Amy
Berg est une réalisatrice de documentaire, qui s’est faite remarquer en 2006
avec DELIVER US FROM EVIL, axé sur les cas de pédophilie dans l’Eglise
catholique. En 2012, elle tourne WEST OF MEMPHIS, sur le meurtre d’un enfant
par trois ados. Elle a travaillé aussi sur des cas d’abus sexuels à Hollywood,
en 2014. Pour son dernier film, elle change totalement de genre, en
s’intéressant à Janis Joplin.
La
forme du film est très classique, chronologique, montage d’archives (concerts,
télé, photos, films privés, lettres) et d’interviews. On n’assiste pas à un
défilé de stars qui viendraient hurler les louanges de Janis Joplin, mais les
témoignages de ceux qui l’ont réellement connue, fréquentée, son frère, sa sœur
(bénédiction familiale = archives familiales), amis d’enfance, musiciens, dont
les membres de Big Brother and the Holding Company, son premier groupe. Et une
voix-off intervient parfois, pour lire des lettres, c’est la chanteuse Cat
Power qui prête sa voix.
On
a beau connaitre le parcours de Janis Joplin (le film m’a appris peu de chose
que je ne savais déjà) ce documentaire est intéressant parce qu’il cerne au
plus près la personnalité de la chanteuse. Une jeune femme qui a trainé toute
sa vie un besoin d’être comprise, aimée, acceptée, et qui, disait-elle,
"souhaitait surtout mettre ses valeurs personnelles en adéquation avec sa vie".
Donc, ne pas tricher. Amy Berg revient sur les années de lycée de Janis Joplin,
à Port Arthur, Texas, où elle a grandi. Janis est une ado complexée, pas très belle,
pas très fine, l’acné lui bouffe le visage, elle est régulièrement la risée des
autres, victimes de moqueries, jusqu’à l’humiliation suprême lorsqu’elle sera
élue le garçon le plus laid du lycée.
Janis
Joplin va se créer une carapace, adoptant des postures de
rejet. Son seul talent, c’est sa voix (mais aussi un joli coup de pinceaux), et
elle épate son auditoire par ses reprises d’Odetta, de Bessie Smith. Elle
chante le blues pour ressentir les souffrances de ses modèles, les faire sienne. Elle chante dans les bars, boit avec les garçons, gobe
des amphets, court les mecs, et s’ils ne veulent pas, court les filles. Elle
adopte des positions progressistes dans une ville gangrénée par le KKK,
apostrophe les hommes, use d’un langage ordurier et provoquant.
En 1963, elle
se rend à San Francisco, découvre une tout autre ambiance, et rencontre un
homme dont elle tombe amoureuse. Elle revient chez ses parents avec celui qui
la demandera officiellement en mariage, mais qui se rétracte. Il avait déjà une
femme et un gosse… Nouvelle humiliation. En 1966, elle retourne à San Francisco,
engagée pour être la chanteuse d’un groupe local. San Francisco, le quartier hippie de
Haight Ashbury, où l’on ne juge pas les gens sur les apparences, où tout le
monde se fréquente, s’aime, et où les drogues sont à portée de main…
Amy
Berg retrace la carrière de Janis Joplin, les extraits de concerts, de
chansons, sont nombreux (ça commence recta avec « Tell mama » à vous faire chialer), notamment l’enregistrement de
« Summertime », en studio, filmé par D.A Pennebaker (qui témoignage
aussi). Ce même Pennebaker qui nous apprend que Joplin et son groupe sont
passés deux fois à Monterey - où Otis Redding avait épaté son monde, il sera une grande influence de Joplin. La première fois, leur manager (qui témoigne) avait refusé signer
un papelard autorisant la captation vidéo. Les groupes de San Francisco
découvraient les règles du rock-business qui se développait à Los Angeles. Ca
la foutait mal de sortir un documentaire sur le festival, sans Janis Joplin. On
lui a donc demandé de repasser sur scène !
Un
mot sur la qualité technique des archives, dont certaines sont en mauvais état.
Beaucoup de films super8 issus des années 50 sont montrés, mais gonflés sur
grand écran, c’est parfois limite lisible. Et puis la mode à l’époque
(souvenez-vous du film "Woodstock") c’est de zoomer sous le pif d’un chanteur, gros
plan, donc des pixels d’un mètre de côté à l’arrivée !! Tiens, Woodstock…
Il y a la confirmation de Joplin s’était pris un shoot d’héroïne juste avant
(ce qu’elle ne faisait jamais… seulement après les concerts) d’où une
prestation jugée pas terrible à l’époque.
Si
on entend beaucoup Janis Joplin rire aux éclats (jolie scène avec Jerry
Garcia), on ressent surtout la tristesse et la solitude du personnage. C’est
dit par ses proches (Country Joe McDonald, qui a été son compagnon, ou Dick Cavett,
animateur télé qui l’a beaucoup reçue, et apparemment aimée), et c’est montré
par les interviews, les regards fuyants, les réponses évasives de Joplin. Comme
lors de son retour triomphal à Port Arthur, pour la fête du lycée, l’endroit où
elle a plus souffert au monde. Il y a foule, les médias la pressent de
question : comment c’était à l’époque ? et vos camarades ?
étiez-vous différente déjà à l’époque ?... « No comment »
dit-elle juste. Et plus tard de dire, dans un sourire glacial, que non, la
salle de bal, elle ne connaissait pas, puisque jamais un garçon ne l’avait
invité à s’y rendre…
avec Paul Rothchild |
Janis
Joplin ne supportait plus la solitude. Elle n’était pas toujours d’un caractère
facile, mais ses relations amoureuses étaient compliquées, souvent
interrompues. Il y a un bel extrait de concert, où elle divague sur les mecs
« qui partent toujours vers des villes que les femmes ne connaissent pas,
Lima, Casablanca… ». Allusion qui fait écho au départ de David Nielhaus,
fiancé d’un temps, rencontré au Brésil, mais lassé de l’hygiène suicidaire de
la chanteuse. On prête beaucoup de liaisons à Janis Joplin (Hendrix, Clapton...) mais bon, que faut-il en penser, à par le coup d'un soir sous LSD... Et ça ne fait pas une femme heureuse.
Janis
Joplin décède par overdose le 4 octobre 1970, pendant l’enregistrement de son
disque PEARL. Produit par Paul Rothchild (The Doors) qui avait trouvé
comment canaliser l’énergie foutraque de la chanteuse, le disque sort trois
plus tard, et s’écoule à 4 millions d’exemplaires.
Sur
le générique de fin, on voit la mère de Janis Joplin lire une lettre de
condoléance reçue d’une fan. Des parents qui ont du se demander comment ils
avaient engendré une telle tornade ! J’aime ce passage d’une lettre, où sa
mère écrit : nous n’avons pas abordé le sujet, mais je suppose que tu ne
reprends pas la fac ?... Joplin qui avait invité toute sa famille
à Frisco, folle de joie. Elle ne jouait pas ce soir-là, mais le groupe Moby
Grape avait accepté de céder sa place, juste pour que les parents de Joplin
voient au moins une fois leur fille sur scène.
On
peut regretter un détail. A la fin, Pink et Juliette Lewis témoignent
10 secondes, sans intérêt en soi, alors que des Grace Slicks, Patty Smith, Ricky
Lee Jones, Joan Baez, Debbie Harris, Chrissie Hynde, Stevie Nicks, Tina Turner… auraient
sans doute eu un mot intéressant à dire sur la première star féminine du rock. Car
c’est bien le cas de Janis Joplin. Avant elle, qui ? Les divas du Jazz (Hollyday, Fitzgerald), du
Blues (Bessie Smith) de la Soul (Etta James, Ruth Brown, Diana Ross...) mais en Rock, y’avait qui avant ?
On parle depuis des années d'un biopic au cinéma, il semble que l'actrice choisie soit Amy Adams, et le réalisateur Jean Marc Vallée. Affaire à suivre...
Janis, little girl blue (2015) Couleurs - 1h45 - 1:1.85
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Janis qui ce piquait la ruche au Southern Comfort. En France tu ne trouve que du 21°, je pense qu'elle devait boire du 50°. Même si tu dis que le film n'apporte rien de neuf, je demande quand même à le voir, étant moi même un inconditionnel de Pearl. Dans les noms que tu as cités, pas d'interview d'un des membres de Big Brother ? Même pas Sam Andrew ?
RépondreSupprimerSi Pat, je le dis au début, les membres de BBHC sont là, et même plus présents que ceux du Kosmic ou du Till Full Boogie. Le guitariste a vécu avec elle, il témoigne beaucoup, le batteur aussi. Et ils sont très lucides, honnêtes, notamment lorsqu'il s'est agi de reconnaitre que Janis Joplin avait "trop" de talent pour eux, ils ne peuvent plus suivre, et elle de son côté a besoin d'un backing-band plus expérimenté. Le Kosmic sera crée de toutes pièces, sur mesure, et avec des cuivres (comme chez Stax). Elle a pris le pouvoir dans le groupe BBHC, une fille chef de meute, c'était inédit. Et eux mêmes reconnaissent que l'idée n'était pas facile à admettre.
RépondreSupprimerAh oui ! Mince ! J'ai mal lu ! Je ne devais qu'être qu'a mon troisième café c'est pour ça ! ^^
SupprimerSacrée nénette au physique plus que quelconque. Le genre de comète qui a cartonné à une époque où les médias étaient confidentiels et dont on parle encore 45 ans après! Quand je vois toutes les pétasses qui tortillent du cul maintenant boostées par les réseaux sociaux en vendant de la daube au km...
RépondreSupprimerJe prends des tours...Rockin' sors de ce corps!...
Aujourd'hui, c'est très largement l'inverse : des nénettes à la voix quelconque, mais au sacré physique.
SupprimerC'est une des raisons pour lesquelles les plus jeunes "regardent" bien plus la musique (quelle ineptie !) qu'ils ne l'écoutent. En bref, ils sont généralement scotché devant leurs écrans (ordi, portable, tablettes), hypnotisés par les clips et les prestations scéniques (pardon... les chorégraphies et les mises en scène). Autre temps, autres mœurs ?
ah ah tu me rajeunis, y'a longtemps que je ne me suis pas lancé dans une telle diatribe..je me ramollis, et puis vous m'avez tellement dit du temps d'amazon que ça ne servait à rien de s'énerver contre les faiseurs de daube..
RépondreSupprimer« O tempora, o mores »
RépondreSupprimerEn fait "West of Memphis", c'est un film documentaire sur l'horrible fait divers qui raconte le meurtre de 3 enfants de 8 ans par 3 adolescents. Si vous avez l'occasion de voir le film de Amy Berg, c'est terrifiant. La réalisatrice dénonce l'incroyable défaillance de la justice américaine qui laissera 3 jeunes garçons derrières les barreaux pendant 18 ans !!!
RépondreSupprimerAtom Egoyan en a fait un film en 2013 : "Devil's Knot"
Merci pour les précisions, Phil.
SupprimerPour les médias des 60's, rapport à Janis Joplin, j'ai été assez surpris de voir dans ce documentaire pas mal d'extraits d'émissions de télé où elle était invitée, ainsi que les shows télé genre Maritie et Gilbert Carpentier. Les médias s'intéressaient à elle, peut être pour les mauvaises raisons, mais elle a explosé à Monterey, et chacun voulait sa part du phénomène.
On peut effectivement se demander pourquoi elle a souvent été accompagnée par des musiciens moyens. Pourtant à l'époque, ça ne devait pas être un problème d'en trouver des bons.
RépondreSupprimerBon, et Hendrix dans tout cela ?? Avec la môme Janis ??
RépondreSupprimerC'est le club des 27.
SupprimerIls se sont croisés (comme beaucoup) dans plusieurs festivals, ont du certainement partagé un acide ici ou là, mais le film n'évoque aucune liaison particulière.
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