mercredi 16 mars 2016

SIMO " Let Love Show The Way " (janvier 2016), by Bruno



     Comme surgissant doucement d'un marécage saumâtre, déchirant les brumes opaques et saisissantes , une guitare arrive sur un air de Latin-Rock, de Rumba. Le son est brut, ouvert, large. Sensation de Gibson branchée en direct dans un  ampli Orange ou dans un antique Marshall. Les potentiomètres sont dans le rouge. Lors du break, la batterie s'envole dans une explosion de cymbales entêtantes, remplissant tout l'espace tel un ouragan déchaîné. "Stranger Blues", reprise du grand Elmore James (un excellent morceau étrangement trop rarement repris (1) ), dont la présente version pourrait bien devenir une nouvelle référence.

   "Two Timin' Woman" ne relâche pas la pression, ni le groove, avec son Heavy-boogie cossu, œuvrant dans un swing entre les deux premiers essais de ZZ-Top et Back Door Slam. Tandis que "Can't Say Her Name" s'illustre dans un Hard-Blues en mid-tempo, tel qu'on le pratiquait au début des années 70. Le fantôme de Free (dans sa forme la plus basique et séminale) plane sur ce titre. La basse vibre à la manière d'un jeune Andy Fraser. Cette quatre-cordes qui, sur "I Lied", est étranglée par une fuzz pour sortir du large cadre de ce Heavy-blues volcanique dominant, pour aller taquiner  The Cult sur ses terres. Orchestration ici relativement carrée grevée par des licks de guitares gémissantes récurrentes.
 

 Avec "Please", on toucherait presque à la Pop grâce à ce chant ici enjoué et un refrain plein d'entrain, si la guitare n'irradiait pas d'une saturation en effervescence incontrôlée. On pense parfois ici à  Philip Sayce. 
À l'image du dessin du livret représentant les chevelures des musiciens qui s'entremêlent pour ne plus former qu'une seule entité, "Long Way You Sail" est un agglomérat mêlant riff néo-celtique, blues-psychédélique bouillonnant, jets de lave de wah-wah  et chœurs de guerriers, d'où, malgré une certaine approche rugueuse et brutale, émerge des signes d'amour (les dessins de p'tits cœurs dans les cheveux !), de paix.
Country-blues (dans le style de Derek Trucks) ?  "I'll Allways be Around" est intronisé par une slide sur une guitare à résonateur, mais s'immerge rapidement dans un Heavy-Rock très proche du Jeff Beck Group (second du nom, celui avec Cozy Powell et Bobby Tench). C'est une exquise réussite de Heavy-blues-Rock aux parfums de Soul bourrue.

   La rythmique, - doublée - sur "Becky's Last Occupation", sonne comme des cuivres qui claquent comme un fouet. Le riff, d'obédience Hard-blues puisé dans la tradition d'un Delta Blues urbanisé, impose un format assez raide, cependant la batterie tempère en donnant de la fluidité et la basse le groove. On retrouverait presque ici le Led Zeppelin de 1969 dans une ambiance live surchauffée.
"I'D Rather Die in Vain" transpire gras, tel Mountain en mode live. Avec chant à l'unisson de la guitare ; Simo y rugit presque comme Leslie West. Probablement même, qu'en étant mixée un peu en avant, la basse sonnerait comme celle de feu-Félix Pappalardi. Dans ce cas, d'ailleurs, elle aurait permis de supporter un solo un tantinet longuet, faisant finalement lâcher prise avec ses explorations jazzy muent par un excès de boisson (avec au menu quelques incartades de bends abyssaux façon Iommi et de cocottes de l'âge de pierre façon Leslie West - encore lui- ). Au moins, cela permet d'apprécier le talent du batteur, Adam Abrashoff, qui parvient à sauver cet instant de la lassitude totale.
 Il est généralement convenu que la formation du trio exige un certain niveau technique de la part des musiciens. C'est un fait, mais qui n'est toutefois  pas toujours confirmé. Cependant, il est évident que celui-ci, soit totalement imbibé par l'exemple des grands noms du genre, de Cream à ZZ-Top, en passant par Jeff Beck Group (le 2sd), Robin Trower, Gov't Mule, Back Door Slam, Tin House, Three Man Army, voire de Blue Cheer et du James Gang ère Joe Walsh (only), etc, etc... Enfin bref, tous ceux qui ont voulu retranscrire le Blues à leur manière, et surtout qui affichent réellement un bon niveau technique mais qui ne se sont pas enfermés avec. Qui laissent avant tout jaillir le feeling, la technicité n'étant alors qu'un outil leur permettant d'accéder à diverses dimensions.


   Faux final avec l'instrumental acoustique "Today I'm Here", qui nous chuchote à l'oreille que la famille Allman doit faire partie des références de JD. Une référence appuyée par le studio choisi : le "Big House" de Macon (Georgie), également nommé le "Allman Brothers Museum". Une douce pièce (pour soulager de l'agression précédente) qui donne envie de fredonner, de chanter en accompagnement.

     Vrai-faux Bonus ? "Let Love Show the Way" plonge profondément dans le Blues-psychédélique de la fin des 60's ; au moment où il commençait à se muer en Hard-Rock. Un morceau qui ravirait le Chris Robinson Brotherhood. Ça sent le champignon hallucinogène, le patchoulis, l'herbe qui fait rire, les tapis et la poussière brûlée par les lampes d'amplis.
La batterie et la basse construisent un support jazzy solide pour laisser libre cours à l'improvisation totale à la guitare. Ainsi, "Ain't Doin' Nothin'" a bien moins les traits d'une composition structurée (d'où l'emploi du terme "bonus" ?) qu'un interlude en exercice libre de style. Un égarement allant à cloche pied dans une marelle faite de Grateful Dead, de Gov't Mule, de West-Bruce & Laing, de Spirit, de Hot Tuna, de Wisdespred Panic. L'esprit de JD est parti planer vers d'autres mondes, où, apparemment, il n'est plus conscient d'être en train d'enregistrer un disque.
Nouveau et vrai final, toujours en acoustique, (sans filet ?), qui rappelle que lorsque J.D. Simo a tenté sa chance à Nashville, ses premières opportunités professionnelles ont été du côté de la Country (avec notamment son recrutement par Don Kelley).

     La guitare semble être libre, en possession d'une force vitale propre. C'est du brut, non dans le sens brutal (quoi que...) mais plutôt dans celui d'une émanation pure de l'énergie vitale de son maître. Mais est-ce bien J.D. Simo qui est le maître de son instrument de musique, où bien n'est-il finalement que la source à laquelle s'abreuve sa guitare pour prendre vie et s'exprimer d'elle-même. Gémissant, chantant, vociférant, cette gratte parle sans ambages, sans manières, et surtout sans faire dans le verbiage narcissique (hormis les instants où JD est tel un autiste, replié dans son monde). Il y a quelque chose de foncièrement sauvage dans le trio SIMO. Voir de primitif, dans le sens où les trois belligérants ne semblent pas avoir été pollués par le mirage d'un succès sonnant et trébuchant, par les bons conseils pour répondre à l'attente d'un public, d'un management, de l'industrie musicale. Cela bien que J.D. ait été musicien de session, assez réputé d'ailleurs, à Nashville (il a récemment travaillé pour Jack White). [ne serait-ce pas tout simplement de la musique live à l'état pur ?]
On fait parler la sincérité,c'est  une expression du temps présent, prise sur le vif, avant de chercher à peaufiner des phrases alambiquées et techniques. Avec les bons, et parfois aussi les mauvais côtés. C'est vivant, humain.
Joe Bonamassa himself, séduit par son jeu, a présenté Simo comme l'un des meilleurs guitaristes actuels (et c'est également le même Joe qui a contribué à le faire signer sur Mascot Label Group).


   Les jets de slide brûlent et corrodent. C'est une slide généreuse qui s'est forgée en écoutant consciencieusement Rod Price, Billy Gibbons, Leslie West (plus millésime 70's pour ce dernier) et probablement d'un peu de Derek Trucks.
D'ailleurs, en aparté, en parlant de Leslie West, physiquement, J.D. Simo a quelques traits de ressemblance avec lui (en plus clean et... "svelte"). Ainsi qu'avec Ken McMahan. Deux doux éphèbes qui aiment faire dans la dentelle.

     La voix de J.D. Simo n'est pas en reste. On peut même dire qu'elle est à l'unisson de ses Gibson. C'est une voix puissante, trahissant une relative jeunesse - qui n'a absolument aucun lien avec les timbres efféminés, policés et sans caractère requises pour les boys-band - , pleine de vitalité, d'envie de mordre à pleine dents la vie. Sensiblement proche de celle de David Knowles (Back Door Slam) avec toutefois un peu plus de rage.


     Certes, cet opus n'est pas parfait, et rebutera probablement les amateurs d'un Rock carré et calibré. Mais heureusement qu'il y a encore des labels qui osent enregistrer des disques comme ça. En prise "live", laissant la bande dérouler pour tenter de saisir le moment magique d'une improvisation réussie et éventuellement bénie. En prenant des risques. En laissant les coudées franches à l'artiste et/ou au groupe. Ne gommant pas les quelques pains, ni les imperfections, afin évidemment de restituer une forme d'authenticité, de spontanéité, de pureté, de franchise (2). Des attributs bannis, honnis même, dans le langage des cadres des gros labels, perdant alors progressivement toute humanité.
Et c'est pour ça que la sortie de ce genre de disque doit toujours être un rayon de soleil, une prairie fleurie dans la ville, une forêt dans une zone industrielle. Quelque chose qui nous rappelle à l'essentiel, au réel.

 
de G à D : Elad ShapiroJD Simo & Adam Abrashoff

   Précisons qu'une écoute distraite peut donner la sensation d'une musique relativement chaotique, partant dans tous les sens (certains soli et quelques rares breaks n'en sont guère loin). Ce n'est surtout pas de l'easy listening à écouter en faisant les courses ou en écoutant d'une oreille dissipée.
Peut-être aussi que, telle une bête sauvage, ce disque a besoin d'être un peu apprivoisé.

À écouter à donf, ou au casque, pour prendre toute la dimension de Simo in your face.


  Le coin matos (genre "c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes") :  
Simo : Gibson ES-335 de 1962, Gibson Les Paul de 1960 et 1959, Flying V 1958, Fender Stratocaster 1959, Gibson custom shop 1275 doubleneck (la réplique de la célèbre SG double-manche), Marshall Super Lead 10 watts 1969, Plexi, Vox Wah 1968, et... la LesPaul Gold Top 1957 de Duane Allman (présente sur "The Allman Brothers Band", "Idlewild South" et "Layla and Other Assorted Love Songs" !)
Elad Shapiro : Fender Jazz Bass, Acoustic 370 de 1973
Adam Abrashoff : Ludwig Green Sparkle 1978 (kit 9/13), 16x16 toms, kick 14x24, Peral Sensitone, cymbales Zildjan, et d'autres trucs barbares et incompréhensibles....

(1) On se souvient de l'excellente et ébouriffante reprise de feu-Johnny Winter.
(2) L'album a été enregistré en 48 heures seulement. 

le Trailer


Clip


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3 commentaires:

  1. Ca me plait bien ça! hop panier! Merci Bruno!

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  3. A noter que le morceau de clôture , la ballade "Please be with me" est un autre clin d'oeil à l'Allman Brothers Band , Greg avait ce morceau autrefois à son répertoire et sur la version originale du groupe Cowboy c'est Duane Allman qui jouait du dobro.

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