samedi 22 juillet 2017

RAVEL – Pavane pour une infante défunte – Pierre BOULEZ vs Walter GIESEKING – par Claude TOON





Elle est sympa Sonia de me donner des idées pour l'été. Divers post-it constellent le mur de mon bureau. Un petit morceau connu, court et amusant, écrit à l'origine pour le piano puis orchestré par le grand musicien basque. En plus, j'ai la chance de disposer de deux vidéos de grande qualité artistique tant pour la version piano que pour la transcription pour orchestre ; et de nommer : Pierre Boulez dans sa seconde gravure avec l'orchestre de Cleveland et l'interprétation ancienne mais culte de Walter Gieseking des années 50 (pianiste dont j'avais encensé l'intégrale de l'œuvre pianistique de Ravel lors d'une chronique consacrée à Miroirs il y a quelques semaines). (Clic)
Pavane ? Tout le monde connait le mot. J'ai sorti de la poussière mon petit Robert pour en savoir plus. Je suis désormais très savant 😎. La pavane est une danse lente, un peu grave et qui voit le jour à Padoue à l'époque classique. N'oublions pas que l'Espagne et sa culture est très à la mode au début du XXème siècle. Curieusement, c'est une danse proche de la Gaillarde, mot qui de nos jours suggère des arrières pensées : on prend un verre, on danse bien étreints et on finit la soirée en dansant la bagatelle… Bon Ok, j'ai l'esprit mal tourné, c'est bien connu.
Ah et puis surtout, il y a le verbe se pavaner, même si en vocabulaire courant on préfère actuellement "rouler sa caisse" : Avouez que ce n'est pas une belle expression. Il y a un synonyme : "se paonner", un peu désuet… Deux exemples sortis du BLED (menteur) : Rockin' se pavane à Paname. Luc se paonne devant sa patronne. C'est nul ! Raymond Devos aurait honte de moi, et Sonia me dirait "Heuuu, vous digressez M'sieur Claude, et le sujet du jour !".
Pour être complet et logique, l'étymologie se rapporte à pavo, mot espagnol de la région de Padoue qui justement signifie paon ! Tout s'explique…
Ravel n'est pas le seul à avoir mis en musique ce pas de danse dans Pavane pour une infante défunte. Gabriel Fauré est également auteur d'une pavane pour petit orchestre, plus rythmée avec des voix, magnifique, pour une autre fois…
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La pièce sera écrite en 1899 par un tout jeune Ravel de 24 ans qui justement suit les cours de Gabriel Fauré au conservatoire de Paris. Il en assurera lui-même l'orchestration en 1902. Le morceau est dédié à son condisciple du conservatoire : le pianiste espagnol Ricardo Viñes (1875-1943) qui créera notamment Miroirs. Là encore je vous renvoie à l'article sur ce cycle majeur de Ravel.
Ravel n'écrira, contrairement à Chopin ou à Liszt, aucune pièce de bravoure extravertie et destinée à faire briller les pianistes virtuoses même si la profondeur émotionnelle est bien là. Ravel est un compositeur de la douceur, de la nostalgie, du rêve et même s'il s'en défendait, d'un certain impressionnisme musical.
Le rythme galant, lent, élégiaque, non dénué pour autant de sensualité ne pouvait que séduire Ravel. Il écrira d'ailleurs une autre pavane pour la suite Ma mère L'Oye.
Dans la version orchestrale, une douce tristesse émerge du silence sur un solo de cors soutenu par un rythme aux pizzicati des cordes. Le grand Ravel des couleurs orchestrales poétiques et diaphanes se révèle déjà : le chant du hautbois, les arpèges des harpes, les phrases feutrées des cordes, le chant nocturne et gracieux des flûtes. Nous voguons sur une onde féerique, triste et presque érotisante. Si on a connu Pierre Boulez dirigeant de manière plus frémissante cette pièce dans les années 70, toujours à Cleveland, le chef retrouve les accents magnétiques de la Pavane.
Walter Gieseking avait bien compris que Ravel ne se joue pas avec un legato romanesque, bien au contraire. Dans cette pièce rêveuse, le pianiste cisèle le phrasé, offre à chaque note un rôle, celui de jeunes danseurs, ces pas de danse dont la jeune infante a pu rêver avant de s'endormir pour l'éternité. Sublime.
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2 commentaires:

  1. C'est vrai que le piano de Walter Gieseking sur cette pièce peut-être écouter sur du bon matos hifi : il y joue remarquablement bien. Quand à la version de Pierre Boulez je la mets de coté, étant donné que j'ai croisé plusieurs fois le bonhomme, on était presque voisin (ça je l'ai déjà dit mais j'essaie de le ressortir à chaque occasion, je me pavane en quelque sorte).

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  2. Quand on pense Ravel, tout de suite les gens disent :"Boléro" et bien pas moi !! "La pavane pour une infante défunte" a toujours été un de mes titres favoris avec le "Menuet antique". Mais comme Guy William, je trouve la version piano de Gieseking magnifique. Pour la version orchestre, j'ai le souvenir d'une version par Giulini chez DDG et bien sur celle d'Osawa avec le Saito Kinen Orchestra chez Decca.

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