vendredi 14 avril 2017

AVENTURES EN BIRMANIE de Raoul Walsh (1945) par Luc B.

Raoul, le 4è borgne
C’est un des plus fameux films de guerre qui soit, une sorte de best-of à lui seul, dont les codes et les péripéties se retrouvent dans un paquet d’autres métrages ultérieurs. Le revoir 70 ans plus tard nécessite pourtant un peu de recul… Comme on dit, s’agit de remettre tout ça dans son contexte. Si aujourd’hui on osait un film comme celui-ci, délibérément à charge, n’acceptant qu’un seul point de vue, les producteurs seraient taxés de xénophobes, de va-t’en guerre forcenés, et le film ferait s’étrangler la cyber-toile, si prompte à dégainer ses slogans dès qu’un acteur noir joue le rôle d’un méchant.
  
AVENTURES EN BIRMANIE est tourné fin 1944, et ne sortira qu’en janvier 45. La guerre - celle du Pacifique en particulier – est loin d’être finie, les japonais se battent comme des diables. Hollywood monte au créneau, et descend au charbon. Comme beaucoup de metteur en scène, le grand Raoul Walsh y prend part avec son alter égo Errol Flynn, sept films ensemble.

Le plus classieux des Robin des Bois en collants y joue le capitaine Nelson, dont la mission est de détruire un radar japonais. Largués dans la jungle birmane, Nelson et ses hommes détruisent l’objectif, puis se rendent au point de ralliement, pour être récupérés. Et c’est là que ça coince… Les américains sont repérés et pris en chasse par les japs. Impossible de se rendre au rendez-vous…

Le film enchaine une suite d’aventures, toutes décrites sous un jour très documentaire. Évidemment, comme toujours ou presque dans les films de guerre, l'armée américaine fournit matériel et documentations... Il s’agit de faire vrai. Les manœuvres, les parachutages, les bivouacs, les attaques, les techniques de combat – comme lorsque les hommes de Nelson s’enterrent au sommet d’une colline, comme dans des tombes - bénéficient d’une grande rigueur descriptive, comme les portraits des hommes, des p’tits gars venus de leurs provinces sauver le monde libre, qui ne songent qu’à revenir au bercail, près des leurs. Dans le groupe, il y a un correspond de guerre, qui compte bien relayer le quotidien des hommes, ce qui les rend très fiers. Des scènes simples, humbles, mais qui en disent beaucoup.

On peut en sourire, parfois, notamment sur le paternalisme du capitaine Nelson, héros par excellence, jamais un coup de blues, toujours le mot qu’il faut pour soutenir le moral des troupes, et un courage hors norme. Ce qui fit polémique, notamment chez les anglais historiquement très engagés dans la campagne birmane mais totalement absents du récit, pour ne pas faire d’ombre aux héros ricains, ni à Errol Flynn, qui nettoie la jungle quasiment à lui seul, comme un Stallone le fera en Afghanistan plus tard… A Londres, le film fut censuré, pour ne reparaitre sur les écrans qu’en 1952.

AVENTURES EN BIRMANIE place le japonais comme ennemi suprême du monde, à éradiquer. Le film oppose l’humanité héroïque des américains à la fourberie nippone. Alors que Nelson et ses hommes investissent un village, ils trouvent des compatriotes massacrés, mutilés, suppliciés. Un soldat agonisant – dont le visage est filmé hors champ, ce qui en est plus terrifiant encore - implore Nelson de le tuer, d’abréger ses souffrances. Un de ses hommes hurle « les japonais sont des monstres dégénérés, immoraux, il faut les exterminer ! ». C’est sans filtre…

Dans une des dernières scènes, de nuit, à la lueur de fusées éclairantes, les américains déciment littéralement les positions japonaises, ça dézingue à la mitrailleuse, sur des hommes qui fuient, de dos, et on achève le boulot à la grenade.

Raoul Walsh réalise des séquences formidables, toujours le plan juste (chez lui, rien de tape à l’œil, de technique, pas de mouvements de caméra alambiqués) comme ces longues marches sous le cagnard, les tentatives de ravitaillements, qui nécessitent pour l’aviation des terrains dégagés, mais justement propices au tir aux lapins. Le rythme ne faiblit pas, Walsh développe toute sa science de la narration – beaucoup de scènes visuelles, puisque parler pourrait alerter l’ennemi - une fois la mécanique emballée, on reste scotché jusqu’au bout.

On peut tiquer parfois sur une certaine emphase dans le jeu d’Errol Flynn, les œillades appuyées, son profil sans nuance, et j’ai été gêné aussi par quelques (faux) raccords photographiques, des champ/contre champ hasardeux en termes de lumières, qui nous font dire parfois : on est le jour, ou la nuit ?

AVENTURES EN BIRMANIE, est le mètre étalon du film de guerre propagandiste, dont les qualités cinématographiques sont indéniables, mais dont le propos sous-jacent renvoie à une idéologie impérialiste assez anachronique et détestable aujourd’hui, à l’image de l’épilogue patriotique. Quoique…  Les années Reagan nous ont donnés quelques beaux spécimens, (sans parler des BÉRETS VERTS réalisés par John Wayne en plein Vietman) on imagine bien le jeune Chuck Norris biberonner à ce téton-là, et il n’est pas le seul.

C’est ça le problème… C’est un très grand film, un master-peace, une référence, un modèle. Aussi dérangeant qu’il soit. Est-ce pour se faire pardonner, mais Raoul Walsh reprendra ce scénario en version western dans LES AVENTURES DU CAPITAINE WYATT, avec Gary Cooper, en 1951, en plus nuancé. Un dytique qui rappelle son HIGH SIERRA (1941, polar avec Bogart) et LA FILLE DU DESERT (1949, western avec Joel Mc Crea).



OBJECTIVE BURMA !
noir et blanc  -  2h20  -  format 1:1.33 

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