On se doute du pourquoi de
cette sortie en 2016 d’un concert de 2007. On est à San Diego, et JJ Cale est
là, sur scène avec Eric Clapton. Ce n’est pas la première fois, mais il est bon
de redire que non, ces deux-là n’étaient pas ennemis jurés. Qu’il y ait
quelques interférences, pourquoi pas, mais Clapton a toujours crié son
admiration pour le barde de Tulsa. Si JJ Cale a su, et a pu, avoir son
indépendance financière, enregistrer chez lui, à la cool tout au long de ces
années, c’est grâce aux droits d’auteur perçus après les reprises d’une poignée
de titres enregistrées par Clapton, « After midnight » en 1970 étant
la première. Après un album en commun, THE ROAD TO ESCONDIDO en 2006, et un
disque hommage THE BREEZE (2014, JJ Cale est décédé l’année d’avant), Clapton
n’en finit pas de payer son dû.
On a donc droit à la captation
intégrale, et sans bidouillage (y’a des couacs !) d’un concert donné le 15
mars 2007. Le son est nickel, bien rond, épais, couillu comme il faut. La tournée
donnait la part belle aux titres 70’s, de Derek and the Dominoes en particulier,
ce qui a motivé mon achat, considérant LAYLA comme le disque de
blues rock le plus nobélisable qui soit.
Qui joue ? Des cadors.
Clapton sait s’entourer. L’inamovible Chris Stainton aux claviers, Doyle
Bramhall II à la seconde guitare et au chant, Derek Trucks à la slide (neveu de
Butch Trucks, batteur du Allman’s Brothers Band, dont Duane Allman fut la
pierre angulaire du LAYLA en question, on reste en famille), Steve Jordan à la
batterie, qui n’a sans doute pas le touché subtil de Jamie Oldaker. Willie
Weeks à la basse, Tim Carmon au second clavier, et deux choristes (comme au bon
vieux temps de SLOWHAND) Michelle John et Sharon White.
Dès le départ, ça dépote sec.
Un « Tell the truth » toute slide en avant (Trucks), avec cette entrée du chant
en cours de route qui surprend toujours. Première réflexion : Clapton chante comme un
diable, de la rocaille dans la gorge, habité, il ne s’économise pas. Pas de
pause, le groupe enchaine avec « Key to the highway » le classique adapté par Big Bill
Broonzy, mais composé par Charlie Segar, le chant (un peu juste parfois) partagé avec Bramhall, rôle dévolu en
son temps à Bobby Whitlock. A l’origine on avait affaire à un blues ternaire mid
tempo. Mais la frappe de Steve Jordan est tout en syncope, il ne marque pas le
deuxième temps, joue en levée, pour appuyer les 4, alors que le groupe, lui,
joue comme à l’ordinaire. On crie au scandale au début, mais on s’y fait, il y
a une dynamique interne au morceau qui lui offre une nouvelle fraîcheur, un
lissage plus rock.
Pas le temps de disserter que
« Got to get better in a little while » déboule, un Clapton incisif
et très funky dans son intro. 9’35 intenses qui envoient le bois, avec un long
chorus du bassiste Willie Weeks, agrémentées de cocottes et de
dérapages d’Hammond. Les chœurs, comme dans l’ensemble du concert, donnent un
côté 70’s très séduisant. Le « Little wing » d’Hendrix permet aux
six-cordistes de d’exprimer, c'est pro, mais l’émotion y est-elle ?
« Anyday » est sans doute un de mes titres préférés. Rarement entendu
une telle charge d’émotion dans ces échanges Allman/Clapton. Derek Trucks en
solo en a donné de (bonnes) versions. Le riff est toujours aussi dévastateur.
Le morceau a juste le défaut d’être… trop court ! 6 minutes, les mecs,
y’avait mieux à faire. Elle était plus longue en studio !
Changement d’ambiance avec
l’arrivée de JJ Cale, pour 5 titres. Quatre guitaristes, donc. Et personne ne
se marche dessus. Y’a « Anyday the wind blows » de 74, Cale et
Clapton au chant, à l’unisson, Jordan aux balais. La coolitude, qui se termine en fade, avant
« After midnight » très belle version au tempo ralenti, les deux
compères au micro, JJ lance les chorus. Il y aura le hit « Don’t cry
sister », beau comme du Dire Straits première heure (j’ai dit une
connerie ?) et comment faire l’impasse sur « Cocaïne », version
plutôt laid-back, j’aurais bien pris un peu de claviers là-dessus.
Les décibels reprennent le dessus
avec un « Motherless children » ébouriffant, tout en dynamique,
Jordan au moulin, les slide glissent sur les rails comme des locomotives à pleine vapeur (Trucks + Clapton + Bramhall !). Ce traditionnel
arrangé par Clapton mériterait juste quelques minutes de plus. Des minutes,
« Little queen of spades » n’en manque pas, plus de 17 au compteur. Un slow blues
dans la grande tradition. Trop sans doute, appliqué, les deux claviers à
l’honneur, chaque soliste y va de ces 12 mesures, mais on en a entendu beaucoup
des comme ça. Celui qu’on a beaucoup entendu aussi, c’est « Further up on the
road », mais là, waouh, le shuffle pur et dur, ça swingue, ça balance,
Chris Stainton encore au tricot, les chorus tournent, avec un gimmick rythmique
à la fin qui semble un emprunt à Albert Collins (ou un instru de Paul Personne,
vous croyez que Clapton le connait ?). Les deux choristes ajoutent un
timbre très soul, oh putain, ça réconcilie avec la vie !
J’adore la ballade « Wonderful
tonight », mais fallait-il encore l’inclure dans une set-list, sans en
changer l’éternel traitement ? Ignorer « Layla »
aurait été une faute de goût. Cette chanson est toujours aussi efficace, le
célèbre riff d’entrée, qui court aussi sur les refrains, la fameuse coda au piano,
longuement développée. Vous saviez qu’à l’origine il s’agissait de deux
chansons distinctes, Clapton ayant écrit la première partie, Jim Gordon la
seconde, les deux ayant été simplement collées au montage. Rien ne surpasse la version studio.
Robert Cray rejoint le groupe
pour « Crossroads », dont il chante les premiers couplets sur frappe métronomique
de Steve Jordan, et là encore les chœurs s’époumonent donnant une couleur gospel à cette version tout de même très rock. C’est là que la prise de son
fait un peu défaut parfois (y’a un paquet de solistes !). On aime, mais « Crossroads »
en guise de jam finale, c'est un peu réchauffé, pourquoi pas « Sweet home Chicago » dans le genre saucisson...
Au final, mis à part les titres
de JJ Cale en mode assis autour du feu, on a droit à un set résolument
blues-rock, bien pêchu. On aurait aimé un choix de titres plus original sur la
fin, mais comme on dit, ne boudons pas notre plaisir. Ca ne rajoute rien à la
légende, ça l’entretient sans doute, d’autant que ce LIVE IN SAN DIEGO supplante
aisément les deux précédents live, ONE MORE CAR, ONE MORE RIDER (2002) parfois un peu terne, 24 NIGHTS (1991) trop propre et décousu. Je ne
connais pas le dernier en date, enregistré l’année dernière pour ses 70 ans. Le JUST ONE NIGHT de 1980 restant la référence absolue, que même Claude Toon y doit être d'accord...
On écoute le premier titre "Tell me truth" et "Anyway the wind blows" avec JJ Cale. Du bon, j'vous dis, du bon...
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Même avis sur Steve Jordan. Je préfère aussi le jeu des batteurs qui officiaient dans les années 70, derrière Clapton, mais aussi CSNY, Stills ou Manassas.
RépondreSupprimerJe viens d'écouter Key to the highway: en le jouant comme ça, sauf à s'appeler Steve Jordan, tu te fais sortir au bout de 2 mn par n'importe quel groupe de bar. Lamentable. Jordan est désormais aussi fumé que son pote K. Richards.
RépondreSupprimerPetite précision cher Luc, le barde "californien" était né à Oklahoma City dans l'état du même nom, donc.....A propos de Steve Jordan , on est bien d'accord, ce type est un vrai bucheron! Je me souviens d'un Crossroads Festival où il officiait avec un autre batteur aussi subtil que lui.....un vrai boulot d'abattage! Doyle Bramhall est lui aussi difficilement supportable.
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