Déjà, le titre français, qui
rappelle furieusement L.A. CONFIDENTIAL de James Ellroy. Pas un hasard. Ce film
de l’égyptien Tarik Saleh (produit par le Danemark, la Suède, et tourné au
Maroc - tu parles, avec un sujet pareil…) est un pur Film Noir, comme je
n’en avais pas vu depuis un bail. Si l’idée de départ s’inspire d’un réel fait
divers, on retrouve pas mal d’éléments du GRAND SOMMEIL de Chandler.
Nous sommes au Caire, en
janvier 2011. Le commandant de police Noureddine Mostafa fait sa petite tournée
nocturne, empochant les enveloppes des dealers et trafiquants de tous poils. La
corruption gangrène la police et la justice, jusqu’au sommet du terrible service
de Sureté de l’Etat. Mostafa doit même filer du fric à d’autres flics lorsqu’il arrête un type hors de son secteur… Veuf, le soir, il s’enivre de bière et de
haschich.
Le général Mostafa, son oncle,
l’envoie enquêter sur un meurtre. Une chanteuse égorgée dans sa très chic chambre
d’hôtel. Salwa, jeune femme de chambre, une soudanaise clandestine, reconnait l'homme qui est sorti de la chambre, et dont le visage orne des affiches géantes, en ville : Hatem Shafiq, riche entrepreneur, député, et proche du président Moubarak. Quelqu'un qu'il ne convient pas d'importuner. La police conclut donc
à un suicide. « Elle se serait égorgée toute seule ? », se marre
Noureddine Mostafa, qui persiste à mener l’enquête...
Tarik Saleh commence son film
classiquement, décrit les rouages des méthodes policières, le départ de l'enquête, la recherche du témoin. Mais rien n’est simple. On se
trompe de témoin, on se trompe de tueur, on se trompe sur ses collègues, et même
sur Gina - amie éplorée de la victime - qui l’attire dans son lit. Noureddine
Mostafa se retrouve engager dans des intrigues nébuleuses et des jeux de pouvoirs,
sans pouvoir rien y faire, sauf essayer d'en sortir vivant. Donc autant y aller tête
baissée.
C’est ce qui caractérise ce
flic, calme au dehors, bouillonnant au-dedans. Face au député, qu’il harcèle
tel un Columbo, il garde profil bas, courbe l’échine, mais ses questions sont
directes, et son regard en dit long sur sa détermination, et le dégoût à faire partie
de cette société-là. La tension monte sans cesse, à mesure que le danger se
rapproche, que les crimes s’enchaînent - excellente idée que ce type, joué par
le français Slimane Dazi, menace omniprésente et invisible à la fois - et que
la colère gronde dans les rues. La jeunesse égyptienne entame son printemps
arabe.
Tarik Saleh filme Le Caire
(Casablanca en réalité, donc) comme un immense chantier inachevé, des carcasses
d’immeubles, des grues qui se dressent derrière un rideau de pollution
verdâtre, les squats où s’entassent les clandestins aux clubs privés où le
gratin cairote** s’amourache de starlettes qui font la pute, les maîtres chanteurs,
les bakchichs. Le réalisateur tient son récit, colle aux basques de son
flic, personnage auquel on finit par s’attacher (a-t-on d’autres choix ?)
jusqu’au dénouement quasi apocalyptique, où le cynisme semble être la seule
bouée de secours.
Un scénario très bien ficelé, solidement réalisé, et l’originalité de
l’environnement fait le reste.
** Michel Hazanavicius, OSS
117, « Le Caire, nid d’espions »
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