C’est rugueux, c’est âpre, énergique, ça sent le bayou, les fientes de croco et le venin du Cottonmouth Mocassin, la bière tiède et le whisky de contrebande ; on soupçonne d'ailleurs le chanteur de pratiquer des gargarismes au Rye Whiskey pour entretenir ses cordes vocales. Le tout agrémenté d’effluves émanant des quartiers défavorisés, délaissés, où est laissée une jeunesse livrée à elle-même, qui a du mal à s’exprimer et à s’extérioriser autrement que dans une certaine forme d’agressivité et de violence. En l’occurrence, ici, à travers une débauche d’électricité et d’énergie incontrôlées.
On visualise des loustics en sueur, vêtus de chemises à carreaux élimées, de futals délavés et troués, agrémentés de traces de cambouis, barbes hirsutes et cheveux filandreux de rigueur, un drapeau américain ou confédéré cousu sur un gilet en jeans. On imagine un juke-joint enfumé et délabré, perdu dans les Everglades, où l’alcool coule à flot et où la fête bat son plein. Des volutes de chaleur humaine s’échappent par les planches disjointes, de même que les approbations de la foule et les rugissements d’un groupe en train d’épuiser les groupes électrogènes de la baraque pour faire crépiter ses amplis. Le parquet de fortune tremble sous les assauts du batteur et des piétinements d’excitation et de contentements des spectateurs. Sous les vibrations électriques et la foule déchaînée, la baraque menace à tout instant de s’écrouler.
Oui,
ça sent l’Amérique des bouseux aux idées courtes mais qui savent faire remuer
un public avec un Blues crasseux, limite irrévérencieux.
Pourtant, Dirty Deep n’est pas né dans le Deep South mais en Alsace. Tout commence en 2010 avec Victor Sbrovazzo qui part seul écumer les routes à l’aide d’une guitare et d’un harmonica, prêcher la cause d’un Country-Blues brut et instinctif. C'est une dure école où il est impératif de maintenir sa concentration et son engagement pour ne pas faillir devant son auditoire ; on ne peut à aucun moment s'appuyer sur un compagnon pour souffler un bref instant. D'un autre côté, cela permet de se recentrer sur l'essentiel, d'éviter de se perdre dans diverses digressions. On a pas droit à l'erreur et les compositions se doivent d'être consistante. C'était l'école des bluesmen itinérants qui jouaient le soir pour les ouvriers fourbus et opprimés qui, malgré la fatigue, préféraient perdre quelques heures de sommeil pour oublier leur condition, afin de ne pas sombrer totalement dans le désespoir. Des bluesmen qui, généralement, devaient travailler toute la journée pour survivre.
Par la suite, à la manière de Steve Hill (clic/lien), il s'arme d'un modeste kit de batterie (grosse caisse, caisse claire et charleston). En 2012, il trouve de l’aide en la personne du batteur Geoffroy Sourp (qui vient du Hip-Hop). Avec le duo, on parle parfois de Punk-Blues.
Désormais,
Dirty Deep évolue en trio, grâce à la basse d’Adam Lanfrey qui offre un
complément conséquent de puissance, de consistance et de groove.
Dirty
Deep c’est un défrichement du Delta Blues le plus brut, et le plus corrosif,
pour le dépoussiérer et le corrompre avec des éléments instables issus de la
rue, nés de la frustration et des désillusions d’une jeunesse broyée par les
turpitudes de l’industrie et du consumérisme à outrance. Une jeunesse urbaine
qui tente de vivre, de sortir la tête hors des eaux saumâtres et polluées, de
retrouver, un instant, un souffle régénérateur à travers une musique sincère et
instinctive. Du Delta-Heavy-Country-Blues Grunge, butinant tantôt le
Punk, notamment avec des chœurs scandés tels des slogans dans une manif, tantôt
le Hard 70’s (Stoner ?) avec parfois des riffs gras et pesant, et une
basse qui ne l’est pas moins (du Geezer sur « How I Ride »), et
piochant même dans le Rap à la Beastie Boys. Certains morceaux tels que "Leave Me Alone" ou "Messin' Around", invitent même à la danse. Résurgence d'un défoulement exutoire et libérateur des tensions.
Il y a pas que de la fureur et de l'énergie chez Dirty Deep. "Light And Blue" cultive le spleen d'un folk-blues crépusculaire, éreinté par une chaleur caniculaire, ou bien harassé par un travail apte à briser les plus résistants.
Un orgue (sonnant comme un Hammond) vient clôturer le disque sur le dernier mouvement du lancinant slow-blues boueux, "Shine". Serait-ce la prochaine étape : un quatuor avec l'adjonction d'un clavier.
Il y a pas que de la fureur et de l'énergie chez Dirty Deep. "Light And Blue" cultive le spleen d'un folk-blues crépusculaire, éreinté par une chaleur caniculaire, ou bien harassé par un travail apte à briser les plus résistants.
Un orgue (sonnant comme un Hammond) vient clôturer le disque sur le dernier mouvement du lancinant slow-blues boueux, "Shine". Serait-ce la prochaine étape : un quatuor avec l'adjonction d'un clavier.
Dirty Deep ce serait presque un retour au Delta-Blues. Un
Delta-blues mutant, toujours foncièrement prolétaire, mais plus vindicatif,
plus urgent, plus insouciant, piaffant, turbulent, chargé en testostérone. Un Delta blues irradié par le Grunge et le Stoner. Par l'urbanisation. Les marécages s'invitent dans les bas-fonds crasseux des quartiers délaissés des grandes métropoles.
Si le précédent, "Shotgun Weddings", avait, à raison, déjà été remarqué, cette nouvelle réalisation est bien un cran au-dessus, et confirme la progression constate du bébé de Victor Sbrovazzo.
Bonus : Dirty Deep, deux années auparavant.
Sur le premier clip Sbrovazzo, en solo et unplugged, dépose en évidence une canette de Pabst Blue Ribbon (une vieille bière lager américaine). Un hommage au Eric Quincy Tate et son album "Drinking Man's Friend" ? Ou un clin d’œil au mouvement Hipsters auprès duquel elle est populaire ? Ou avait-il tout simplement soif ? That's the question.
Sur le second, c'est une incitation à la consommation effrénée de bières (mexicaine, danoise, américaine, mais pas de française dans l'lot). Le célèbre "Black Betty" de Leadbelly s'immisce. Devoir de mémoire.
Article paru dans la revue BCR
Si le précédent, "Shotgun Weddings", avait, à raison, déjà été remarqué, cette nouvelle réalisation est bien un cran au-dessus, et confirme la progression constate du bébé de Victor Sbrovazzo.
Bonus : Dirty Deep, deux années auparavant.
Sur le premier clip Sbrovazzo, en solo et unplugged, dépose en évidence une canette de Pabst Blue Ribbon (une vieille bière lager américaine). Un hommage au Eric Quincy Tate et son album "Drinking Man's Friend" ? Ou un clin d’œil au mouvement Hipsters auprès duquel elle est populaire ? Ou avait-il tout simplement soif ? That's the question.
Sur le second, c'est une incitation à la consommation effrénée de bières (mexicaine, danoise, américaine, mais pas de française dans l'lot). Le célèbre "Black Betty" de Leadbelly s'immisce. Devoir de mémoire.
Article paru dans la revue BCR
La consommation de bibines dans les clips est effectivement impressionnante. Il en décapsule une sur la tranche de sa caisse claire... Le premier qui me fait ça, j'y envoie une ride 24' dans la tronche !
RépondreSupprimerLe "Junky green truck" électrique dépote sec. C'est bon. Le batteur ne fait pas dans la figuration...
Tant que ce n'est pas sur une guitare, ça reste acceptable.
SupprimerEn tout cas, cela donne soif ! G'sunt heit ! Salute ! Yec'hed mat ! Cheers ! Skal !
Pour des Alsaciens, ils ont bien intégré l'idiome.
RépondreSupprimerLuc B.: je croyais que tu n'aimais pas les cymbales de fort diamètre?
Pour jouer dessus, non, mais pour baffer des malotrus...
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