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Je continue d'exploiter les suggestions de
Sonia pour les billets de l'été. Et elle a raison ! Fidelio, cet unique opéra
de Beethoven, aurait séduit Amnesty International lors de sa création en 1805 dans une Europe où bien des
prisonniers d'opinion croupissaient derrière les barreaux. Dans des pays au régime monarchique, il ne
faisait pas bon de partager les idées révolutionnaires républicaines, et même,
en Espagne, l'inquisition catholique continuait de chasser, torturer et
assassiner juifs et soi-disant libres penseurs. (Voir le film les fantômes de Goya de Milos
Forman dans lequel la malheureuse Natalie
Portman sera brisée à vie, car la jeune fille chrétienne ne veut pas manger… du cochon
de lait rôti ; une sensiblerie coûteuse car elle sera étiquetée comme supposée juive.)
Beethoven est furieux contre Bonaparte
qui, de républicain, s'est mué en Empereur avec une belle couronne sur la tête,
et va mettre à feu et à sang l'Europe. En 1803,
la dédicace de la 3ème symphonie mentionnant
le nom du corse a été biffée rageusement et remplacée par "Héroïque".
La révolution française avait fasciné Beethoven par sa volonté d'abolir les
privilèges de la noblesse. Forcément, le compositeur, comme tous ses confrères,
souffrait de dépendre de la protection et de la pension octroyées par divers princes commanditaires
de ses œuvres… Beethoven sera l'un des premiers à devenir indépendant. A-t-il été choqué par
l'usage de la guillotine de manière pas toujours impartiale ? L'histoire ne le
dit pas… LCI n’existait pas.
Comme dans le film de Forman, Fidelio se déroule dans une prison espagnole. Florestan est embastillé et au cachot, suite
à une dénonciation auprès de l'infâme Don
Pizarro,
un gouverneur tyrannique. Leonore,
son épouse, se déguise en homme sous le nom de Fidelio pour pouvoir se faire engager comme aide-geôlier dans la prison et fomenter une évasion. Marcelline, la fille d'un gardien va
tomber amoureuse de Fidelio ! Tout
le génie de Beethoven consiste à mêler les invraisemblances de la tradition de l'opéra
bouffe héritée de Mozart (Cosi fan tutte) pour masquer un opéra plutôt militant. De péripéties en péripéties, Fernando, un ministre intègre, finira par venir visiter la prison, révéler et punir
les abus de pouvoir de Pizarro, et
fera libérer les prisonniers. L'opéra se termine par un chœur, un hymne à la
liberté préfigurant l'ode à la joie de la
9ème symphonie.
Il
faut noter que cette histoire s'appuie sur des faits réels de la révolution
française ayant donné lieu à l'écriture d'une pièce de Jean-Nicolas Bouilly.
Florestan et Fidelio (Leonore) |
Je
ne présente plus Claudio Abbado qui nous a quittés
il y a plus d'un an (Clic). L'ouverture écoutée ce jour est
extraite d'une intégrale Beethoven gravée à Vienne.
Beethoven composera quatre ouvertures différentes entre 1805 et 1814 pour son
opéra qui sera au départ un échec, on s'en doute un peu. Trop novateur, sujet
délicat, etc. : Leonore I à III et en
dernier Fidelio qui deviendra le titre définitif de
l'opéra.
L'ouverture Léonore
II sera celle de la création. Elle se révèlera beaucoup trop
longue (15 minutes) pour cet ouvrage assez concis et intense de deux heures. De
fait, Léonore
II est souvent jouée en concert car, par sa durée, elle offre un résumé très riche
de la musique de l'opéra. L'ouverture définitive dite de Fidelio est deux fois plus courte. L'orchestration
se voyait élargie par rapport à celle des premières symphonies de Ludwig van :
1 piccolo,
2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons et 1 contrebasson, 4 cors, 2
trompettes + 1 en coulisse, 2 trombones, timbales, et cordes. Berlioz
en sera stupéfait.
À
l'écoute, on songe plus à une petite suite ou à un poème symphonique qu'à une
ouverture de mise en train.
Un
groupe d'accords réunissant tous les bois, les cuivres, une timbale et quelques
cordes est asséné deux fois ! Le ton dramatique du récit est donné. Un solo de
basson rejoint par la clarinette et le cor entonne la complainte du prisonnier, du moins peut-on l'imaginer. Beethoven va faire succéder tous les thèmes principaux de
l'opéra. Un récapitulatif ardent et épique devenu avant propos.
[2:46]
Un solo gracile de flûtes. [3:57] Le motif puissant qui servira de leitmotiv
combatif dans l'œuvre suivi d'un autre solo sensuel de flûte, etc. [6:03] Autre
thème héroïque qui constituera la coda de l'ouverture définitive. Claudio
Abbado met en avant chaque motif et démontre par là-même à quel point Beethoven avait vu grand pour le jour de la
création. Il y a tellement plus de musique dans cette ouverture que dans celles
intitulées Coriolan ou Egmont, que l'on ne sera pas surpris que les 58 pages de
la partition soient jouées en concert comme un ouvrage à part entière. Un grand
moment beethovénien, viril, chevaleresque et un peu fou…
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