- Tiens, Haendel M'sieur Claude ! L'auteur du Messie et de Water Music…
Ça fait un moment que l'on n'en a pas parlé… Que veut dire "a due cori"
?
- "À deux chœurs" ma petite Sonia. Pour une fois Haendel délaisse une
orchestration souvent limitée aux uniques cordes et ajoute un dialogue
avec une petite harmonie de vents…
- Ah je vois… Et c'est très connu ces concerti, il y a beaucoup
d'enregistrements ?
- Eh bien non ! Et c'est dommage. Cela est dû sans doute au fait que
Haendel réutilise des morceaux
pour la plupart
extraits de ses opéras ou oratorios…
- Ah oui, c'est ce que l'on appelle la parodie à l'époque baroque…
- Oui, exactement
Sonia. Ce ne sont pas des œuvres spirituelles ou dramatiques, mais des
divertissements qui méritent que l'on s'y attarde.
Georg Friedrich Haendel - Thomas Hudson (1756) |
L'orchestration façon
Haendel
se limite la plupart du temps au groupe des cordes plus parfois à un
clavecin pour le continuo. Il
existe
néanmoins 12 concertos avec
orgue. Un contraste net avec
l'instrumentation plus rutilante d'un
Bach
rivalisant de couleurs instrumentales variées dans les
Concertos Brandebourgeois
et les
suites
(ouvertures) pour orchestre, sans compter les
concertos
pour
violons,
clavier,
hautbois, etc. Remarque qui s'applique aussi à leur concurrent italien
Vivaldi, auteur de
concertos grosso
pour
vents,
mandolines, etc.
Les concertos grosso de
Haendel, notamment les douze de l'opus 6
de 1739, pallient le recours a
priori réducteur aux cordes, par une profondeur mélodique que l'on ne trouve
pas toujours dans les passages inspirés par des pas de danse chez ses
camarades. Il faut ainsi noter que, mort en 1758,
Haendel
est un baroque si tardif que l'on peut le classer parmi les premiers
classiques comme
Mozart
(1759-1791) ou
C.P.E. Bach
(1714-1788), le fiston… Et puis n'oublions pas que le Cantor a composé des
concertos pour orgues et cordes, un genre peu abordé par
Bach
qui se contenta de transposer des ouvrages de
Vivaldi
(La SACEM n'existait pas).
Pour ceux qui prendrait le train du Deblocnot en marche, wagon pullman
musique classique, la biographie résumée de
Haendel
est à lire dans l'article consacrée à l'une de ses œuvres les plus célèbres
:
The Water music (Clic).
À ce propos, et pour me faire mentir, les suites de
Water music sont richement orchestrées. Il faut penser que cette musique était destinée
à magnifier (au sens premier) des fêtes royales, l'orchestre pléthorique
étant installé sur un bateau navigant sur la Tamise. Dans les concertos
grosso, l'approche chambriste domine et l'orchestre se réduit,
évidemment.
Dans ce premier article consacré à
Haendel
je précisais que le compositeur, certes né en Allemagne, avait travaillé la
plus grande partie de sa vie en Angleterre, devenant même une gloire
nationale. (Certains pensent encore qu'il s'agit d'un compositeur British,
ce qui n'est pas totalement faux puisqu'à la fin de sa vie, il obtint la
nationalité anglaise. Il est inhumé en l'abbaye de Westminster comme
Purcell. La grande classe.)
Dans le même billet, nous apprenions que
Haendel
avait produit de manière très prolifique des opéras et des oratorios,
souvent d'inspiration biblique :
Solomon,
Saul,
Israël
en Egypte, etc., une trentaine d'oratorios en langue anglaise et non en latin,
religion anglicane oblige. (Bach
écrivant de son côté ses
passions
et ses
cantates
en allemand pour ses commanditaires luthériens.)
Tout ce préambule pour en arriver à l'idée principale : les oratorios
intégraient des intermèdes destinés à dédramatiser le propos et se
présentant sous forme de courtes pièces instrumentales.
Haendel, va réutiliser ces morceaux pour construire ses
Concerti a due cori. Il était courant à l'époque de recourir à ce principe de la parodie
(terme plus chic que récupération ou recyclage). La
Messe en si
de
Bach, monument du baroque, obéit en grande partie à cette technique (Clic). Bien entendu,
Haendel
va ajouter des innovations…
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Ensemble Zefiro |
Rapidement, leur activité a dépassé les limites de la petite harmonie,
comme on peut le voir sur cette photo, pour évoluer vers l'univers
chambriste baroque. L'ensemble a réalisé de nombreuses transcriptions pour
groupe de vents. Je vous propose en fin d'article une pittoresque et
malicieuse ouverture des
Noces de Figaro
de
Mozart.
Leur discographie est originale et innovante.
Et aujourd'hui, l'ensemble nous propose cette gravure des Concerti a due cori pour le moins ignorés de l'histoire du disque. Mon premier LP Haendel
fut un enregistrement par l'English Chamber orchestra dirigé par
Raymond Leppard
(déjà cité dans l'article Water music). Une révélation pour l'adolescent que
j'étais (tiens, j'écris comme Pat). Il existe également un disque de
Neville
Marinner. (Qu'est-ce que cet artiste n'a pas joué ?) Pour ces deux exemples, il
s'agit d'orchestres jouant sur instruments modernes, mais avec légèreté, on
s'en doute… Hormis ces chefs historiques, je ne vois rien, dommage !
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Alfredo Bernardini |
Les trois
concertos a due cori
sont donc en partie des compilations étendues avec de nouveaux morceaux.
Relativement tardives, elles seront
composés vers 1747-1748. Écrire
cela semble une lapalissade puisque pour utiliser des intermèdes existants,
encore faut-il que les oratorios ou opéras concernées aient été composés…
C'est le cas pour les deux premiers. Le premier n'est composé que d'emprunts
antérieurs, de très belles mélodies soit dit en passant. Pour le second,
Haendel
va écrire deux mouvements originaux. Enfin, curieusement, pour le troisième,
tout est nouveau, mais le compositeur, procédera de manière inverse dans
l'exploitation de son travail en intégrant les six mouvements à son oratorio
Judas Macchabée
de 1747. L'affaire sent le
bricolage direz-vous, mais le résultat est vraiment attrayant, même si très
classique de forme, et mériterait un peu plus d'attention de la part des
artistes et des labels…
L'orchestration est limpide et l'harmonie est doublée par l'orchestre baroque Zefiro :
N°1 : 4 hautbois et 2 bassons plus les cordes évidement.
N° 2
& N°3
: même orchestration avec 4 cors en plus.
On le devine : je ne vais pas chercher à mener une analyse musicologique
pointue de cette musique oscillant entre divertissement et trait d'union
entre des airs dramatiques et spirituels des oratorios. Mais il est amusant
de s'intéresser à quelques morceaux choisis caractéristiques de
l'inventivité noble, dansante et joyeuse de cette forme si représentative de
l'époque baroque à son firmament.
XX XXX |
Concerto N° 1 – Allegro ma non troppo
: [1:02] Emprunt sans retenue au premier chœur du Messie "And the glory of the Lord" dans lequel la partie réservée aux voix est confiée aux bois. Les cordes
s'envolent dans les aiguës, les bois d'époque et leur timbre râpeux
égaillent cet hymne détourné de son rôle liturgique. Un camouflet à ceux qui
prétendraient encore que
Haendel
n'avait pas le génie de la mélodie comme son compère
Bach
!
J'adore cette interprétation pleine de sève, merveilleusement équilibrée,
aux couleurs instrumentales qui tranchent véritablement avec celles des
rares concurrents. Écoutez le grand
Neville Marriner
(certes sur une reprise de LP), une mise en place parfaite mais un ton si
neutre et des tempos trop alanguis à mon goût. Une vision racée bien entendu
mais presque distante…
Concerto N° 2 – Pomposo
: [13:38] Pas si pompier que cela… Les cors naturels sonnent comme lors
d'une chasse à cours. Quel genre de chasse ? Une poursuite dans les bosquets
à la recherche de Sonia 😊 ?
[15:25] L'allegro suivant est joué furioso avec des traits cinglants.
Haendel
comme vous avez toujours voulu l'entendre pour reprendre un spot
publicitaire. [20:02] Le largo ne traîne pas, ménage un temps de repos et se
voit suivi par un facétieux allegro [21:49] aux traits syncopés des violons.
Une idée tendre ou farfelue toutes les dix mesures. C'est cela l'univers
concertant de
Haendel au sommet de son art. Mais pourquoi aussi peu d'enregistrement de cette musique b**l !!
[28:56] On retrouve le même style trépidant dans le
3ème concerto
lui aussi avec ses cors virulents.
En sortant du moule imposé par les pas de danse fréquents dans les suites
de
Bach (bourrée, gavotte, courante, passe-pied),
Haendel
libère l'imagination et la forme de ces concertos brillants et ludiques.
Invente-t-il au-delà du concerto grosso la suite pour orchestre qui
traversera les époques classique et romantique ? Bonne question ! Pour
reprendre les mots clés dans le texte de présentation que signa
Raymond Leppard pour son album sorti fin des années 60 : "virtuosité et humour", "sans doute les œuvres orchestrales les plus accomplies du maître", et pourtant, aucune preuve qu'ils aient été joués du vivant de Haendel.
La discographie alternative se réduit à la peau de chagrin puisque seule
l'interprétation de
Neville Marriner
est disponible mais, à mon sens, se révèle moins réjouissante que celle de
l'ensemble Zefiro (Decca – 3/6).
L'interprétation de
Raymond Leppard
plus allègre et élégante
fut rééditée un temps en CD par
Philips. Avec une mise en avant des deux chœurs de bois d'une délicatesse
inégalée, elle devrait absolument revoir le jour comme toutes les
autres gravures de
Georg-Friedrich par ce chef. Prise de son raffinée. On peut chercher le CD ou le LP
d'occasion, (Philips – 4/6). Nombreux exemplaires du CD pas chers aux
USA. (On ne peut pas en dire autant des frais de port 😣.)
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Les concertos interprétés par l'ensemble Zefiro puis par Sir Charles Mackerras avec l'English chamber Orchestra sur instruments modernes. Enfin, une ouverture de Rossini…
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