vendredi 21 juillet 2017

LE CAIRE CONFIDENTIEL de Tarik Saleh (2017) par Luc B.



Déjà, le titre français, qui rappelle furieusement L.A. CONFIDENTIAL de James Ellroy. Pas un hasard. Ce film de l’égyptien Tarik Saleh (produit par le Danemark, la Suède, et tourné au Maroc - tu parles, avec un sujet pareil…) est un pur Film Noir, comme je n’en avais pas vu depuis un bail. Si l’idée de départ s’inspire d’un réel fait divers, on retrouve pas mal d’éléments du GRAND SOMMEIL de Chandler.

Nous sommes au Caire, en janvier 2011. Le commandant de police Noureddine Mostafa fait sa petite tournée nocturne, empochant les enveloppes des dealers et trafiquants de tous poils. La corruption gangrène la police et la justice, jusqu’au sommet du terrible service de Sureté de l’Etat. Mostafa doit même filer du fric à d’autres flics lorsqu’il arrête un type hors de son secteur… Veuf, le soir, il s’enivre de bière et de haschich.

Le général Mostafa, son oncle, l’envoie enquêter sur un meurtre. Une chanteuse égorgée dans sa très chic chambre d’hôtel. Salwa, jeune femme de chambre, une soudanaise clandestine, reconnait l'homme qui est sorti de la chambre, et dont le visage orne des affiches géantes, en ville : Hatem Shafiq, riche entrepreneur, député, et proche du président Moubarak. Quelqu'un qu'il ne convient pas d'importuner. La police conclut donc à un suicide. « Elle se serait égorgée toute seule ? », se marre Noureddine Mostafa, qui persiste à mener l’enquête...

Tarik Saleh commence son film classiquement, décrit les rouages des méthodes policières, le départ de l'enquête, la recherche du témoin. Mais rien n’est simple. On se trompe de témoin, on se trompe de tueur, on se trompe sur ses collègues, et même sur Gina - amie éplorée de la victime - qui l’attire dans son lit. Noureddine Mostafa se retrouve engager dans des intrigues nébuleuses et des jeux de pouvoirs, sans pouvoir rien y faire, sauf essayer d'en sortir vivant. Donc autant y aller tête baissée.

C’est ce qui caractérise ce flic, calme au dehors, bouillonnant au-dedans. Face au député, qu’il harcèle tel un Columbo, il garde profil bas, courbe l’échine, mais ses questions sont directes, et son regard en dit long sur sa détermination, et le dégoût à faire partie de cette société-là. La tension monte sans cesse, à mesure que le danger se rapproche, que les crimes s’enchaînent - excellente idée que ce type, joué par le français Slimane Dazi, menace omniprésente et invisible à la fois - et que la colère gronde dans les rues. La jeunesse égyptienne entame son printemps arabe.

Tarik Saleh filme Le Caire (Casablanca en réalité, donc) comme un immense chantier inachevé, des carcasses d’immeubles, des grues qui se dressent derrière un rideau de pollution verdâtre, les squats où s’entassent les clandestins aux clubs privés où le gratin cairote** s’amourache de starlettes qui font la pute, les maîtres chanteurs, les bakchichs. Le réalisateur tient son récit, colle aux basques de son flic, personnage auquel on finit par s’attacher (a-t-on d’autres choix ?) jusqu’au dénouement quasi apocalyptique, où le cynisme semble être la seule bouée de secours.

Un scénario très bien ficelé, solidement réalisé, et l’originalité de l’environnement fait le reste.

** Michel Hazanavicius, OSS 117, « Le Caire, nid d’espions »    
 


LE CAIRE CONFIDENTIEL
couleur  -  1h45  -  scope 2:35 
 

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