L’écran est carré, en noir et
blanc. On lit « NEMASC » ? Puis le format s’élargit, et on découvre le
mot « CINÉMASCOPE » en énorme : vous allez voir du vrai cinéma, du genre qui passe mal sur un écran de télé ou de smartphone, j’vais vous en mettre plein les
mirettes !
Et c'est vrai, avec
l’éblouissante séquence d’ouverture, un ballet chanté sur une bretelle
d’autoroute saturée. Un premier travelling longe le bitume, les voitures, on
entend depuis les autoradios des fragments de musiques (comme avec les appartements
du générique de FENETRES SUR COUR) on s’approche d’une fille au volant qui
chantonne, sort de sa voiture, se met à danser, entrainant tous les
conducteurs, sur un « Another day of sun » frénétique, épicé de Salsa. Le tout filmé à la grue, en plan séquence millimétré - en réalité 3
longs plans raccordés. Cette entrée en matière augure du meilleur !
Coincée dans le trafic, Mia fait un doigt d’honneur à un connard en décapotable. On va
suivre sa journée d’apprentie comédienne, abonnée à la loose, jusqu’à un
restau chic où un pianiste égaie la soirée. Pas suffisamment au goût du patron,
qui le vire de son établissement. Mia reconnait le pianiste : le gars de
la décapotable. Flashback : on revient au doigt d’honneur, à l’autoroute,
mais cette fois, on suit le type : Sébastien.
Par cette astuce narrative Damien Chazelle présente ses personnages tout
en dynamisant son récit, crée la surprise. C’est astucieux, ludique,
drôle, léger. La première demi-heure regorge de chorégraphies, de rythmes, de
couleurs, les jupes virevoltent autant que la caméra (mouvements de grue, à
l’ancienne, pas de numérique). La séquence dans l’appartement avec les
colocataires, celle du ballet autour de la piscine, sont ébouriffantes de
vivacité (le salto dans la piscine, avec la caméra qui plonge, j'avais jamais vu ça !). Des ballets ancrés dans le contemporain, le quotidien, les décors réels (influence de WEST SIDE STORY, Demy), au contraire des
dernières séquences filmées en studio, au style plus vintage.
L’histoire est classique, voire
conventionnelle ? On s'en doutait. La loi du genre. Mia et Sébastien se croisent, se jaugent, se méprisent, s’aiment.
Sauf que le film est plus désenchanté que ça, à l’image de la jolie chanson
« City of stars » (plutôt cafardeuse !). Il mêle succès et échecs.
Succès de la carrière, échec de la vie amoureuse. La partie centrale du film
s’attarde davantage sur le couple, où chacun s’emploie à ses projets
personnels. Des moments forcément moins grisants, moins de chansons, de
légèreté.
LA LA LAND est évidemment pétri de
références, au premier rang desquelles WHIPLASH, le précédent métrage de Damien
Chazelle*. On y retrouve l’acteur JK Simmons, ces mêmes plans courts sur les
instruments, le jazz, et bien sûr le thème du sacrifice des élans
privés sur l’autel de la réussite artistique.
Mais Damien Chazelle évoque aussi çà et là WEST SIDE STORY, LE MAGICIEN D’OZ, LA FUREUR DE VIVRE (merveilleuse scène au planétarium, qui évoque aussi le TOUT LE MONDE DIT I LOVE YOU de Woody Allen), CASABLANCA (on va chez « Seb’s » comme on allait chez « Rick’s ») les films de Jacques Demy (chorégraphies de rue) et même une allusion au Truffaut des 400 COUPS avec quelques notes de piano sur la séquence parisienne. N’oublions pas le NEW YORK-NEW YORK de Scorsese (pour les mouvements de caméra ultra speed, les inserts), et la sainte trinité : CHANTONS SOUS LA PLUIE (tout), UN AMERICAIN A PARIS (la dernière séquence en décor peint) et TOUS EN SCÈNE de Minnelli, pour cette manière de prolonger un dialogue par une danse (scène des claquettes, visez cette couleur de ciel à l'arrière plan).
Mais Damien Chazelle évoque aussi çà et là WEST SIDE STORY, LE MAGICIEN D’OZ, LA FUREUR DE VIVRE (merveilleuse scène au planétarium, qui évoque aussi le TOUT LE MONDE DIT I LOVE YOU de Woody Allen), CASABLANCA (on va chez « Seb’s » comme on allait chez « Rick’s ») les films de Jacques Demy (chorégraphies de rue) et même une allusion au Truffaut des 400 COUPS avec quelques notes de piano sur la séquence parisienne. N’oublions pas le NEW YORK-NEW YORK de Scorsese (pour les mouvements de caméra ultra speed, les inserts), et la sainte trinité : CHANTONS SOUS LA PLUIE (tout), UN AMERICAIN A PARIS (la dernière séquence en décor peint) et TOUS EN SCÈNE de Minnelli, pour cette manière de prolonger un dialogue par une danse (scène des claquettes, visez cette couleur de ciel à l'arrière plan).
aparté : Il me semble que le rôle
du photographe est tenu par Nicko McBrain, le batteur d’Iron Maiden ! Ou son sosie, je
n’ai pas trouvé de confirmation.
La musique du film est composée
par Justin Hurwitz. Le jazz est au cœur du film, et du
scénario (ci dessous l'affiche alternative, très Blue Note...). Sébastien est un puriste, un maniaque, un ayatollah (sa soeur lui dit « tu te roulerais sur ce tapis si on te disait que Miles Davis avait pissé d'ssus ! »), qui rêve de
monter son club. D’où une série de scènes comiques, lorsque pour gagner son
pain, Sebastien accepte tous les contrats… et se retrouve à jouer du synthé en
bandoulière sur « Take on me » de A-Ha ! Il intégrera le groupe
pop de son pote Keith, qui est joué par John Legend (compositeur R’n’B).
Keith lui fait cette
réflexion : « Tu admires Thélonious Monk. C’était un révolutionnaire.
Mais toi, par ton intransigeance, tu es un conservateur ». C’est un des leitmotiv du film, le jazz est-il une musique
du passé qui doit rester figée, ou doit-il évoluer, s'adapter à la culture pop ?
Ryan Gosling et Emma Stone ne
sont ni chanteur ni danseur. Mais en bons pros hollywoodiens, ils ont trimé. Ce sont eux qui chantent dans le film. Les
chansons étant même interprétées en direct au tournage, sous l'oeil d'Hurwitz, omniprésent sur le plateau. Une manière pour Damien
Chazelle de privilégier la proximité, la fragilité, sans la perfection d’un playback trafiqué. De même, les chorégraphies n’atteignent
évidemment pas les sommets de Stanley Donen & Gene Kelly, mais là encore,
l'intention compte davantage que l’exploit sportif.
LA LA LAND est un exercice de
style, un hommage assumé, mais sans naphtaline, vivant,
vivifiant, moderne, contemporain. Damien Chazelle filme un Los Angeles urbain, s’amuse avec les couleurs,
les décors, les accessoires, les sons (les klaxons !) autant qu’avec le destin de ses
personnages : le rembobinage temporel final, merveilleuse pirouette, semble sortie de chez Woody Allen. On pense à l'épilogue de
CAFE SOCIETY, et à beaucoup d'autres, tant les protagonistes semblent dirigés par un marionnettiste pervers.
LA LA LAND donne
à voir des images, des plans larges, longs, du mouvement, la caméra nous agrippe, elle mème la danse - on pourrait presque
se passer de dialogues. Bref : du cinéma ! Il y aura bien
quelques grincheux pour chercher la p’tite bête (c'est parfois maladroit, parfois maniéré, mais tellement généreux) surtout après les promesses
d’une promotion matraquée. Mais franchement, on ne va pas bouder notre
plaisir. Epatant !
* Un mot sur les auteurs... Chazelle et Hurwitz se rencontrent à Harvard, à 17 ans, jouent dans le même groupe. Chazelle réalise un court métrage (WHIPLASH version courte) puis son film de fin d'étude GUY AND MADELINE (2009, en 16mm) déjà une comédie musicale, avec Hurwitz à la baguette. Ils entreprennent le projet LALALAND, mais ne trouvent pas de financement. Ils reprennent WHIPLASH, le développent, en espérant se faire repérer. Ce qui fut le cas ! Les Studios consentent alors à produire LALALAND.
* Un mot sur les auteurs... Chazelle et Hurwitz se rencontrent à Harvard, à 17 ans, jouent dans le même groupe. Chazelle réalise un court métrage (WHIPLASH version courte) puis son film de fin d'étude GUY AND MADELINE (2009, en 16mm) déjà une comédie musicale, avec Hurwitz à la baguette. Ils entreprennent le projet LALALAND, mais ne trouvent pas de financement. Ils reprennent WHIPLASH, le développent, en espérant se faire repérer. Ce qui fut le cas ! Les Studios consentent alors à produire LALALAND.
LA LA LAND
couleur (plein !) - 2h05 - scope 2:35
000
A mon avis, colossale erreur de casting avec le falot neuneu Ryan Gosling qui a l'expressivité d'une dalle de béton. Qu'on puisse lui confier le rôle d'un pianiste de jazz est assez confondant (au chocolat).
RépondreSupprimerPas tant que ça, il est bien dedans, un petit air arrogant qui sied bien au personnage. Il est sans doute moins en voix que sa collègue Emma Stone, mais pour la danse, il se débrouille bien ! Il est certain que les jeunes filles lui trouvent beaucoup de charme, mais n'étant pas une jeune fille...
RépondreSupprimerTu devrais écouter La Dispute sur France Culture (La La land, Live by night et un autre):ils sont assez réservés.
RépondreSupprimerVa falloir vous mettre d'accord pour les filtres avec les panneaux...C'est insupportable. Et qu'on ne vienne pas me dire qu'il n'y en a plus.
RépondreSupprimerCe que l'on m'en a dit : Bien, un bon moment mais ... prévisible et sans surprise. Un peu comme s'il on avait pris divers éléments populaires que l'on avait assemblés. Bref, un produit purement commercial.
RépondreSupprimer@ Shuffle : désolé pour ces filtres, mais on y est pour rien, nous n'avons rien modifié. Sans doute des histoires de navigateur, de sécurité, de ton côté ? T'as rien changé chez toi ?
RépondreSupprimer@ Bruno : oui; c'est un hommage assumé, donc beaucoup d'éléments qui viennent d'ailleurs, mais ce n'est pas gênant. Pur produit commercial... hum... j'en suis moins certain, un film américain hommage à Jacques Demy, ce n'est pas très vendeur. Il a mis 10 ans avant de trouver les financements, y'a des signes qui ne trompent pas. Après, qu'au final ça marche bien et rapporte beaucoup, tant mieux ! C'est comme y'a 15 ou 20 ans, refaire un western, tout le monde s'en foutait.
Tout à fait d'accord.
SupprimerCependant, pour les Westerns, il faut rendre hommage à Clint Eastwood qui a relancé le genre avec "Pale Rider"(1985) - puis, des années plus tard, avec l'excellent "Impitoyable" -
Entre il y a eu "Silverado" (fin 85 - début 86) qui renouait avec le parfum des grands westerns des années 50-60. Deux films sortis à une époque où l'on n'espérait pas grand chose (financièrement parlant) de ce genre. Et pourtant, ils ont très bien marché. En fait, qu'importe le genre à partir du moment où l'histoire est bonne.
Pour "La La Land", il est certain que le succès, amplement mérité, de "Whiplash" (un film rare) a ouvert bien des portes à Chazelle. Et puis, il y a tout de même le succès de "Mama Mia" qui a démontré aux banquiers qu'ils pouvaient également gagner des pépètes avec la comédie musicale.
Personnellement, le terme commercial ne me dérange pas plus que ça, à partir du moment où le film reste honnête et agréable à regarder.
Tu penses bien que je n'ai touché à rien...
RépondreSupprimerP...j'en ai encore eu un, avec des photos de devantures commerciales et une question illisible. Il doit y avoir un blocage avec mon pseudo....Une tentative de déstabilisation orchestrée par une officine? Mais qui? JP?
SupprimerAh! non hé oh! j'y suis pour rien! c'est pas de ma faute si t'es une vraie brêle en informatique! De toutes façons y'a que toi qui semble avoir ce problème .....!!!!
SupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
SupprimerJP, avec un P comme Poutine ? La cyber déstabilisation, c'est à la mode en ce moment. Je pense que ton truc, c'est pour valider le fait que tu n'es pas un "robot", donc, tu dois répondre à une question (genre : 2 + 4 = ?). Voir avec ton anti-virus, ou les ad-bloc anti-pub... Et Shuffle Jr, il s'y connait un peu ?
RépondreSupprimerShuffle Jr, il est à Tahiti, alors l'ordinateur familial....
RépondreSupprimerJ'en ai encore eu un....
RépondreSupprimerJE HAIS LES COMEDIES MUSICALES........TOUTES LES COMEDIES MUSICALES!!!!!
RépondreSupprimerHAÏR : Waouh le verbe choc.
SupprimerEt bien, je te rejoins un poil, je ne raffole pas du genre non plus avec quelques exceptions…
Si on veut me torturer, on m'attache comme Malcom Mc Dowel dans Orange mécanique pour visualiser en boucle du Jacques Demy : "Nous sommes deux sœurs jumelles et patati et patata"…
J'aime bien (enfin je l'ai vu une fois) Yentl avec Barbra Streisand et Chicago avec Richard Gere et Renée Zellweger… A par ça.
J'avais aimé EN SALLE, On The Town de Bernstein au Chatelet…
Cela dit, il en faut pour tous les goûts...
:o)
Z'aimes pas trop non plus ... à l'exception de "Tommy" et de "Promenons-nous dans les bois".
RépondreSupprimerVous n'êtes que des brutes sans coeur... Qui n'a pas frémi aux déhanchements en technicolor de Cyd Charisse, ne sait pas ce qu'est le bonheur !
RépondreSupprimerAllez! on va sauver "West Side story" mais ce sera mon dernier mot!
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