jeudi 20 juillet 2017

EMMA STAËL - LA MI-JUIN - par Pat Slade




Retour dans la région parisienne avec une artiste du cru. Emma Staël, en duo piano-voix, un goût étrange venue d’ailleurs.





Madame de Staël




Y aurait-il des similitudes avec l’écrivaine et philosophe française du XIXème siècle, Madame de Staël ? Quand on compare la biographie de la célèbre baronne au CD de l’artiste, le fossé n’est pas si énorme que ça. Germaine de Staël fût, en son temps, la figure de proue du mouvement romantique, et personnellement, je trouve que certains artistes ont tendance à être le prolongement d’une époque où maintenant la poésie et le romantisme ont laissés la place à une affligeante banalité voire médiocrité dans les textes de certains chanteurs. Mais ici avec Emma Staël (D’ mon parallèle, un peut facile, avec la baronne !) la question de médiocrité ne se pose même pas. C’est Hélène Gerray une artiste que personnellement j’apprécie beaucoup et qui a déjà eu deux chroniques dans nos colonnes qui va me contacter avec un petit mot. Mais une phrase va m’interpeller : «C’est une très belle personne et ça transpire de partout, en vrai». Ca transpire de partout ? Serait-ce une chanteuse qui aurait les glandes sudoripares qui fonctionneraient beaucoup plus que les autres en faisant du «Headbang» ? Une danse impliquant de violent mouvement de tête en cadence avec la musique  propre au fan de heavy métal ? J’en serais étonné au vu du minois de la jolie Emma Staël, même si cette dernière a une longue crinière blonde, je ne crois pas que ce soit le style de la belle dame, surtout dans le domaine piano-voix, tu n’as que rarement l’occasion de pratiquer ce genre de danse. 

Emma Staël et A Felicidade
Mais avant tout, qui est Emma Staël ? Dans sa page officielle, j’apprends que ses parents sont deux comédiens de théâtre, que très tôt elle foulera les planches, qu’elle intègrera une chorale ou elle sera quelquefois la soliste. Plus tard, elle rentrera au conservatoire de Villeneuve-Saint-Georges pour une formation au chant classique, ce qui aurait pu en effrayer plus d’un quand on sait que de la même ville sont issue le rappeur Bambi Cruz et MC Soolar. Puis ce sera celui de Buc, une petite commune dans les Yvelines, ou elle étudiera le chant jazz et la Bossa Nova à l’Association Régionale d’Information et d’Action Musicale (ARIAM). Elle participera à la création d’un quintet de jazz : A Felicidade qui tournera dans la région. Mais Emma Staël veut voler de ses propres ailes et elle va se lancer dans le vide avec ses textes et sa musique.

En 2010, elle va croiser la route du pianiste Marco Albano, la complicité entre les deux artistes s’installe et le pianiste va composer et arranger les textes de la chanteuse, mais il va aussi l’accompagner sur scène.

La belle Hélène m’ayant fait parvenir le CD d’Emma, je m’en vais maintenant vous le commenter.  

Déjà, une jaquette dépliante qui vous donne la mesure du contenu avec une belle représentation dessinée de la fontaine Saint-Michel à Paris, avec une femme de dos en robe à fleurs rouges et qui apparaîtra, une fois déplier, dans différentes postures, assise, s’étirant, regardant une vitrine et même arrosant ses fleurs. Le dessin d’un personnage qui n’est pas sans me rappeler ceux que dessine Mylène Farmer (Bien que ceux fait par la chanteuse rousse soit moins stylisé et plus enfantin).

Avec Marco Albano
Je commence mon écoute par «Incognita», une bien belle ballade mélancolique avec un piano langoureux, une discrète percussion et une double voix sur le refrain. Une histoire d’amour dans laquelle beaucoup pourrait se retrouver.
«C’est fou» chanté en duo avec Marco Albano, l’inventaire de la vie d’un couple remplie du vécu de chacun.

«Parc Floral» Un clavier qui sonne comme un Rhodes, un Wurlitzer (Ou tout simplement un Korg ?), une percussion Conga, un rythme jazzy et voila une chanson fleurie plutôt agréable en ces débuts d’été. Mais plus j’écoute le morceau et je me dis que cette rengaine m’est familière, je retourne la jaquette et je vois que l’original est un titre de Charlie Parker «My Little Suede Shoes». Une reprise bien sympathique.
«La mi-juin»  La magnifique chanson au titre que l’on peut classer de «Rive gauche». L’histoire de ce soldat musicien permissionnaire qui retrouve sa belle et qui après être reparti pour le front, voit ses nerfs craquer «La guerre est un refrain qui peut vous rendre fou» Par désespoir il se brisera la main avec un caillou pour ne «Plus sentir la crosse de mon vilain fusil». Il n’y a pas beaucoup d’histoire d’amour de couple déchiré par un conflit et quand j’ai entendu celle-ci, j’ai pensé au morceau de Maxime le Forestier «Les Lettres» en 1975.  

«J’te voyais pas» Encore un jolie titre sur une musique mélancolique ou, quand dans un couple l’érosion du temps fait son apparition (Personnellement, c’est comme ça que je ressens la chanson).
«L’homme de la déchèterie» Il est rare de trouver de l’humour quand on parle de nos détritus et autres débris et Emma Staël réussie à  nous faire sourire avec cette chanson et son tempo un peut plus rapide.

«Je ne tomberai pas» Comparable à certaine chansons d’Anne Sylvestre à ses débuts, j’aime !
«Tans pis !» Avec un son de piano jazz, ou comment essayer de faire milles choses pour ne pas se manger un «râteau».
«Sans petits cailloux» Avec une intro au piano qui nous plonge dans une atmosphère feutrée et une ambiance cosy d’un pub de St Germain. La fin d’une histoire, avec ses souvenirs.
«Enfant de Fleury» Habitant à quelques kilomètres de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, ce titre ne pouvait que m’interpeler (Mais je n’ai jamais personnellement fréquenté l‘établissement). Un joli titre sur un enfant dont le père est en voyage d’affaire ce «Fils de reclus, graine de taulard, veine de pendu, miraculé du parloir», une chanson qui aurait pu apparaître dans la chanson réaliste et dans le répertoire d’un Aristide Bruant si ce dernier avait vécu jusqu’à nous.  

Emma Staël avec sa voix feutrée, lumineuse et un joli vibrato retrace ces petites tranches de vie avec émotions et pudeurs. Encore une artiste rare qui devrait sortir du cadre restreint de sa banlieue et éclater en plein jour. Avec Marco Albano au piano et les petites touches de Thierry Zimmermann aux percussions donnent une harmonie parfaite au dix titres que comporte l’album.

Emma Staël, tout comme Hélène Gerray sont des perles rares qui, une fois sortie de leurs écrins devraient être misent en vitrine.   

Le site de Emma Staël

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire