Elle est sympa Sonia de me donner des
idées pour l'été. Divers post-it constellent le mur de mon bureau. Un petit morceau connu, court et amusant, écrit à l'origine
pour le piano puis orchestré par le grand musicien basque. En plus, j'ai la
chance de disposer de deux vidéos de grande qualité artistique tant pour la
version piano que pour la transcription pour orchestre ; et de nommer : Pierre Boulez dans sa seconde gravure avec l'orchestre de Cleveland et
l'interprétation ancienne mais culte de Walter
Gieseking des années 50 (pianiste dont j'avais
encensé l'intégrale de l'œuvre pianistique de Ravel lors d'une chronique consacrée à Miroirs il y a
quelques semaines). (Clic)
Pavane ? Tout le monde connait le mot. J'ai sorti de la poussière mon petit Robert
pour en savoir plus. Je suis désormais très savant 😎. La pavane
est une danse lente, un peu grave et qui voit le jour à Padoue à l'époque
classique. N'oublions pas que l'Espagne et sa culture est très à la mode au
début du XXème siècle. Curieusement, c'est une danse proche de la Gaillarde,
mot qui de nos jours suggère des arrières pensées : on prend un verre, on danse
bien étreints et on finit la soirée en dansant la bagatelle… Bon Ok, j'ai
l'esprit mal tourné, c'est bien connu.
Ah et puis surtout, il y a le verbe se
pavaner, même si en vocabulaire courant on préfère actuellement "rouler sa
caisse" : Avouez que ce n'est pas une belle expression. Il y a un synonyme
: "se paonner", un peu désuet… Deux exemples sortis du BLED (menteur)
: Rockin' se pavane à Paname. Luc se paonne devant sa patronne. C'est nul ! Raymond Devos aurait honte de moi, et Sonia me dirait "Heuuu, vous digressez M'sieur
Claude, et le sujet du jour !".
Pour
être complet et logique, l'étymologie se rapporte à pavo, mot espagnol de la
région de Padoue qui justement signifie paon ! Tout s'explique…
Ravel n'est pas le
seul à avoir mis en musique ce pas de danse dans Pavane pour une infante
défunte. Gabriel Fauré est également
auteur d'une pavane pour petit orchestre, plus rythmée avec des voix,
magnifique, pour une autre fois…
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La
pièce sera écrite en 1899 par un
tout jeune Ravel de 24 ans qui
justement suit les cours de Gabriel Fauré au
conservatoire de Paris. Il en assurera lui-même l'orchestration en 1902. Le morceau est dédié à son
condisciple du conservatoire : le pianiste espagnol Ricardo
Viñes (1875-1943) qui créera notamment Miroirs. Là encore je
vous renvoie à l'article sur ce cycle majeur de Ravel.
Ravel n'écrira, contrairement
à Chopin ou à Liszt, aucune pièce de bravoure extravertie et destinée à faire briller les pianistes
virtuoses même si la profondeur émotionnelle est bien là. Ravel est un
compositeur de la douceur, de la nostalgie, du rêve et même s'il
s'en défendait, d'un certain impressionnisme musical.
Le
rythme galant, lent, élégiaque, non dénué pour autant de sensualité ne pouvait
que séduire Ravel. Il écrira
d'ailleurs une autre pavane pour la suite Ma mère L'Oye.
Dans
la version orchestrale, une douce tristesse émerge du silence sur un solo de
cors soutenu par un rythme aux pizzicati des cordes. Le grand Ravel
des couleurs orchestrales poétiques et diaphanes se révèle déjà : le chant du
hautbois, les arpèges des harpes, les phrases feutrées des cordes, le chant
nocturne et gracieux des flûtes. Nous voguons sur une onde féerique, triste et presque
érotisante. Si on a connu Pierre Boulez dirigeant de
manière plus frémissante cette pièce dans les années 70, toujours à Cleveland,
le chef retrouve les accents magnétiques de la Pavane.
Walter Gieseking avait bien compris que Ravel ne se joue pas avec un legato romanesque, bien au contraire. Dans cette pièce
rêveuse, le pianiste cisèle le phrasé, offre à chaque note un rôle, celui de
jeunes danseurs, ces pas de danse dont la jeune infante a pu rêver avant de
s'endormir pour l'éternité. Sublime.
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C'est vrai que le piano de Walter Gieseking sur cette pièce peut-être écouter sur du bon matos hifi : il y joue remarquablement bien. Quand à la version de Pierre Boulez je la mets de coté, étant donné que j'ai croisé plusieurs fois le bonhomme, on était presque voisin (ça je l'ai déjà dit mais j'essaie de le ressortir à chaque occasion, je me pavane en quelque sorte).
RépondreSupprimerQuand on pense Ravel, tout de suite les gens disent :"Boléro" et bien pas moi !! "La pavane pour une infante défunte" a toujours été un de mes titres favoris avec le "Menuet antique". Mais comme Guy William, je trouve la version piano de Gieseking magnifique. Pour la version orchestre, j'ai le souvenir d'une version par Giulini chez DDG et bien sur celle d'Osawa avec le Saito Kinen Orchestra chez Decca.
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