John Huston |
Huston n’en peut plus de tous ces
emmerdeurs. Il déserte le plateau à la première occasion, acheter des
antiquités mexicaines aux trafiquants locaux, sa grande passion. Mais le pire
: la MGM raccourcit le montage de
trente minutes, dénature le film. John Huston s’aperçoit que le studio
souhaitait juste un western lambda, avec son duo de stars, ses paysages
sauvages, et certainement pas un truc politique.
Et pourtant, quel beau film !
(bis) Tiré d’un roman d’Alan Le May, auteur aussi de LA PRISONNIERE DU DESERT. On
comprend mieux les points communs (la jeune Nathalie Wood enlevée par les indiens). Le film de Huston s’inscrit dans la veine
des westerns qui portaient un point de vue politique sur la nation indienne. C’est
un film sur le racisme, l’intolérance, la violence, la filiation, les origines.
Le premier plan est de toute
beauté : une
vache qui broute. Un travelling arrière élargit le cadre, la vache est montée sur un toit ! On découvre la maison, dont la porte s’ouvre, une
jeune femme sort un seau à la main, chasse la vache, va prendre de l’eau à la rivière. La caméra cadre
le somptueux paysage, et se fixe
sur une amorce de croix. On y lit le nom de William Zachary. On
comprend quelle famille vit ici, et que le père est mort. La jeune fille c’est Rachel
Zachary. Avec sa mère, ses deux frères, ils attendent le retour de l’ainé, Ben,
parti convoyer un troupeau de vaches. Il est associé a famille Rawlins, les voisins, et plus encore, puisque
Rachel Zachary est promise à Charlie Rawlins.
C’est la fête, les
retrouvailles, le repas, bien arrosé, gouleyant, truculent comme du John Ford. Ben Zachary (Burt Lancaster la tignasse au vent) est revenu avec un piano, qu’il dépose devant
la maison. La mère en joue. Entendre du Mozart, en plein désert, quelle image,
quelle scène ! Mais le bonheur n’a qu’un temps. A cause d’un cavalier,
borgne, un peu fou, oiseau de mauvaise augure, qui accuse : Rachel Zachary
serait une métisse, une indienne. Ca change la donne, pour le futur mariage. Par
ici tout le monde est raciste. Un bon indien est un indien mort. Le sang indien
ne doit pas se mêler au sang des Rawlins. Trois guerriers Kiowas viennent
reprendre Rachel, pour qu’elle vive avec son
peuple, sa race, les "Red Niger" comme dit la mère Rawlins.
Dès la première apparition du cavalier borgne, on sait quels nuages terniront d'équilibre familial des Zachary. John Huston
va sans cesse jouer sur les ruptures de ton. Une scène enjouée se terminera
toujours avec un goût de sang. Une scène de mariage se poursuit en enterrement.
Une égratignure au bras en cache une autre, mortelle. Ou encore la scène du dressage de chevaux
(comme dans les MITFISTS), joviale, où Johnny Portugal, métis toléré dans le groupe pour
ses compétences de pisteur, sera dérouillé par Ben pour avoir osé passer une
main dans les cheveux de Rachel. Le rôle de Johnny Portugal a totalement été
coupé, Huston en faisait un personnage clé, la MGM en a décidé
autrement.
Il y a des scènes sublimes dans
ce film, la traque du cavalier borgne dans une forêt de cactus, en pleine
tempête de sable. La pendaison, toute cette haine déversée, qui rappelle
aussi JOHNNY GUITAR. Ou ces flûtes indiennes qui annoncent le combat, au loin, que la mère Zachary tente de couvrir en jouant
du piano.
Il y a en fait peu d’action, au
sens classique du terme. C’est moins un western qu’un film dramatique avec des
cowboys. Ce que studios reprocheront à John Huston, contraint de rallonger la fusillade finale, qui en devient irréaliste à force de cadavres. Parce
que les vrais affrontements sont psychologiques. Quel est le secret de la
naissance de Rachel ? Même son frère Cash, serait prêt à l’abandonner aux
indiens. Le film est aussi ambigu sur les rapports entre Rachel et son frère
Ben. C’est une enfant adoptée, on le sait. Si elle doit épouser quelqu’un,
pourquoi pas Ben, dont on comprend qu’elle est amoureuse. Le baiser incestueux
de la fin nous saisit, mais encore une fois, le montage ayant été remanié, on
ne sait pas ce que voulait exprimer réellement John Huston.
On rêve de pouvoir découvrir le
film tel qu’il avait été imaginé, mais c’est impossible. THE UNFORGIVEN ("ceux qui ne pardonnent pas", mais le titre français est très bon aussi) est un
grand film tragique, magnifié par les violons de Dimitri Tiomkin, le scope
flamboyant de Huston, et les compositions habitées d’Audrey Hepburn et Burt Lancaster.
Vu et apprécié évidemment. A propos, docteur, une question annexe: comment, lors des alertes conversations que vous tenez au sein des coteries lettrées que vous fréquentez, prononcez-vous le nom du réalisateur: "you" comme dans Houston, par exemple, ou "us" comme dans Hustler? Je fais des poussées de tension à chaque fois que j'entends la première, fautive à mon avis, quasiment toujours utilisée, et par des gens qui ne devraient pas se tromper (critiques de cinéma, journalistes...etc).
RépondreSupprimerPour être très précis, je pense dire yiousstone, accent léger sur le "i" de "iouss"... Mais certainement pas de "houss" et encore moins de "uss", malheureux !!! Bon sujet de débat, à la prochaine réunion du cercle des amis du western (qui aura lieu au Balto, 12 avenue de la Marne, Rungis, et pas dans le grand salon du Crillon) j'engagerai les discussions.
RépondreSupprimerAh... Rungis, toute ma jeunesse....
RépondreSupprimerLes disques achetés à Belle-Epine, les stations sur le pont de l'autoroute à regarder rentrer les bécanes le dimanche soir....