mercredi 3 février 2016

IMPERIAL STATE ELECTRIC "Honk Machine" (21 août 2015), by Bruno


     Les aigus bavent, les guitares crachotent, le spectre sonore paraît écrasé, limité, comme si le studio d'enregistrement était bas de plafond (du style où Angus ne pourrait pas lever les bras sans buter contre). Les chœurs, à l'étroit, se bousculent, et la basse parfois trop couverte par les grattes, doit alors jouer des épaules pour s'extirper du raffut. Tantôt, l'enregistrement, certainement analogique, semble avoir été fait sur des bandes antiques.
     En bref, c'est à mille lieux des productions léchées, chiadées, où tous les instruments sont traités avec les soins les plus minutieux (et qui peuvent aussi souffrir d'un excès de production). Un comble à notre époque, une honte même suivant l'avis ou le goût de certains. Et pourtant, en dépit de ces défauts (que certains prendront pour un gage de qualité), probablement cultivés ainsi pour accéder à un son "garage", - à moins que, tout simplement, l'on a évité de s'attarder sur la production de crainte de perdre une approche authentique et organique -, ce disque attire la sympathie, le respect même. Car, à l'évidence, c'est du bon. Vintage Sound Guarantee - Pure Low-Fi.

Gibson SG attacks !

     Imperial  States Electric  c'est un rock rêche, cru (mais aucunement primaire), qui s'abreuve à la musique des années 60 et 70, du Rhythm'n'Blues, du Rock  et de la Soul. Le tout expurgé de tout orchestration superflue, d'arrangement pompeux et autres artifices sirupeux. Le quatuor va à l'essentiel, préférant ainsi les formats courts avant de se perdre dans des breaks qui pourrait gréver la cohésion et l'urgence des morceaux. A ce titre, tous les albums d' Imperial States Electric  n'atteignent pas les quarante minutes. Ce combo est un retour aux fondamentaux d'un Rock frais et innocent, coincé entre les prémices du Hard-Rock - juste avant qu'il ne balance les watts à travers des murs de Marshall -  et celui d'un Rock plus guindé, un rien British, celui qui essayait de trouver sa propre personnalité à travers l'influence omniprésente du Rhythmn'n'Blues. Parfois un Glam-rock prolétaire (Slade ? Mott the Hopple ?) s'y révèle prégnant (plus évident sur le premier opus qui semblait vouloir faire revivre les premières années de Kiss - le leader possède d'ailleurs une réplique de l'Iceman Paul Stanley, en modèle gaucher -), ou encore c'est l'essence du Rock de Detroit qui resurgit sans crier gare, telle une explosion volcanique (Grand Funk sans emphase, ou le MC5 de "Back in USA").  Quelquefois, c'est le style d'un Rock volontaire, et intemporel, propre à des combos tels que The Jet, Hoodoo Gurus, Hellacopters, Hanoï Rocks, qui surgit comme un diable-à-ressort hors de sa boîte.

     Et ça part sur les chapeaux de roues, dans l'urgence, avec une introduction toute en pattern "Keith Moonien".  Si l'air est relativement Pop, bien que le chant soit âpre et sans chichi, la batterie, elle, est brutale (traitée sans ménagement - c'est pas du jazz -).
C'est à peine si la frappe est moins nerveuse sur "Anywhere Loud". Ici, le terme Pop-Rock n'est nullement galvaudé. La musique n'est pas avilie par des tonnes d'artifices gluants et nauséeux ; pas de claviers intempestifs et inopportuns, ajoutés pour édulcorer et sucrer le sujet.

     Mais Imperial States Electric c'est aussi du Rock'n'Roll High Energy, comme le confirme "Guard Down" qui retrouve la fougue et la vivacité d'un Hanoï Rock.
Et puis lorsque l'on pond une chanson du calibre de "All Over my Head", on ne peut que s'incliner respectueusement. Une pièce évidente et imparable. De la Pop ? Probablement, mais bien dans une optique propre aux jeunes fougueux des 60's, soit dans une ambiance pure, non souillé par la volonté d'une recherche commerciale . Le Swinging London n'est pas loin.
A côté, la suite immédiate paraît alors bien fade : "Maybe You're Right", qui se cale entre les Kinks et Mano Negra, semble terne en comparaison (c'est donc relatif).

Ce n'est qu'un court intermède avant que ce combo repasse aux choses sérieuse avec "Walk on By". Un joyau Soul des 60's, découvert par miracle dans les archives poussiéreuses des studios du Muscle Shoals, ou celles des studios Stax. Et bien non ! Même pas. (sans lien de parenté avec le magnifique "Walk on By" de Dionne Warwick). C'est signé Andersson. Point. Même si cela sonne "black". Et pourtant, on pourrait l'écouter mille fois et toujours croire à un classique honteusement oublié ; voire une perle  stupidement écartée des sessions de "Eat It" ou de "Street Rats" d'Humble Pie, ou encore une obscure composition écrite pour Joe Cocker, Sam Carr ou Wilson Pickett. On vérifie d'ailleurs à deux fois l'auteur, car le doute persiste. Le problème avec ce genre de morceau de haute teneur, c'est que, bien souvent, les chansons suivantes souffrent de la comparaison.
Comme précédemment, avec "Maybe You're Right", "Another Amageddon" (qui n'est pas trop mal pris à part) donne plus l'envie d'appuyer sur la touche retour que s'y attarder.
Rock'n'Roll

En fait, c'est avec le fringuent "Just Let Me Know", où le retour sur les terres d'une Pop-Rock rugueuse, sans fioritures, entre les Who et Cheap-Trick - voire celles d'un Rock américain proto-Rock-FM - que la corde sensible est titillée.
Et après un "Colder Down Here" qui, bien que gardant ce goût un rien nostalgique de proto-Rock-FM encore vierge d'une production boursouflée, marque un léger coup de fatigue.
Cependant, le final, lui, ne manque guère d'énergie. Au contraire, c'est un défouloir, un ultime sursaut où l'on se jette tête-baissée dans la bataille.
Un finale en droite ligne d'un Rock vif, énergique, droit et direct, made in Detroit Rock City :
"It Ain't What You Think (It's What You Do)" Yeaaahh !!!! Les deux doigts dans la prise ! Riff binaire sur tempo rapide et basse volubile et un solo en dérapage contrôlé qui n'oublie pas de garder une approche mélodique. On pourrait aussi bien dire que ce dernier mouvement est dans la lignée des énervés néo-zélandais de The Datsuns ; d'autant plus, que la comparaison ne serait pas fortuite puisque le bassiste, accessoirement chanteur, de I.S.E. n'est autre que Dolf De Borst : le chanteur et bassiste de The Datsuns.

     C'est du court, presque de l'expéditif, mais assurément rien de bâclé ; c'est juste que le collectif va droit à l'essentiel, évitant de tourner en rond ou de jouer la montre. Et cela permet d'en remettre une couche illico. Incessamment ?
Niklas et sa petite collection de guitares

     Oui, mais c'est quoi ce Imperial  States Electric ?
A l'origine, c'est un nouveau projet de Nicke Andersson, démarré en 2010, et qui a déjà à son actif quatre disques ("Honk Machine" y-compris).
Un Niklas Andersson qui reste relativement méconnu en France (pour changer) alors qu'en authentique passionné (et surtout, en totale opposition avec l'opportuniste guidé par sa cupidité et/ou son égo), il a toujours œuvré pour la musique. Une authentique profession de foi envers la musique qui le fait vibrer. En l’occurrence, le Rock, et plus particulièrement celui démuni de tout polissage et édulcoration ; du Rock Garage au Hard-Rock en passant par le Métal le plus sombre et le plus lourd à la Soul des 60's.

     Niklas Andersson a débuté professionnellement en 1987 en tant que batteur (accessoirement, en studio, bassiste, cet guitariste) du groupe Entombed, pionnier de la scène Death-Metal suédoise. Progressivement, imperceptiblement, le groupe incorpore des éléments plus Rock'n'Roll, dans le style d'un Motörhead, voire d'un Pantera, notamment à partir de l'album "Wolverine Blues" (qui n'a absolument rien de Blues - même après une recherche minutieuse au microscope atomique). Leur musique sera alors qualifiée de Death'n'Roll.
     Parallèlement, en 1994, Andersson, dorénavant adepte de la casquette sempiternellement vissée sur le crâne, monte un projet annexe : The Hellacopters. Désormais, il fait face à la scène, s'emparant du micro. A sa gestuelle, on constate que le MC5 a une influence déterminante sur sa personne. (D'ailleurs c'est lui-même qui a été convié pour remplacer feu-Fred Sonic Smith pour la reformation éphémère du MC5 de 2003. Et, il chante même sur quelques titres). C'est carrément un mix de Fred Sonic Smith et de Wayne Kramer. Référence que l'on retrouve également dans certains de ses chorus, et lors de quelques duos, poussant le bouchon jusqu'à utiliser une guitare Mosrite. Et son chant n'est pas sans évoquer Rob Tyner.
     Parallèlement (bis), en produisant, jouant de la batterie, de la guitare, chantant et composant, il s'investit dans un big-band fort de choristes, de cuivres et d'un orgue, qui revisite de belle manière et avec classe la Soul des 60's (Otis Redding, Wilson Pickett). A ce jour, The Solution a enregistré deux très bons disques.
Si le High Energy Rock'n'Roll de The Hellacopters est bien un fils du MC5, il n'est surtout pas un clone sans âme. En 2008, le groupe est mis en sommeil. L'année suivante, il lance avec Dolf de Borts l'Imperial State Electric.
Infatigable, Andersson revient au Death-Metal en 2005 avec le groupe Death Breath.
Et puis il y a toutes ses collaborations (où Nickle s'investit à différents degrés) : Supershit 666, Alonzo & Fas 3, The Hydromatics, Robert Pehrsson's Humbucker, Stefan Sundström.
A n'en pas douter, Nicke Andersson-Nicke Royale est un phénomène. On s'en souviendra - peut-être - à son décès.
La Scandinavie, terreau en matière de Rock authentique ?

     En aparté, on dit que les gauchers ont plus de capacités que les droitiers (certains disent même qu'ils auraient une intelligence plus aiguisée). Difficile à prouver. Toutefois, en regard d'un bonhomme comme Andersson, lorsque l'on voit son travail, le nombre de compositions de qualité, de surcroît dans différents genres, et ses aptitudes à maîtriser différents instruments et le chant, on pourrait aisément le croire.

de G à D : Tobbias, Nicke, Tomas et Dolf

IMPERIAL STATE ELECTRIC :
Nicke Andersson : Guitars, Vocals
Dolf De Borts : Bass, Vocals, backing vocals
Tobbias Egge: Guitars, backing vocals
Tomas Eriksson : Drums, percussions






  1. Let Me Throw My Life Away  -  3:13
  2. Anywhere Loud  -  2:26
  3. Guard Down  -2:00
  4. All Over My Head  -  2:52
  5. Maybe You're Right  -  2:06
  6. Walk on By  -  3:09
  7. Another Armageddon  -  3:02
  8. Lost in Losing You  -  3:20
  9. Just Let Me Know  -  2:50
  10. Colder Down Here  -  3:18
  11. It Ain't What You Think (It's What You Do)  -  3:54






2 commentaires:

  1. C'est Nicke, Niklas ou Nike comme les pompes ?
    J'aime bien la Prod Garage, c'est plus Bio !

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    1. - Précisément, c'est Anders Niklas Andersson (né le 1er août 1972, à Salem).
      Parfois donc orthographié Nickle Andersson, ou encore utilisant le pseudonyme de Nickle Royal. Pseudonyme utilisé pour les Hellacopters (et de The Hydromatics), plausiblement pour faire la distinction entre ce groupe et Entombed (deux univers totalement différents).
      Mais pas de Nike ; et surtout pas de Nicki...

      - Ouais, bio. C'est une métaphore appropriée.
      Assez paradoxalement, c'est le 1er (et éponyme) album qui bénéficie de la meilleure production. Pourtant, c'est toujours Andersson qui est derrière la console. Cependant, le style est relativement différent (enfin, légèrement).

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