L’image est célèbre, cet Airbus
flottant sur l’Hudson, au mois de janvier 2009 (- 20 °C) avec ces passagers
debout, sur les ailes, attendant les secours.
Clint Eastwood se saisit de cette
histoire, mais pour en faire quoi ? Certainement pas une glorification pataude
des protagonistes. Ni un spectaculaire film catastrophe, comme un Michael Bay
aurait pu le torcher à grand renfort d'effet spéciaux et de musique tonitruante. Le
thème musical, comme à l’ordinaire signé Eastwood, égrène juste quelques notes
de piano. L’humilité semble être le maitre mot.
Ce qui intéresse Eastwood, c’est
ce que l’on sait moins de cette histoire : l’enquête diligentée pour
trancher sur le cas du commandant de bord, Chesley Sullenberger, dit Sully. Après
avoir décollé de La Guardia, l’avion est percuté par un vol d’oies, et perd ses
deux moteurs. Sully informe la tour de contrôle qu’il rentre à La Guardia, l’aéroport
de New York. Mais ce qui était censé fonctionner sur le papier, est dans la
réalité une autre paire de manche (sic). Sully longe l’Hudson, et choisit d’y amerrir.
La commission d’enquête dit deux choses : le second
moteur devait être encore en état de marche. Le diagnostic de
Sully, à bord, est donc erroné. Et qu’ensuite, l’équipage avait tout loisir de
revenir à la Guardia, ou atterrir dans le New Jersey, pas loin. Chesley
Sullenberger n’a pas suivi les procédures prévues par Airbus, il a abimé un
avion, mis en danger ses passagers, voire, aurait pu se crasher sur le port, ou
en ville.
Le souvenir du 11 septembre est
dans toutes les têtes. Ces personnes dans les immeubles qui voient l’avion
venir vers eux. Un personnage dit à un
moment : « Pour une fois qu’il se passe quelques chose de bien
à New York, avec une histoire d’avion, on ne va pas s’en plaindre ».
Chesley Sullenberger conteste
les premiers résultats de l’enquête. Jeff Skyles, le co-pilote, y voit la pression
d’Airbus et des assurances. Il avance que si les pilotes avaient suivi les
strictes consignes de sécurité dictées par le constructeur, 155 personnes
seraient mortes. Car ces consignes étaient mauvaises. Ce qu’Airbus ne peut
laisser dire. Ce que raconte Eastwood, c’est que rien ne remplace l’humain, l’expérience.
Comme dit la présidente de la commission à Sully : « dans toutes nos équations, on a
oublié de prendre en compte un paramètre : vous ».
Toutes les reconstitutions, avec
ordinateur ou avec de réels pilotes dans les simulateurs, attestent que l’avion
pouvait se poser normalement. Sauf que les pilotes qui ont fait ces tests en
connaissaient les données à l’avance. Le scénario. Or pour Sully et Skyles, la
situation était sans précédent.
Le deuxième thème du film,
tourne autour de l’image du héros. On retrouve la préoccupation de Clint
Eastwood depuis pratiquement ses débuts. Héros populaire, mais héros ambigu, là
encore. Sully est vu comme un sauveur par ses collèges, les passagers, les gens
de la rue, dans les bars. Et en même temps on le suspecte de négligence. Il n’est
pas sur le banc des témoins, mais sur celui de l’accusation. Le film montre comment Sully
vit cette situation. Et comme il s’agit d’Eastwood, forcément, on jette un œil sur
ses autres films. Il est pertinent de se souvenir que son précédent était
AMERICAN SNIPER, sur un autre héros de l’Amérique, qui lui n’avait pas sauvé
des gens, mais en avait tué, par centaine. Les parallèles entre les deux films
sont frappants, évocation de l’enfance, du père, les fantasmes du personnage
face à la télévision, les témoignages de fans, jusque dans les images du
générique de fin, où apparaissent les vrais protagonistes.
Chez ce cinéaste, rien n’est
blanc ou noir. Ce que ne comprennent pas ses détracteurs. Exemple : MÉMOIRES DE NOS PÈRES (2006) revenait sur un fait de guerre, on y a vu une
exaltation du drapeau, création du mythe du soldat-héros (la fameuse photo),
suprématie américaine. Sauf que. Un an plus tard, avec LETTRE D’IWO
JIMA, il re-filmait la même histoire, du point de vue des japonais.
S’inspirant de plus en plus de
personnages réels, Eastwood proposait un portrait du patron du FBI, J EDGAR
(2011), une sale ordure, les années 50, la compromission, la mafia. Le film suivant ?
C’était JERSEY BOYS, même époque, même histoire pas très claires avec les
truands, mais avec Frankie Valli et son groupe pop,
figure légendaire américaine, The Four Seasons. Et ensuite, le tireur d’élite
Chris Kyle dans AMERICAN SNIPER (2014) puis ce pilote émérite, Chesley
Sullenberger. Dites vous qu'Eastwood n'est jamais là où on l'attend. Ca fait peut être chier certains, mais c'est comme ça.
Le film est assez passionnant
pour cette raison, voir comment Eastwood va traiter le sujet. Comme à son
habitude, pas de boursoufflure, d’effets, mais une forme classique, une
maitrise du récit, de la construction dramatique (les scènes dans l'avion sont disséminées dans le récit, avec à chaque fois un élément de plus). C'est agréable de voir un film qui utilise les techniques numériques entièrement au service du récit, et pas plus, car il est évident que pour le tournage, on n'a pas fait voler un A320 au dessus de l'Hudson. Ca reste très réaliste, c'est tout. Tom Hanks est impeccable. Le choix d'une grande star populaire n’est
sans doute pas anodin. Il compose un Sully plein de doutes, déboussolé, se demandant s’il
est effectivement ce héros dont les médias raffolent (David Letterman Show) ou
un imposteur qui cauchemarde en imaginant son avion percuter des tours à New
York.
Le 15 janvier 2009, la séquence
entière a duré 4 minutes. Montrée en temps réel à la fin du film, c'est pour un phobique de l'avion comme moi, une torture ! Clint Eastwood en tire un film d’1h35, très intelligemment
construit. Sully
dit qu’il n’a fait que son boulot, basé sur 40 ans d’expérience de pilote.
Eastwood en a 50, dans la réalisation de films. Et ça se voit.
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SULLY de Clint Eastwood
couleur - 1h35 - scope 1:2.35
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Du grand Clint Eastwood (pléonasme?) Vu deux excellents films ce mois ci , "Sully" et "Tu ne tueras point" de Mel Gibson, si si ! Surprenant! Le passionné d'histoire que je suis a été attiré par ce récit véridique contant les mésaventures d'un objecteur de conscience (par expérience personnelle, je connait assez bien le sujet....) pendant la seconde guerre mondiale.Ma méfiance à l'égard de Mel Gibson ne l'a pas emporté et c'est tant mieux, car ce film vaut le détour. Entre "Croix de fer" de Peckinpah et "le soldat Ryan" de Spielberg. Je te le conseille vivement. Amicalement.
RépondreSupprimerJ'avais bien envie de le voir "Tu ne tueras point", j'aime bien ce que fait Mel Gibson (même avec cette réputation infâme !) mais pas eu l'occasion, et ça ne passe pas partout...
RépondreSupprimerMoi qui pensais que si ça passe dans le fin fond du Lot, ça doit passer partout....sauf peut-être dans le Tiers Monde et les pays en voie de développement!
RépondreSupprimerEastwood acheté par Boeing pour torpiller Airbus, c'est pas joli joli, tout ça. Défense de l'Amérique et de ses héros sont les deux mamelles du Clint.
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