C’est
un beau pavé, au format 24x32 cm, 184 pages, autrement dit, un truc qui se pose
sur une table, et dont on tourne les pages délicatement. THE LONG AND WINDING
ROAD (à l’origine, une chanson des Beatles, par McCartney, sur Let it be) est
un récit initiatique. Celui d’Ulysse (toute ressemblance avec le héros
mythologique n’est à mon sens pas fortuite…), marié, la quarantaine bedonnante,
qui assiste aux obsèques de son père, Lucien. Père qu’il a peu connu, et qui en guise
de dernière volonté, lui fait un cadeau empoisonné. Une boite, contenant de
vieilles cassettes audio, une carte routière, les clés d’un vieux combi Volkswagen,
orange évidemment, et une longue lettre explicative. Ta mission, Ulysse, si tu
l’acceptes, sera de transporter les cendres de ton père sur l’île de Wight,
lieu du festival rock de 1970.
Ulysse
n’est pas très enthousiaste, encore un vieux tour de con, mais sa tante le
persuade de prendre la route, et faire ce pèlerinage. Suivant les instructions,
Ulysse va suivre les pas de son père, découvrant au passage son appartenance à
un groupe de rock à la fin des années 60. Dont les trois autres musiciens sont
encore en vie. Et vont tailler la route avec Ulysse, sur quelques étapes.
Le
récit est découpé en chapitre, des « pistes », portant le nom de chanson
de cette époque. La première réflexion, on se dit qu’un cd incorporé à l’album
aurait été une riche idée. Cela coutait sans doute trop cher pour cette maison
d’édition, Kennes, problème de droit j’imagine, dommage. On y a droit à du
Hendrix, Led Zep, Harry Nilson, Barclay James Harvest, Dylan, Jethro Tull, Cream, Who, Taste, Chicago, Joan Baez, Shocking Blue, CCR, Presley…
Le
scénario n’est sans doute pas très original dans l’idée de départ (signé Christopher),
mais le souffle de l’aventure emporte le tout. Et les personnages. Les trois
survivants, Alain, Jacques et William, présents à l’enterrement, sont de vieux
anars vivant dans le souvenir de leur jeunesse (un brin caricatural tout de
même, mais solides seconds rôles). C’est à Montpellier que l’aventure commence.
Ulysse suit les indices laissés par son père, les cassettes, bande son du
voyage, et les souvenirs des trois acolytes.
Nous
avons deux récits, présent et passé. Le dessinateur, Ruben Pellejero (qui avait
repris les albums posthumes de Corto Maltese) opte pour une narration
classique. Le présent sera coloré de camaïeux ocre, la jeunesse du père par des
teintes bleues. La couleur n’éclatera que dans les dernières planches (exception faite lors d'une prise de LSD !!) une fois
chacun réconcilié avec son passé, ou dans les pochettes de disques parsemées
ici ou là. Le trait est en ligne clair, sobre, un graphisme que j’apprécie (j’étais
très fan de Floc’h). Cette bd est une suite d’aventures, souvent cocasses, potaches, émouvantes. Parce que les trois vieux sont bien décidés à faire revivre les
idéaux libertaires des 70’s, à coups de pétards et de bibines, de virées
nocturnes, par leur souvenirs nostalgiques, à faire revivre leur pote Lucien, que
son fils Ulysse ne voyait qu'en bourgeois installé (maire de sa
commune).
Car
en 1970, Lucien et son groupe avait eu pour projet d’assister au festival de l’île
de Wight, y rencontrer leurs idoles, voire y jouer. Double suspens donc, Lucien
y est-il finalement allé, et Ulysse y arrivera-t-il ? Entre temps, la
troupe va rencontrer une auto-stoppeuse et un grand père médium, qui soignera
à coup de chakra la sciatique de Jacques. Ils crécheront dans une bergerie, avant
de reprendre la route, passer par Le Mans, par Tours. Ils trouveront asile chez
une vielle comtesse excentrique, ou se feront serrer par les flics.
Et
à chaque étape du périple, Ulysse découvre le parcours de son père, de sa
future mère, de ses amours avec une égérie rock, anglaise, mannequin. Plus
Ulysse en apprend sur la vie tumultueuse de son père, ses élans, ses doutes, plus
il s’interroge sur la sienne, étriquée, et sur le sens à lui donner.
Je
ne dévoilerai pas la fin, of course, mais j’avoue un petit frison d’émotion,
dans le parcours d’Ulysse. Les trois musicos, joyeux faire-valoir, en rajoutent un peu dans le folklore
vieux babas, des personnages moins épais que le héros, qu'on aurait aimé
plus approfondis. Mais le livre, par sa somme, son poids, le travail accompli
(trois ans de boulot) tranche nettement sur les bd lambda. On s’installe confortablement
dans cette histoire, on se laisse bercer par la bande son, et on suit,
littéralement, ces aventures d’Ulysse, qui décidément aura fait bon voyage…
Puisque Cream fait partie de la BO de la BD (sic)... Pensée pour Jack Bruce...
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