Retour dans la région parisienne avec une artiste du cru. Emma
Staël, en duo piano-voix, un goût étrange venue d’ailleurs.
Madame de Staël
Y
aurait-il des similitudes avec l’écrivaine et philosophe française du XIXème
siècle, Madame de Staël ? Quand on compare
la biographie de la célèbre baronne au CD de l’artiste, le fossé n’est pas si
énorme que ça. Germaine de Staël fût, en son
temps, la figure de proue du mouvement romantique, et personnellement, je
trouve que certains artistes ont tendance à être le prolongement d’une époque
où maintenant la poésie et le romantisme ont laissés la place à une affligeante
banalité voire médiocrité dans les textes de certains chanteurs. Mais ici avec Emma Staël
(D’où mon parallèle, un peut facile, avec
la baronne !) la question de médiocrité ne se pose même pas. C’est Hélène Gerray une
artiste que personnellement j’apprécie beaucoup et qui a déjà eu deux
chroniques dans nos colonnes qui va me contacter avec un petit mot. Mais une
phrase va m’interpeller : «C’est
une très belle personne et ça transpire de partout, en vrai». Ca transpire
de partout ? Serait-ce une chanteuse qui aurait les glandes sudoripares
qui fonctionneraient beaucoup plus que les autres en faisant du «Headbang» ? Une danse impliquant de
violent mouvement de tête en cadence avec la musique propre au fan de heavy métal ? J’en
serais étonné au vu du minois de la jolie Emma Staël, même si cette dernière a une
longue crinière blonde, je ne crois pas que ce soit le style de la belle dame,
surtout dans le domaine piano-voix, tu n’as que rarement l’occasion de
pratiquer ce genre de danse.
Emma Staël et A Felicidade |
Mais
avant tout, qui est Emma Staël ? Dans sa page officielle,
j’apprends que ses parents sont deux comédiens de théâtre, que très tôt elle
foulera les planches, qu’elle intègrera une chorale ou elle sera quelquefois
la soliste. Plus tard, elle rentrera au conservatoire de Villeneuve-Saint-Georges
pour une formation au chant classique, ce qui aurait pu en effrayer plus d’un
quand on sait que de la même ville sont issue le rappeur Bambi Cruz et MC Soolar.
Puis ce sera celui de Buc, une petite commune dans les Yvelines, ou elle
étudiera le chant jazz et la Bossa Nova à l’Association Régionale d’Information
et d’Action Musicale (ARIAM). Elle participera à la création d’un quintet de
jazz : A Felicidade qui tournera dans la
région. Mais Emma
Staël veut voler de ses propres ailes et elle va se lancer dans le
vide avec ses textes et sa musique.
En 2010, elle va croiser la route du
pianiste Marco Albano, la complicité entre les
deux artistes s’installe et le pianiste va composer et arranger les textes de
la chanteuse, mais il va aussi l’accompagner sur scène.
La belle Hélène
m’ayant fait parvenir le CD d’Emma, je m’en vais maintenant vous le commenter.
Déjà,
une jaquette dépliante qui vous donne la mesure du contenu
avec une belle représentation dessinée de la fontaine Saint-Michel à Paris, avec
une femme de dos en robe à fleurs rouges et qui apparaîtra, une fois déplier, dans
différentes postures, assise, s’étirant, regardant une vitrine et même
arrosant ses fleurs. Le dessin d’un personnage qui n’est pas sans me rappeler
ceux que dessine Mylène Farmer (Bien que ceux fait par la chanteuse rousse
soit moins stylisé et plus enfantin).
Avec Marco Albano |
Je
commence mon écoute par «Incognita», une bien belle ballade mélancolique
avec un piano langoureux, une discrète percussion et une double voix sur le
refrain. Une histoire d’amour dans laquelle beaucoup pourrait se retrouver.
«C’est fou»
chanté en duo avec Marco Albano, l’inventaire de
la vie d’un couple remplie du vécu de chacun.
«Parc Floral»
Un clavier qui sonne comme un Rhodes, un Wurlitzer (Ou tout simplement un Korg ?),
une percussion Conga, un rythme jazzy et voila une chanson fleurie plutôt
agréable en ces débuts d’été. Mais plus j’écoute le morceau et je me dis que
cette rengaine m’est familière, je retourne la jaquette et je vois que
l’original est un titre de Charlie Parker «My Little Suede
Shoes». Une reprise bien sympathique.
«La mi-juin» La magnifique chanson au titre que l’on peut
classer de «Rive gauche». L’histoire
de ce soldat musicien permissionnaire qui retrouve sa belle et qui après être
reparti pour le front, voit ses nerfs craquer «La
guerre est un refrain qui peut vous rendre fou»
Par désespoir il se brisera la main avec un caillou pour ne «Plus sentir la crosse de mon vilain fusil».
Il n’y a pas beaucoup d’histoire d’amour de couple déchiré par un conflit et
quand j’ai entendu celle-ci, j’ai pensé au morceau de Maxime le Forestier «Les Lettres»
en 1975.
«J’te voyais pas»
Encore un jolie titre sur une musique mélancolique ou, quand dans un couple
l’érosion du temps fait son apparition (Personnellement,
c’est comme ça que je ressens la chanson).
«L’homme de la
déchèterie» Il est rare de trouver de l’humour quand on parle de nos
détritus et autres débris et Emma Staël réussie à nous faire sourire avec cette chanson et son
tempo un peut plus rapide.
«Je ne tomberai
pas» Comparable à certaine chansons d’Anne Sylvestre à ses débuts,
j’aime !
«Tans pis !»
Avec un son de piano jazz, ou comment essayer de faire milles choses pour ne
pas se manger un «râteau».
«Sans petits
cailloux» Avec une intro au piano qui nous plonge dans une
atmosphère feutrée et une ambiance cosy d’un pub de St Germain. La fin d’une
histoire, avec ses souvenirs.
«Enfant de Fleury»
Habitant à quelques kilomètres de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, ce titre
ne pouvait que m’interpeler (Mais je n’ai
jamais personnellement fréquenté l‘établissement). Un joli titre sur un
enfant dont le père est en voyage d’affaire
ce «Fils de reclus, graine de taulard,
veine de pendu, miraculé du parloir», une chanson qui aurait pu
apparaître dans la chanson réaliste et dans le répertoire d’un Aristide Bruant si ce dernier avait vécu jusqu’à nous.
Emma Staël avec sa voix feutrée,
lumineuse et un joli vibrato retrace ces petites tranches de vie avec émotions
et pudeurs. Encore une artiste rare qui devrait sortir du cadre restreint de sa
banlieue et éclater en plein jour. Avec Marco Albano
au piano et les petites touches de Thierry Zimmermann
aux percussions donnent une harmonie parfaite au dix titres que comporte l’album.
Emma Staël, tout comme Hélène Gerray sont des perles rares qui, une fois sortie
de leurs écrins devraient être misent en vitrine.
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