Nous
avions parlé ici de MUD (2012, - Mud l'article -), très beau film de Jeff Nichols. TAKE SHELTER
était son précédent, auréolé de divers prix, et l’a fait connaitre. Nichols est
aussi son propre scénariste, et ses films reposent souvent sur le clan
familial, les enfants, les névroses. Il y a aussi un aspect presque fantastique
parfois, plus présent dans son dernier projet en date, MIDNIGHT SPECIAL.
Dans
le middle west, Curtis LaForche, marié à Samantha, est ouvrier. Il gagne sa
vie, possède une bonne mutuelle. Ce qui sera utile, puisque sa fille sourde et
muette a besoin de se faire opérer. Mais Curtis va mal. Il fait des cauchemars, qui tournent
autour de l’idée de danger, d’agression envers sa famille, et notamment une
peur panique des orages qui pourraient détruire sa maison.
Cette
phobie est irrationnelle pour son entourage. Mais la mère de Curtis est soignée
depuis trente ans pour schizophrénie, et Curtis craint de glisser sur la même
pente. Son unique but est maintenant de construire un abri anti-ouragan dans
son jardin.
TAKE
SHELTER est précédé d’une grosse réputation, à juste titre. Ce n’est pas un
film spectaculaire, mais qui distille une angoisse diffuse. Les visions de
Curtis nous semblent réelles. Mais nous savons – nous pensons - qu’elles ne le
sont pas. Il y a du Terrence Malick dans la mise en scène, dans cette manière
de filmer les espaces, la nature qui engloutit les humbles humains, les étendues sauvages, ce
vol d’étourneaux menaçants qui renvoie à l’invasion de sauterelles de LES
MOISSONS DU CIEL. La photographie est superbe. Jeff Nichols pourrait être le
croisement de Terrence Malick et de Steven Spielberg, dans la description des
gens simples, de la famille, l’incursion du surnaturel dans le quotidien. On
songe à RENCONTRE DU TROISIÈME TYPE.
La
phobie de Curtis progresse lentement. S’il rêve que son chien l’attaque, il se
sépare de l’animal, au grand dam de sa fille. Il est conscient de ses failles,
mais ne peut les combattre. Il voit son médecin, essaie de faire ce qu’il faut,
mais son angoisse le dépasse. Il dépense trop de temps et d’argent
pour son projet, il s’éloigne de son travail, ses collègues, ses amis. Grande scène au
Lion’s Club, où sa colère éclate, et comme un prédicateur fou, il menace l’assistance
du terrible danger qui arrive.
La
tempête arrive, mais réelle, ou sous les crânes ? Un peu longue la scène
dans l’abri, il ne s’y passe pas grand-chose. Spielberg y aurait trouvé des trucs
à faire… Mais la fin est sublime, crépusculaire, jamais Nichols n’oublie de
filmer la relation de couple, et on ne sait que penser du dernier plan, ambigu,
ouvert. Le danger, réel ou non – that is the question – est filmée dans le reflet d’une baie vitrée. Et là où Spielberg
aurait déchainé les éléments, Jeff Nichols, lui, coupe. The end.
Michael
Shannon, fidèle complice du réalisateur, est superbe, renfermé, ténébreux, tout à ses angoisses. Jessica
Chastain, (vu dans TREE OF LIFE... de Malick) est diaphane, sensible, elle illumine ses scènes,
face à un Shannon sombre et fragile à la fois. Il faut aimer les images, les plans
longs, l’atmosphère. Mais c’est humain. On croit aux personnages, l'empathie est réelle, et on finit par
croire aux situations. C’est un très beau film.
TAKE SHELTER de Jeff Nichols
couleur - 2h00 - scope 2:35
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