Raoul, le 4è borgne |
C’est un des plus
fameux films de guerre qui soit, une sorte de best-of à lui seul, dont les
codes et les péripéties se retrouvent dans un paquet d’autres métrages
ultérieurs. Le revoir 70 ans plus tard nécessite pourtant un peu de recul… Comme
on dit, s’agit de remettre tout ça dans son contexte. Si aujourd’hui on osait
un film comme celui-ci, délibérément à charge, n’acceptant qu’un seul point de
vue, les producteurs seraient taxés de xénophobes, de va-t’en guerre forcenés, et
le film ferait s’étrangler la cyber-toile, si prompte à dégainer ses slogans
dès qu’un acteur noir joue le rôle d’un méchant.
AVENTURES EN
BIRMANIE est tourné fin 1944, et ne sortira qu’en janvier 45. La guerre - celle
du Pacifique en particulier – est loin d’être finie, les japonais se battent
comme des diables. Hollywood monte au créneau, et descend au charbon. Comme
beaucoup de metteur en scène, le grand Raoul Walsh y prend part avec son alter
égo Errol Flynn, sept films ensemble.
Le plus classieux
des Robin des Bois en collants y joue le capitaine Nelson, dont la mission est
de détruire un radar japonais. Largués dans la jungle birmane, Nelson et ses
hommes détruisent l’objectif, puis se rendent au point de ralliement, pour être
récupérés. Et c’est là que ça coince… Les américains sont repérés et pris en
chasse par les japs. Impossible de se rendre au rendez-vous…
Le film enchaine
une suite d’aventures, toutes décrites sous un jour très documentaire. Évidemment, comme toujours ou presque dans les films de guerre, l'armée américaine fournit matériel et documentations... Il s’agit
de faire vrai. Les manœuvres, les parachutages, les bivouacs, les attaques, les
techniques de combat – comme lorsque les hommes de Nelson s’enterrent au sommet
d’une colline, comme dans des tombes - bénéficient d’une grande rigueur
descriptive, comme les portraits des hommes, des p’tits gars venus de leurs
provinces sauver le monde libre, qui ne songent qu’à revenir au bercail, près
des leurs. Dans le groupe, il y a un correspond de guerre, qui compte bien
relayer le quotidien des hommes, ce qui les rend très fiers. Des scènes
simples, humbles, mais qui en disent beaucoup.
On peut en
sourire, parfois, notamment sur le paternalisme du capitaine Nelson, héros par
excellence, jamais un coup de blues, toujours le mot qu’il faut pour soutenir
le moral des troupes, et un courage hors norme. Ce qui fit polémique, notamment
chez les anglais historiquement très engagés dans la campagne birmane mais
totalement absents du récit, pour ne pas faire d’ombre aux héros ricains, ni à
Errol Flynn, qui nettoie la jungle quasiment à lui seul, comme un Stallone le
fera en Afghanistan plus tard… A Londres, le film fut censuré, pour ne reparaitre sur les
écrans qu’en 1952.
AVENTURES EN
BIRMANIE place le japonais comme ennemi suprême du monde, à éradiquer. Le film
oppose l’humanité héroïque des américains à la fourberie nippone. Alors
que Nelson et ses hommes investissent un village, ils trouvent des compatriotes
massacrés, mutilés, suppliciés. Un soldat agonisant – dont le visage est filmé
hors champ, ce qui en est plus terrifiant encore - implore Nelson de le tuer, d’abréger
ses souffrances. Un de ses hommes hurle « les japonais sont des monstres
dégénérés, immoraux, il faut les exterminer ! ». C’est sans filtre…
Dans une des
dernières scènes, de nuit, à la lueur de fusées éclairantes, les américains
déciment littéralement les positions japonaises, ça dézingue à la mitrailleuse,
sur des hommes qui fuient, de dos, et on achève le boulot à la grenade.
Raoul Walsh
réalise des séquences formidables, toujours le plan juste (chez lui, rien de
tape à l’œil, de technique, pas de mouvements de caméra alambiqués) comme ces
longues marches sous le cagnard, les tentatives de ravitaillements, qui
nécessitent pour l’aviation des terrains dégagés, mais justement propices au
tir aux lapins. Le rythme ne faiblit pas, Walsh développe toute sa science de
la narration – beaucoup de scènes visuelles, puisque parler pourrait alerter l’ennemi
- une fois la mécanique emballée, on reste scotché jusqu’au bout.
On peut tiquer
parfois sur une certaine emphase dans le jeu d’Errol Flynn, les œillades appuyées,
son profil sans nuance, et j’ai été gêné aussi par quelques (faux) raccords
photographiques, des champ/contre champ hasardeux en termes de lumières, qui
nous font dire parfois : on est le jour, ou la nuit ?
AVENTURES EN
BIRMANIE, est le mètre étalon du film de guerre propagandiste, dont les
qualités cinématographiques sont indéniables, mais dont le propos sous-jacent
renvoie à une idéologie impérialiste assez anachronique et détestable aujourd’hui,
à l’image de l’épilogue patriotique. Quoique… Les années Reagan nous ont donnés quelques beaux spécimens, (sans parler des BÉRETS VERTS réalisés par John Wayne en plein Vietman) on imagine bien le jeune Chuck Norris biberonner
à ce téton-là, et il n’est pas le seul.
C’est ça le
problème… C’est un très grand film, un master-peace, une référence,
un modèle. Aussi dérangeant qu’il soit. Est-ce pour se faire pardonner, mais Raoul
Walsh reprendra ce scénario en version western dans LES AVENTURES DU CAPITAINE
WYATT, avec Gary Cooper, en 1951, en plus nuancé. Un dytique qui rappelle son HIGH SIERRA (1941,
polar avec Bogart) et LA FILLE DU DESERT (1949, western avec Joel Mc Crea).
OBJECTIVE BURMA !
OBJECTIVE BURMA !
noir et blanc - 2h20 - format 1:1.33
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