vendredi 12 août 2016

JE SUIS PILGRIM de Terry Hayes (2014) par Luc B.



Si vous avez une vieille armoire branlante, voici la cale idéale, 18x12x5,6, un pavé bien dodu de 900 et quelques pages. Élu thriller de l'année (dernière), on peut aussi le lire.

C’est du lourd. Tant par l’épaisseur du volume, que par l’ampleur de l’intrigue. On est à mi-chemin du polar et du récit d’espionnage, un croisement de Jason Bourne et de Jack Bauer. L’auteur a vu grand, et pour un premier roman, il a sans doute eu les yeux plus gros que le ventre. L’auteur, c’est Terry Hayes, un anglais, qui a débuté comme scénariste pour la série des MAD MAX, ou CALME BLANC, PAYBACK. Pas des bluettes sentimentales, donc.

L'auteur
Ca commence à New York, dans un hôtel minable. On découvre le cadavre passé à l’acide d’une jeune femme. Parmi les flics perplexes, un observateur silencieux, secret, mais visiblement très compétent. C’est le narrateur du livre, mais il ne se présente pas. Top secret. On comprendra que c'est un ex super-espion, usant de diverses identités. Il se fera appeler Pilgrim.  

Un flash-back nous renvoie 20 ans en arrière, vers une sombre histoire de mafia albanaise, de double agent triple, de traitre éliminé sur la Place Rouge de Moscou. Puis on part pour l’Arabie Saoudite, où un jeune homme assiste à la décapitation publique de son père. Il en nourrira une haine tenace contre son pays, et son allié : les Etats Unis. C’est à ce moment que le roman prend sa vitesse de croisière, où l’on va suivre la radicalisation du jeune homme, recruté par les Frères Musulmans, futur héros moudjahidine, qui va planifier sur plusieurs années une attaque terroriste sans équivalent. Il devient une véritable légende, surnommé « le Sarrasin ».   

Le complot arrive aux grandes oreilles des services de renseignements américains. Qui ont localisé un appel téléphonique suspect entre le Sarrasin et une femme, en Turquie, à Bodrum. C’est là que notre super-espion est envoyé, sous une fausse identité. Celle d’un agent du FBI devant collaborer avec la police turque pour élucider la mort suspecte d’un ressortissant américain. Mais là encore, ce meurtre, semble avoir été particulièrement bien exécuté, et pourrait avoir des liens avec celui perpétré à New York…

Bodrum, en Turquie
Si on n’est pas trop regardant sur le style (ah, les trucs du genre "c'est lorsque j'ai vu la voiture démarrer que j'ai compris mon erreur, mais c'était trop tard..." y'en a des comme ça à chaque fin de chapitre !) ce JE SUIS PILGRIM, vous tiendra en haleine quelques bonnes soirées. Ne pas s'effrayer de l’aspect tentaculaire et mystérieux volontairement entretenu. Terry Hayes nous en tartine des tonnes, voulant mettre l’équivalent de quatre romans en un. Ainsi, le couple âgé que fréquente notre espion s’avèrera être ses parents adoptifs, mais pourquoi en faire mystère si longtemps. On évoque la Shoah (pourquoi pas, mais… pourquoi ?) le 11 septembre, avec la laborieuse histoire de Bradley, flic héros de Ground Zéro. Quelques enquêtes parallèles, et flash-back sur la carrière de Pilgrim (un peu longuets, mais qui prennent sens à la fin).

L’intrigue autour du Sarrasin est effectivement très efficace. Invraisemblable, mais efficace. Les hasards et coïncidences jalonnent l’histoire, les imprécisions aussi (c'est où, c'est quand ?). Mais les rebondissements sont là, les développements de l’intrigue surprennent et séduisent, l'habilité du héros à se sortir de tout, la préparation minutieuse de l'attentat croisée à la traque du Sarrasin qui crée un réel suspens, les personnages secondaires, nombreux, qui réapparaissent régulièrement.

On pourra juste regretter une séquence finale trop attendue (et entretenue dès le début par des "quand j'ai pu enfin me trouver face au Sarrasin") et paradoxalement plutôt décevante, petit bras. Un peu trop sentimental le grand méchant ? On passera sur les stéréotypes ridicules, manichéens, les arabes, turcs, albanais, français, italiens sont évidemment tous sales, puants et corrompus, face aux gentils, serviables, dévoués, et remarquables services de renseignements américains… Et puis quel sympathique président ils ont, veuf, le pauvre, mais tellement brave homme… manque plus que le gentil toutou dans le Bureau Ovale, wouaf wouaf !  

Il n’étonnera personne qu’un tel roman soit en cours d’adaptation au cinéma, par l'auteur lui-même. Matthew Vaughn en serait le réalisateur, sortie prévue cette année... Y z'ont dû sacrément tailler dans l'gras, sinon le film ferait 6 heures ! 

Livre de Poche  -  912 pages
 

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