- Grand classique M'sieur Claude cette semaine : le concerto pour violon
de Mendelssohn par le violoniste franco-serbe et
chevelu Nemanja Radulovic…
- Oui Sonia, comme cela on ne me suspectera plus de favoriser les jolies
artistes blondes et hamiltonesques comme je l'ai lu il y a deux semaines
dans un commentaire
espiègle, hi hi…
- Vous avez choisi le second concerto, c'est le plus connu je crois.
Des dizaines voire des
centaines de versions à tous les coups…
- Le premier concerto est
l'œuvre d'un ado de 15 ans et, je trouve, un bon choix comme complément du
second qui, oui, est un morceau de bravoure du répertoire pour
violon…
- Ce jeune homme frisé a fait la une des médias il y a quelques années,
vous l'avez préféré aux grands maîtres du passé
?
- Oui, Christian Ferras, Heifetz ou Oïstrakh n'ont rien à prouver, on le
sait bien, et puis il y a une autre raison concernant le choix de
l'orchestre…
Nemanja Radulovic |
Le
concerto pour violon
de
Mendelssohn
opus 64 est le plus souvent couplé au N°1 de
Max
Bruch. Certes il s'agit d'une des plus belles œuvres du violoniste et
compositeur romantique allemand, mais ici, nous offrir ce joli concerto du
petit
Felix surdoué et précoce est une idée un peu plus originale. Premier bon point.
Je soupçonne les labels d'établir cette association fréquente pour
satisfaire au timing imposé par le CD…
Les grands disques historiques consacrés à ce concerto ont été gravés au
XXème siècle avec de trèèèès grands orchestres symphoniques, bien
entendu de très haut niveau avec des chefs de la trempe de
Karajan
(avec
Anne-Sophie Mutter) ou
Furtwängler
(avec
Menuhin). Des effectifs de 80 musiciens dont 6 à 8 contrebasses.
Mendelssohn
a écrit sa partition entre
1838 et
1843 dans un esprit plus proche
du classicisme que du romantisme, donc pour un orchestre léger de type beethovénien voire mozartien, sans trombones
mais avec trompettes. L'orchestre de chambre de Prague est une formation particulièrement adaptée à ce que
Mendelssohn
a imaginé et de plus, jouant sans chef, le violoniste impose plus facilement
un accompagnement en osmose avec ses conceptions d'interprétation. Deuxième
bon point. Avec
Karajan, encore lui, le dialogue offrait moins de latitude disait-on !!
Quatre chroniques ont déjà été dédiées à
Felix Mendelssohn, dont l'éternel
Songe d'une nuit d'été,
une musique de scène dont la
marche nuptiale
égaye la sortie d'un mariage
sur deux. Dieu que les jeunes tourtereaux qui convolent sont imaginatifs…
(Clic).
Également un article pour la
symphonie
N° 3
"écossaise", chef d'œuvre symphonique du romantisme et témoignage d'un compositeur
qui bourlingua beaucoup en Angleterre. Le premier article propose une
biographie du compositeur mort bien jeune à 38 ans en
1847. Le
concerto pour violon N° 2
fut créé en mars 1845 en
l'absence de
Mendelssohn
déjà affaibli. Il pourra cependant le diriger en octobre de la même année.
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Orchestre de chambre de Prague |
Le jeune violoniste virtuose
Nemanja
Radulovic
né en 1985 en Serbie et
français d'adoption est assez bien connu du grand public en ayant reçu par
deux fois une
Victoire de la musique classique
: en 2005, "Révélation internationale de l’année", puis en 2014, "Soliste instrumental". Son look qui échappe aux idées reçues sur les tenues vestimentaires des
artistes "classique" a du favoriser son adoption par un public qui s'imagine
encore que cette musique est celle d'une classe sociale conservatrice ou du
tout Paris. (Hein, S**e.)
Il commence ses études à Belgrade et reçoit à l'âge de 11 ans son premier
prix "Talent de l'année 1997" remis par le ministère de la culture. Il rejoint la France en
1999 et le Conservatoire de
Paris dans la classe de
Patrice Fontanarosa.
En 2006, il se fait remarquer
brillamment en remplaçant
Maxim Vengerov
pour l'interprétation du concerto de
Beethoven
salle Pleyel. À noter que
Maxim Vengerov
a signé l'une des gravures les plus remarquables du
concerto
de
Mendelssohn
accompagné par
Kurt Masur
(j'y reviendrai).
Il poursuit désormais une carrière internationale de soliste et a créé deux
ensembles de musique de chambre : Les
Trilles du Diable
(clin d'œil aux
sonates
diaboliquement difficiles de
Tartini) et
Double Sens. L'artiste se distingue par un jeu clair et dynamique, je dirais…
électrisant !
Nemanja Radulovic
a gravé des disques attachants pour divers labels, notamment
Dgg et
Decca dont un programme très
varié titré justement Les trilles du Diable. Tout comme Hilary Hahn, Nemanja
Radulovic joue sur un violon Jean-Baptiste Vuillaume de 1843.
Nous avons souvent écouté des musiques interprétées par l'ensemble
américain
Orpheus Chamber Orchestra
: une réunion de grands solistes de la côte
Est qui a la particularité
de jouer sans chef. L'orchestre de chambre de Prague travaille sur le même concept, en définissant
avec les musiciens et
éventuellement le soliste qu'il accompagne les choix interprétatifs. Créé au
début des années 50, cet orchestre voyage beaucoup et a gravé des œuvres des
époques classique et romantique, avec une prédilection pour les compositeurs
tchèques.
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Ferdinand David |
Je suis tout à fait
d'accord avec cette démarche, et comme exprimait un jour le philosophe
Luc Ferry lors d'une petite
chronique sur Radio Classique, en substance : "Il ne peut y avoir d'art en absence de beauté".
- Heuu comme d'habitude M'sieur Claude, je vous rends une copie double
pour 16H00 ?
- Mais non Sonia, on n'a plus l'âge de passer le bac mon petit…
Sans doute dans les mêmes intentions, le style du concerto se rapproche de
la forme classique de ceux de
Mozart
et de
Beethoven
première manière. Banal ? Pas de hardiesse tonale ? Eh bien oui et non, même
si
Mendelssohn
se refuse à des aventures harmoniques, son concerto, ne serait-ce que par la
continuité régissant les trois mouvements, innove mais sans chercher à
dérouter le mélomane.
L'orchestre est celui de
Schubert
ou de
Beethoven
jeunes encore attachés au classicisme : 2/2/2/2, 2 trompettes, 2 cors,
timbales et cordes ; tout simplement !
1 – Allegro appassionato
: "Passionné"…
Mendelssohn
ne pouvait mieux choisir cette précision dans l'indication de tempo.
Première entorse au style classique, le violon fait son entrée dès la
deuxième mesure de l'introduction. Une seule mesure, autant dire juste le
temps de créer un climat légèrement rythmé dans l'orchestre
pour accueillir dans un style
mélodique opposé le thème principal au violon
:
une longue et sensuelle phrase empreinte de poésie, de sensualité, mais
aussi d'une douce et discrète mélancolie. Trois éléments qui signent le
caractère romantique de ce grand mouvement introductif. Plus qu'un thème
élégiaque : un leitmotiv qui va parcourir avec une énergie crescendo
l'allegro, leitmotiv joué et métamorphosé par le violon, mais aussi partagé par l'orchestre.
Bien que très difficile techniquement,
Mendelssohn
n'exige pas de son soliste une virtuosité flamboyante dont l'éclat
masquerait l'émotion et l'esthétique sonore globale.
Comme expliqué plus avant, le thème initial est de ceux que la mémoire
adopte d'emblée, qu'il est facile de siffloter gaiement sous sa douche. Pas
d'ornementation ou de prouesses violonistiques diaboliques à l'instar d'un
Paganini.
Mendelssohn
joue la carte d'une musique riche d'un lyrisme délicat et attachant,
écrivant sur sa partition un duel concertant
et complice entre le violon
et les instruments de son orchestre, un discours exempt de tout conflit
sonore affirmé.
Mendelssohn au piano devant la reine Victoria |
2 – Andante
: Un accord de cors suivi d'une mélopée aux cordes ouvre la voie au tendre
thème du mouvement lent. Une lumière radieuse s'élève, sans
pathétisme, bien au
contraire : une "romance sans parole", une forme que
Mendelssohn
maîtrisait si bien au piano. Un passage plus vif précède une reprise du
violon accompagnée de pizzicati
facétieux aux cordes. Qui a
dit que le concerto de
Mendelssohn devait être joué à la hussarde pour répondre aux critères rugueux des
musiques romantiques ? Pas
nos interprètes en tout cas…
3 – Allegreto non troppo – (4) - Allegro molto vivace
: Nouvelle initiative : l'andante se poursuit indirectement vers l'allegro
final. Une transition allegretto surprenante permet d'aborder la conclusion
sans rupture brutale de ton après les coloris cristallins de l'andante (un
procédé que
Beethoven
utilisa dans son
4ème concerto pour piano). Le final doit être joué plus rapidement de nos jours d'après les études
effectuées sur les interprétations anciennes. Avec
Nemanja
Radulovic
le violon virevolte comme un papillon possédé et l'orchestre se fait
chambriste avec ses joyeux trilles de la flûte et des clarinettes. Tout
amateur de musique romantique aérienne et de ce concerto en particulier peut
écouter ce disque. Un enchantement.
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La discographie du
concerto pour violon opus 64
est tellement pléthorique, y compris à haut niveau, que je vous propose
mes gravures favorites. Dans
les enregistrements
légendaires, on trouvera
sans surprise
Menuhin-Furtwängler
(mono) ou encore
Stern-Ormandy,
Ferras-Silvestri,
Viktoria Mullova-Sir Neville Marriner, etc.
Maxim Vengerov
a signé en 1993 une version au
phrasé tendu comme un arc, diaboliquement virtuose et enflammée, un son
aiguisé. De plus, la prise
de son limpide me laisse à
penser que ce disque se révèle à mon humble avis comme l'une des
réussites majeures de l'ère numérique.
Kurt Masur
soutient avec élégance la
verve du soliste aux tempos
vifs (Teldec
– 6/6). Bon couplage avec le concerto de Max Bruch. Un disque considéré par
plusieurs critiques comme la référence moderne
(écoute comparée Classica notamment).
Découverte par
Herbert von Karajan,
Anne-Sophie Mutter
grave dès 1981 à 18 ans, en
numérique, sa première version. Virtuosité chatoyante, un soupçon de
maniérisme très discret, et surtout le maître autrichien qui ne couvre pas
sa soliste avec la machinerie de Berlin. L'édition originale comportait
l’incontournable
concerto
de
Max Bruch, hélas avec un
Karajan
qui retrouvait ses habitudes teutoniques. Je préfère
la réédition dans la
collection Masters avec une gravure passionnante du concerto de
Brahms
(Dgg – 5/6).
Anne-Sophie
a récidivé en 2009, accompagnée
par
Kurt Masur
pour une seconde mouture couplée avec une sonate et un trio de
Mendelssohn. L'album comporte la vidéo du live de ce concert où l'on peut voir que le
vieux chef sait que l'on ne joue pas cette œuvre avec un orchestre
boursouflé mais celui du
Gewandhaus de Leipzig en formation allégée (Dgg – 6/6).
A signaler,
un disque original qui
réunit
Gidon Kremer
et
Martha Argerich
dans un couplage insolite : le
premier
concerto pour violon, mais aussi un
double concerto pour violon et piano. Et l'on retrouve l'Orpheus Chamber Orchestra sans chef évidement… (Dgg – 5/6). Pour les fans de
Mendelssohn, un album rare et ensoleillé par deux bijoux de la plume d'un ado de 14
ans.
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L'interprétation de
Nemanja
Radulovic. a disparu du catalogue YouTube, dommage. D'ailleurs cet artiste ne
semble pas vouloir partager cet espace culturel hormis pour proposer
des clip de 2 minutes pour doper les ventes de ses disques qui ne
bouleversent en rien la discographie du répertoire… La grosse tête
?
Sauf erreur de ma part, Ferras a enregistré avec Karajan les concerti de Beethoven, Brahms, Sibelius et Tchaïkovsky, mais pas le Mendelssohn. Ce sont de belle versions, d'ailleurs, notamment dans les mouvements lents. Parmi les versions "modernes" de ce beau concerto, il me semble que tu as oublié de citer le très beau CD couplant Mendelssohn et Tchaïkovsky enregistré par Kyung Wha Chung, Charles Dutoit et l'OS de Montréal : c'est l'une des grandes versions de ces oeuvres, très bien enregistrée de surcroît !
RépondreSupprimerOups ! En effet, j'avais en-tête la série de concertos enregistrée par Karajan et Ferras et dans mon élan j'ai ajouté celui de Mendelssohn qui n'a pas donné lieu à un enregistrement... D'ailleurs je cite le duo Ferras-Silvestri à la fin...
RépondreSupprimerMerci de citer le disque Kyung Wha Chung que je ne connais pas... à découvrir.
je préfère la "vieillerie" David Oistrakh - Eugene Ormandy, mais à chacun ses goûts! :-)
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RépondreSupprimerBonjour,
SupprimerTu as le droit de prévoir un sombre avenir pour Nemanya Radulovic, bien entendu. Mais que justifie au juste ce dégoût ? Son jeu ? Sa discographie ? Son look hors norme : l'absence de queue de pie, pas de début de calvitie, mais une tignasse virevoltante ???
Petite erreur de conjugaison fortuite je pense, mais Nigel Kennedy est toujours en vie, il a 59 ans (le temps passe). A noter qu'une grave intervention chirurgicale l'a éloignée plusieurs années de la scène. Je ne suis pas un de ses fans, mais sa fantaisie énergique a peut-être permis à certains apprentis mélomanes de découvrir de grandes pages "classique". J'avoue, je n'ai aucun de ses disques…
Comme tu sembles être un spécialiste du concerto pour violon op 64 de Mendelssohn, quelle interprétation conseillerais-tu à nos lecteurs ? Pour moi : Vengerov-Masur sans hésiter.
Je suis parisien, mais j'ai largement passé l'âge d'être un bobo ;o)
Bien cordialement.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerMerci Philharmonic Symphonic pour cette réponse détaillée. Oui là Ok, tu sors l'artillerie lourde…
SupprimerJ'écoute Daniel Hope et le Chamber Orchestra of Europe, avec Thomas Hengelbrock (Sa messe en si est l'une de mes "chouchous") su Deezer. Violon enlevé mais orchestre un peu sec comme un quignon de pain à mes oreilles…
Ehnes - Ashkenazy : je ne connais pas, j'avoue… vidéo ou Deezer ? Non rien ! Flûte
Tetzlaff - Jarvi : cool j'ai la vidéo Youtube. Ah oui j'aime bien, un violon primesautier. Des tempos virulents… j'adore en réalité. J'aurais pu choisir ce disque pour le commentaire…
Oistrakh - Ormandy : évidement, j'avais d'ailleurs consacré au duo de ces géants un article pour les concertos de Sibelius et de Tchaïkovski… Le chant du violon, quel legato ! B**l !!
Menuhin – Furtwängler : moui, je trouve la chose trop immense pour du Mendelssohn, un petit air brucknérien (ce qui n'est pas une vacherie, loin de là). Subjectif.
Et pour NR, on verra dans dix ans… L'histoire nous départagera :o)
Encore merci pour toutes ces propositions… Les lecteurs ont du choix…
À bientôt… Très cordialement