune homme de ne pas lasser son public avec une
mélopée académique. On ressentira sous la baguette de
Ton Koopman
une vitalité toute italienne, très logique dans cette Autriche qui vit
encore à l'heure du baroque italien.
L'andante prolonge cet effet de soirée BCBG dans une cour princière. Le
tempo est lent et on ressentira cette élégance altière qui fera la
réputation de
Mozart
dans les mouvements lents à venir, notamment dans les grands concertos pour
piano.
Ton Koopman
articule avec délice cette musique ondoyante, aux lumières crépusculaires,
dans le sens d'une belle nuit qui tombe sur l'assemblée…
Le très court presto se présente comme une course éperdue et galopante par
sa rythmique affirmée. Je recommande cette musique pour accompagner le petit
noir du matin. C'est totalement antidépressif !
Divertimento K 137
: Le second divertimento commence de manière plus grave par un andante.
Enfin grave, tout est relatif, disons que la retenue et la sérénité
surprennent après la vélocité du K 136. La mélodie se veut imaginative et le
concept d'un mouvement symphonique d'une certaine ampleur se distingue
résolument. On retrouve le ton de marivaudage des œuvres de cette époque.
Mozart
dépasse avec une facilité stupéfiante les limites d'un simple morceau
destiné à divertir un public qui a la tête ailleurs, qui échange des
mondanités ou, pire, s'empiffre de petites gâteries 😊.
Les deux allegros qui suivent sont très brefs mais d'une vitalité sans
borne. On ressent dans cette joyeuse folie la boulimie de composition qui
anime
Mozart
en cette année-là.
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Il est amusant de comparer l'évolution des options interprétatives entre
les années 60 et le tournant du XXIème siècle.
Karajan
fonce de manière jubilatoire sans faire les reprises d'où la différence de
durée sensible avec l'exécution de
Ton Koopman
dont les tempos sont tout aussi allants… Chacun peut avoir sa préférence ou,
comme moi, aimer les deux visions.
Mozart
s'adapte bien à des conceptions diverses sous réserve que la cohérence et la
vivacité ludique soient au rendez-vous… Voici les
divertimentos K 136 à K 138 publiés en 1968 avec une
Philharmonie de Berlin
légère, légère, légère…
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