- Les fêtes approchent M'sieur Claude, vous m'aviez dit que ce serait le
moment des musiques gaies ! La symphonie italienne, une carte postale
musicale ?
- Il y a de ça ma petite Sonia, Mendelssohn était un grand voyageur, il a
composé deux symphonies inspirées par ses souvenirs en Écosse (la 3ème) et
en Italie…
- M'sieur Pat qui était au courant de ce projet d'article m'a dit qu'il
s'agit d'un disque en mono réalisé par un chef qui a connu une fin
tragique ?
- Oui, j'aurais pu préférer une gravure plus récente, mais si Guido
Cantelli n'était pas mort dans un crash d'avion, il serait devenu un autre
Claudio Abbado du XXème siècle…
- Ah oui, quand même !! Et le son du disque, c'est écoutable ?
- Oui, un disque de 1954 au son très aéré, d'autant que l'orchestration
de Mendelssohn n'est guère surchargée, voire même limpide…
Guido Cantelli (1920-1956) |
Merci de lire cet article surtout si vous commencez à courir après les
cadeaux (et les gosses) dans les galeries marchandes ou à vous prendre la
tête pour établir le ou les menus des réveillons de fin d'année.
Donc petit article ! La biographie de
Mendelssohn
avait été détaillée en son temps dans la chronique consacrée aux
Songes d'une nuit d'été, musique de scène dont la marche nuptiale est jouée lors d'un mariage sur
deux… (Clic)
Je rappelle juste quelques points remarquables en rapport avec le sujet du
jour. 1809-1847 : une courte
vie pour ce compositeur romantique dans l'âme même si classique dans le
choix de ses styles de composition. Gamin surdoué en tout qui, entre 12 et
14 ans, composera 13 symphonies pour cordes vivantes et élégantes !
Ah, ne pas oublier que c'est
Felix Mendelssohn
qui ressuscitera les grands ouvrages religieux de
Bach, les fera connaître au public du XIXème siècle, notamment les
passions. Il s'en inspirera pour composer ses propres oratorios comme
Hélias
écrit en allemand et en anglais ! Car oui, l'hyperactif musicien sillonnera
pendant toute sa carrière l'Europe et se produira très souvent comme chef
d'orchestre chez la perfide Albion. Il écrit même une belle ouverture en
forme de poème symphonique intitulée
Mer calme et Heureux
voyage
montrant son goût pour les traversées maritimes. Il se rendra dix fois en
Angleterre à l'époque des diligences et de la marine à voile !
Deux pays vont particulièrement nourrir son inspiration : l'Écosse dans sa
3ème
symphonie
"Écossaise" et l'ouverture de la Grotte de Fingal
(Les Hébrides) (Clic)
et
(Clic), ainsi que l'Italie dans sa
4ème symphonie. Les deux symphonies seront d'ailleurs composées simultanément. Ces
voyages initiatiques d'un jeune prodige de 23 ans ont lieu en
1829 et
1830. Depuis
1823-24 et la composition de
son
Octuor pour cordes
et de sa
1ère symphonie
par un adolescent, l'Europe sait que
Felix Mendelssohn
joue dans la cour des grands. (Clic)
Nota : les symphonies de Mendelssohn ayant donné lieu à de nombreuses retouches de sa main ont été éditées en
partie dans les années 1840.
Leur numérotation est un peu anarchique…
La
symphonie
"Italienne" sera créée à Londres en
1833 par le compositeur
lui-même.
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Mendelssohn vers 1829 |
Guido Cantelli
aurait dû occuper une place importante dans le petit monde des grands
maestros de l'après-guerre.
Toscanini, l'entendra diriger et le petit moustachu irascible dira du jeune homme
"il ira loin, très loin". Le destin en décidera autrement ! Le petit Guido
voit le jour à Novare dans le Piémont en
1920 dans cette Italie qui va
sombrer dans le fascisme. Il poursuit des études brillantes et débute sa carrière de chef au moment où le monde s'embrase. En
1943, Il est appelé sous les
drapeaux, mais exprime ouvertement ses opinions anti fascistes, son refus
d'adhérer au parti, et son aversion pour le nazisme gangrenant cette
Allemagne alliée de son pays. On l'envoie réfléchir à la question dans un
camp de concentration allemand à Stettin. Hospitalisé,
il parvient à s'échapper,
rejoint Milan avec de faux papiers, mais repris comme otage, il doit son
salut à l'arrivée des alliés…
Guido Cantelli
: un humaniste héroïque !
Surdoué, sa carrière s'envole, notamment à la
Scala de Milan. Il débute très tôt des tournées internationales et dirige des orchestres
de prestige : L'orchestre de la NBC, précisément le temple de
Toscanini, qui lui aussi avait fui le régime de
Mussolini, les
orchestres
de
Boston
et de
New-York. Il participe à l'aventure discographique du
Philharmonia, orchestre de studio et de concert créé par
Walter Legge qui valorisera
l'invention en 1949 du
microsillon en partenariat avec
EMI. Le disque de ce jour est
un témoignage de cette collaboration.
En 1956, il décolle de
Paris-Orly pour aller résilier un contrat le liant à la
Philharmonie de New-York. L'avion se disloque lors de son envol (59 morts, 1 survivant).
En dix ans de carrière,
Guido Cantelli
est entré dans la légende et ses enregistrements restent appréciés et
réédités. Je conserve précieusement un vinyle de
1955 avec le
Phliharmonia
consacré à
Debussy
et réunissant une lumineuse interprétation de
la mer
et les plus rares extraits symphoniques du
Martyre de Saint Sébastien.
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Port de Naples (Claude Vernet, 1714-1789) |
Inutile de chercher une vision descriptive comme la
symphonie pastorale
de
Beethoven, ou un maelström orchestral comme la
symphonie Fantastique
de
Berlioz
qui vient d'être créée et a fasciné
Mendelssohn. Non, le compositeur, jeune et heureux, va à la fois transcender la forme
très classique à laquelle il est attaché et son enthousiasme pour les
lumières et le bon vivre de l'Italie, en un mot :
Mendelssohn
se fait poète.
Soucieux d'alléger les timbres, l'orchestration de
Mendelssohn
est calquée sur les ultimes ouvrages de
Haydn
ou la
première symphonie
de
Beethoven
: 2/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes, timbales et cordes. Pas trop de cordes par
pitié… À l'époque, on devait en compter une vingtaine. Avec le temps
l'effectif avait gonflé jusqu'à maître
Furtwängler
et ses confrères qui en disposaient une cinquantaine. Conception grandiose,
certes, mais qu'était devenue la légèreté voulue par l'auteur ?
Guido Cantelli
va nous la rendre, c'était son style !
1 - Allegro vivace
: Coup de fouet chez les cordes.
Mendelssohn
innove : un pizzicato sur tous les instruments à cordes (1er et
2nd violons divisés en 2 x 4 groupes) jaillit du silence dans un
accord de 11 notes ! Saisissant. De leur côté, les bois (également divisés)
entonnent une marche rythmée et virulente. Le ton est donné, celui d'un
allegro chorégraphié et cadencé évoquant la lumière étincelante de la
péninsule italique, les apostrophes des lavandières qui papotent sans fin,
l'excitation des carnavals, le bel canto entendu sur une place animée. Les
cordes s'élancent en une mélodie empressée et tournoyante.
Venise (Federico del Campo - 1837-1923) |
2 - Andante con moto : [8:11] On retrouve la même pulsation dans le second mouvement. Sur une
inhabituelle base rythmique de croches aux contrebasses, les cordes
aiguës et les bois
développent un cantabile tendre et festif. Une ballade bucolique
respirant le parfum fruité
des oliviers…
3 - Con moto moderato : [14:10] Le menuet (scherzo) retrouve un style plus mélodique, presque ondulant…
Mendelssohn, comme dans l'andante parvient à une osmose entre le phrasé et la
polyphonie classique et l'évocation de sentiments divers. Le trio avec les
plaisants solos des cors très humoristiques et rivalisant de facétie avec
les flutes et les bois est un exemple de cette voie esthétique inattendue à
l'époque : le compositeur
conjugue la finesse d'un
Haydn
jovial et les éclats romanesques d'un
Beethoven
bouillonnant.
4 - Saltarello : Presto : [21:08]
Le final n'est autre qu'une frénétique tarentelle (napolitaine ?) d'une
totale liberté de ton. Il y a toujours le risque pour un chef de conclure
furieusement en se
focalisant sur le tempo presto. De plaisanterie populaire, la musique sombre
alors dans la vulgarité brutale.
Guido Cantelli
aimait la clarté et la retenue. On serait tenté de parler de concerto pour
orchestre face à la richesse fantasque de l'orchestration colorée et aux
accents énergique de la coda.
Une œuvre et une
interprétation qui sont les
reflets enchanteurs d'un carnet de voyage ensoleillé loin de la sombre
Allemagne du nord !
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Tous les chefs de renom (et même les autres) ont enregistré les cinq
symphonies de
Mendelssohn. On peut préférer à la mono maigrichonne de la gravure
Cantelli
les couleurs
et le dynamisme de la
stéréophonie. Voici une mini sélection qui ne décevra personne.
Claudio Abbado, autre chef italien, avant de graver pour DG une intégrale qui
reste une référence, donnait des symphonies 3 et 4 une lecture enivrante
à la fin des années 60
avec le
symphonique de Londres. (DECCA – 6/6). Cet été
2016, ont été rééditées les captations de
Kurt Masur
avec son Orchestre du
Gewandhaus de Leipzig, l'orchestre de
Mendelssohn. Clarté, maitrise, fluidité, contrastes, une perfection. Le coffret à prix
extra doux comporte aussi les 13 symphonies de jeunesse par le
Concerto Köln
(Warner – 6/6).
Harnoncourt, comme à son habitude,
rééquilibre l'orchestre romantique au bénéfice des bois et des cuivres, ici
éclatants, par rapport aux cordes. L'orchestre de chambre d'Europe
souffre d'une prise de son un peu terne (Teldec
– 5/6).
Pour les grands anciens maestros, un double album collector des
interprétations de
Klemperer
avec le
Philharmonia
reste un incontournable des fans du chef.
Remasterisation miraculeuse.
Quelle verve ! (EMI – 6/6). Tiens une bonne vidéo
d'une interprétation bien vivante de
Harnoncourt… Je l'ajoute…
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