Le premier plan donne la
couleur. Un travelling magnifique le long d’une piscine, dans une somptueuse
villa. Les invités boivent du Champagne, les starlettes papillonnent. La caméra
s’approche du propriétaire des lieux, Phil Stern, agent de stars à Hollywood
dans les années 30. Il fait dire à qui veut l’entendre qu’il attend un coup de fil
de Ginger Rogers, quand une domestique le prévient qu’on l’attend au téléphone.
Phil Stern prend le combiné. Plan suivant : à l’autre bout, sa soeur
Rose, voix rauque dans son minable meublé, lui demande de prendre son fils Bobby
en stage dans son agence…
Bobby débarque donc dans les
cités des anges, et fait le coursier pour son oncle. Il tombe tout de suite amoureux
d’une secrétaire, Vonnie. Qui bien que sensible au charme du neveu, n’en est
pas moins la maîtresse du tonton. Ainsi commence un marivaudage à trois, qui nous
renvoie à l’univers d’Ernst Lubitsch. Car c’est sous le sceau du réalisateur de
SERENADE A TROIS ou SHOP AROUND THE CORNER, que le dernier Woody Allen est
frappé. D’autant que la voix du narrateur (Woody himself) annonce les faits, avant
que les images n’y reviennent, souvent en flash-back. La construction du film
est assez exemplaire…
De même que Phil Stern joue les
marionnettistes avec ses vedettes, les plaçant sur tel ou tel projet, Woody
Allen va lui aussi tirer les fils, s’amuser avec ses personnages, leurs destins, faisant et défaisant les
couples. Comme le dit Bobby dans le film, « la vie est un roman écrit par
un auteur sadique ». La première partie se passe à Los Angeles, et s’achève
lorsque Vonnie choisit entre ses deux amants. On aura eu des scènes merveilleuses, Bobby et la jeune prostituée novice, le
diner manqué avec Vonnie (qui rappelle LA RUEE VERS L’OR avec l’ellipse de
temps sur les chandelles), la rivalité de l’oncle et du neveu qui en ignorent
tout.
Seconde partie à New York, où
Bobby travaille dans le night-club de son frère Ben. Un gangster notoire. Le
film est parsemé d’assassinats, de cadavres coulés dans le béton. Si on se
plaint d'un voisin bruyant, Ben annonce qu’il ira lui dire deux
mots. Et on ne revoit plus le gêneur ! Les années passent, Bobby rencontre Véronica, (la sculpturale Blake Lively), le tout raconté en scènes courtes, l’intrigue
se précipite en quelques plans, tout est limpide.
On y parle moins de cinéma que
de couple, d’amour, de tiraillements sentimentaux. La troisième partie du
film voit le couple Phil / Vonnie débarquer à New York, dans le club de Bobby. Les ex se revoient, mais à aucun moment on ne peut savoir si Bobby et Vonnie redeviennent amant ou non. C’est toute l’élégance
du film, l'intelligence du récit.
C’est le club de Bobby maintenant, son
frère a eu quelques soucis ! Ces séquences sont parmi les plus drôles,
lorsque Ben se convertit au Christianisme en prison, car on y vante la vie
après la mort. Pour un gars qui risque la chaise électrique, c’est pas con. On
retrouve la verve de Woody Allen dans un dialogue entre tante Rose et son mari,
juifs. « Je ne sais pas quel est le pire, apprendre que mon fils a tué des
gens, ou qu’il se soit converti ». « Si les juifs avaient en boutique
la vie après la mort, ils auraient plus de clients ». Et le père de se lamenter :
« Après la vie, y’a rien, juste le silence / Pourquoi tu dis ça ? /
Parce que tous les jours je prie, je prie, je prie… et personne ne répond /
Pas de réponse, c’est déjà une réponse ».
Les deux derniers plans sont
superbes, symétriques, unissant ces âmes sœurs, Bobby à New York, au réveillon
du nouvel an, le regard perdu parmi les fêtards, un travelling circulaire
autour de lui, puis le même, à Los Angeles, autour de Vonnie, elle aussi
mélancolique alors que les bouchons de Champagne claquent.
Jesse Eisenberg est mieux qu’un
ersatz de Woody, fébrile au départ, endurci ensuite, Kristen Stewart est décidément
très sexy. Les décors et les costumes sont particulièrement soignés, magnifiquement
mis en lumière par Santo Loquasto. Woody Allen ressuscite un genre, la comédie
sophistiquée douce-amère. Ce film est une merveille d’élégance, de
précision, la forme n’a jamais été aussi belle, et le contenu pétillant.
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L'affiche est très belle en plus. Je trouve.
RépondreSupprimerEt ce film atypique, Ma Loute, tu es aller le voir Luc ? Moi j'y vais ce WE.