Yves Vessiere Le Chant d’Un Homme
Patchwork d’une carrière
Une
fois de plus le facteur m’a apporté un CD. Ma boite à lettres va devenir une
succursale de la FNAC et de Cultura réunis. Mais les artistes auxquels nous autres
chroniqueurs du Déblocnot’ nous portons une oreille attentive sont hors
système, hors showbiz la plupart du temps et ne méritent pas de l’être. Ils devraient plutôt envahir les médias au
centuple pour contrer le matraquage de chanteurs sans voix et sans talents (Je ne citerais pas de noms !)
La
France est un énorme vivier de talents, il ne suffit pas de regarder avec des
œillères comme des zombies des émissions télévisés comme «The Voice» où les fauteuils tournent sur eux-mêmes ou encore «La France
a un incroyable talent» ou le buzzer fatidique te renvoie à tes études. Il
faut chercher dans la France rurale pour trouver beaucoup de talents méconnus.
Comme pour Hélène Gerray, cette charmante et
talentueuse chanteuse du Cher à laquelle j’avais consacré une chronique au mois de
mars dernier ou Brigitte Lecoq et ses reprises
de Barbara dans le centre. On me propose
aujourd’hui de m’intéresser à Yves Vessiere, un homme de l’Allier. Mais avant
de parler de ce chanteur musicien et de son album «On se demande», je tenais à préciser
que je vais traquer ces chanteurs et chanteuses qui sont dans l’ombre et j’ai
déjà plusieurs noms sur mes tablettes : Claudia
Meyer, Michèle Bernard et Fred Daubert. Beaucoup de travail en perspective.
Yves Vessiere - Jean-Louis Foulquier |
Mais
revenons à l’homme que je dois aujourd’hui présenter. Bienvenue dans le pays où
faire bonne chère et bombance n’est plus à démontrer. Entre la viande du
Charolais et le pâté aux pommes de terre, il reste du temps pour faire place à
la musique et à ceux qui la font.
Yves Vessiere n’est pas un «perdreau de l’année». Il a déjà de la
route et du métier derrière lui. «On se demande» est son sixième album. Dans sa vie il croisera celle de l’homme qui créera les Francofolies. Jean-Louis Foulquier l’invitera à France-Inter sur le plateau de «Y’a d’la chanson dans l’air». Il fera
aussi des rencontres dans sa vie de musicien parolier avec d’autres artistes connus (quand même)
comme Anne Sylvestre, Charles
Dumont, Isabelle Aubret,
Leny Escudero ou le Suisse Michel Bühler.
Il ne
sera pas facile pour moi de passer derrière les journalistes professionnels de
«Paroles et
Musiques»,
«Chorus»
ou encore ceux de la presse de province comme «La Montagne», «La Nouvelle
République» ou «Le Progrès de Lyon», c’est comme si je faisais
une chronique sur Genesis après Hervé Picart du regretté journal «Best».
Je prends
la pochette et je vois la photo d’un homme au visage un peu buriné, l’œil
plissé, le cheveu rare et un sourire énigmatique aux lèvres. Un homme qui se poserait la
question «On
se demande…». Bref !
Je me lance dans l’écoute et place la rondelle de polycarbonate dans le lecteur
de marque japonaise de ma chaine hifi. Je ne parlerais pas du timbre de voix,
je garde ça pour la fin.
On Se Demande…
«On se demande» : Une
belle ligne mélodique à la guitare dans le style de Maxime
le Forestier et des paroles qui pourraient sortir de la plume de
l’artiste à l’époque ou il avait de la barbe. Un réquisitoire sur notre monde
de fous et je ne peux que la comparer à un titre de Georges
Chelon. «Tant
et tant» où Yves Vessiere se demande «Comment
nous vient ce goût de vivre»
alors que «Pour un Jaurès, pour un Gandhi. Tant de despotes, tant de tyrans». «Vrai fils de la
nation» : Sur une petite musique bluesy toujours dans la même ligne ques les titres précédents. L’auteur du texte est un certain Bernard Martin (Désolé ! Je ne le connais pas, donc sujet à creuser !).
Un texte qui s'interroge sur le thème de l’identité nationale ou alors sur le
métissage de chacun de nous. Un Brassens aurait
bien pu la chanter, je me suis surpris à sourire en l’écoutant.
«Un Livre»
: Au son d’une guitare et des balais de batterie, voici sur un rythme jazzy une prise
de conscience qu’un livre et la lecture en général est une évasion «Tu le traînes partout. Partout, et même au p’tit
coin». Beaucoup de jeunes devraient écouter cette chanson au lieu de
s’abrutir devant leurs écrans de toutes tailles, encore faut-il susciter leur intérêt nous les aînés, hein papi Claude 😁.
«Ce bonhomme, il
sait tout» Un tempo à la Brassens,
des paroles avec ses homophonies. Une petite chanson drôle et bien tournée.
«Je voulais
conserver ma place» Très beau titre sur le harcèlement moral au
travail où les jeunes arrivistes du haut de l’échelle dans une entreprise te font
bien comprendre que le rendement est primordial et qu’ils pourraient te pousser
jusqu’au suicide.
«Chaque fois qu’j’te
vois» : Jazz manouche et le discours d’un homme et d’une femme
qui vivent un amour passif.
«Je hais les
haies» Toujours sur le même tempo, on change d’auteur pour… Raymond Devos et ses mots décalés. Rien d’autre à dire
sauf que j’ai du l’écouter trois fois pour bien comprendre ! Raymond Devos n’était pas un magicien des mots pour
rien.
«L’avaleur de l’argent» :
Yves
Vessiere sait lui aussi jongler et jouer avec les mots et nous le
prouve avec ce titre. Parti d’une anodine phrase de ses parents, dans la tête
d’un enfant cela devient autre chose «Tu verras quand
tu connaîtras la valeur de l’argent… Et moi je m’imaginais qu’une sorte de super
Picsou avalait tout notre fric, nos sous»
«Des routes pour
partir» : Le chômage, la délocalisation des usines… La crise ! «Y’a plus d’pognon, y’a plus de flouze, aujourd’hui,
ça sent la loose» mais avec un message subliminal : en
parlant de l’embauche «Pas plus chez
Auchan, qu’chez But. On bricole à droite, à gauche, y’a qu’ «la Marine» qui
recrute».
«Noël, Noël»
Avec des paroles de Jean Richepin, écrivain connus
pour son recueil de poèmes «La chanson des gueux» qui en 1876 lui vaudront 1 mois de prison pour
outrage aux bonnes mœurs. Jean Richepin était un poète engagé politiquement sous l’étiquette
«Fédération de Gauche», considéré
comme un grand rhétoricien, ses textes ont pour base la misère et cette
chanson, malgré sa guitare plutôt guillerette, n’échappe pas à la règle.
«Ah ! Je perds tout» : L’histoire d’un homme qui raconte qu’il a perdu sa femme et qui, au dernier couplet, nous glace l’échine en nous disant qu’il a perdu la boite «Elle craint les courants d’air… Maintenant qu’elle est en poussière…»
«Tu viens, tu pars» Encore un rythme jazzy-manouche. Mais a qui Yves Vessiere pose t’il la question ? Une femme ? Ou a un quelconque pote qui joue les morpions ?
«Il n’y a pas»
: Une déclaration d’amour avec calembours, jeux de mots et humour qui frise la
prose de Boby Lapointe.
«Les microbes
sympas» : Une chanson drôle qui vous fait voir qu’une angine ou une
grippe peuvent avoir de bon cotés : «Et vive les
microbes sympas qui vous mettent quelques temps sous les draps»
«Je pense à toi»
: C’est sur un beau texte de René Fallet l’auteur
de «Paris au
mois d’août» et un grand pote de l’ami Brassens
que se conclut cet album. Un homme qui pense à son amour alors que ce dernier
se trouve dans un Paris trop gris et trop pollué
à son goût.
Yves Vessierre, un style d’artiste que l’on
trouvait dans les années 70-80 avec une voix ou un style qui aurait tendance à se rapprocher de chanteurs comme Pierre Tisserand, Yvan Dautin Georges Chelon, Yves Branellec ou encore François
Béranger. Ça ne peut que plaire.
Yves Vessiere tisse ses textes comme une
toile d’araignée où l’auditeur se prend volontairement dedans. Encore une très
belle découverte qui nous fais bien comprendre que la chanson française n’est
pas définitivement foutu !
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