mercredi 24 février 2016

Didier VARELA "Laissez moi faire" (2014)


     Didier Varela est une figure assez connue dans le Sud-Ouest, et en particulier dans les contrées montpelliéraines. Enfant du pays, ce gaillard né en 1967 à Toulouse, entame très tôt une passion pour la musique, souhaitant acquérir rapidement une batterie. Une requête à laquelle n'adhère pas ses parents. Toutefois, sa grand-mère espagnole lui offre sa première guitare (instrument moins encombrant et onéreux) pour ses 10 ans et qui lui fait découvrir le flamenco dont elle chante les mélodies, et qu'il essaye de suivre avec sa guitare.


Mais, le choc décisif, celui qui marque à jamais l'âme d'un artiste, en l'occurrence ici, du musicien, c'est la découverte quelques années plus tard du Heavy-Rock. Ses premières idoles de jeunesses ont pour noms Ritchie Blackmore, Ace Frehley et Angus Young. Ce sont également des références auprès desquelles il apprend en essayant de reproduire leur jeu distinctif.
Passé son bac, il se lance professionnellement dans la musique et débute alors la longue valse des groupes, à l'avenir incertain. Après l'aventure « Interphase », il passe à la basse en rejoignant « Signal Rock ». Groupe qui change d’appellation pour « Les Ratons Laveurs », puis pour « Les Êtres Humains », où l'on retrouve George Nounou, une figure musicale connue du Sud-Ouest. Parallèlement, il rentre au conservatoire régional de Montpellier pour étudier la contrebasse (jusqu'au 3ème cycle) et parfaire son éducation musicale. 

     Avec « Les Êtres Humains », il reprend la guitare et réalise, avec eux, quatre disques en dix ans. Soit le 1er en 1992 (« Jo ») et le dernier, « Asile en mer », en 2002 (distribution Totem Music).
Parallèlement, il rejoint les Venus Lips en qualité de soliste et avec qui il parcoure les salles de l'hexagone et des pays limitrophes. Un disque en 1995, le bien nommé « Rock'n'Roll Fiesta », et l'obtention de premières parties valorisantes pour Joan Jett, Lynyrd Skynyrd, Dr Feelgood, Omar & the Howlers, Wayne Kramer et Calvin Russell. Et une, plus étonnante en raison de la nette différence de registre, avec Metallica.
En dépit d'une certaine longévité et de nombreux concerts, dont certains hors de nos frontières, le groupe « Les Êtres Humains » ne bénéficie pas de l’appui des médias, et finit par se dissoudre.

     A la fin de l'aventure, il garde toujours un pied dans la musique en rejoignant diverses formations musicales et montant sur les planches dès que l'occasion se présente. Il reste en contact avec George Nounou qu'il accompagne sur scène et en studio.
En 2007, il retrouve Frédéric Temstet (des « Êtres Humains ») pour un duo et avec qui il enregistre, dans son propre studio, « Frédéric Temstet & Didier Varela ».
En 2012, c'est la rencontre avec la musique africaine via des musiciens dont il fait la prise de son de leurs démos.
Et puis enfin, en 2013, c'est le plongeon dans la carrière solo avec un premier disque, « Remonté à Bloc », enregistré entièrement seul ; des instruments (batterie comprise) en passant par toutes les étapes de l'enregistrement. Un défi difficile mais réussi et qui reçoit déjà un bon accueil. Second essai l'année suivante, avec, cette fois-ci, le renfort du batteur de Venus Lips, Gil Sanchez, qui désormais reste attaché au trio pour sillonner la France (le trio a décroché la place de première partie pour les fêlés de White Cowbell Oklahoma). Un recrutement de choix car Gil est un bon et solide batteur, qui apporte force et groove.


     Dès les premières mesures de « Le Respect » qui ouvre l'album, on cerne le caractère de la musique de Verala. C'est du brut, du franc du collier, du « fonce-tête baissée ». Du Hard-Rock Rock'n'Roll pêchu et charnu. La batterie ouvre le bal sur un rythme agressif et clopinant, pouvant évoquer feu-Philty Taylor sur lequel se greffe une guitare aux couleurs Gibson évidentes et une basse fluide et groovy (que l'on aurait aimée un chouia plus en avant). Bon, c'est sûr que cela ne devrait pas être le genre de « rock » bon-chic bon-genre propre à plaire à la jeunesse qui souhaite se donner des airs de rebelles le samedi soir, pour faire genre, comme on change de frusques. Le style de « rock » souvent plébiscité dans la capital et qui peut autant faire les émissions de télé que les faveurs des chaînes dîtes musicales. De toutes façons, cela ne s'adresse pas à eux.
Non, il s'agit bien de vrai Hard-rock, ici à tendance Rock'n'Roll graisseux et Heavy-boogie bitumeux, loin des tendances à vouloir séduire les radios ou les faveurs et la complaisance des médias (et de la "Musique Industrielle", titre d'une chanson de Varela) ; du genre que l'on s'attend à attendre en entrant dans une bonne et vraie brasserie, un pub peuplé de cuirs, de jeans, de poilus, de chevelus (ouah, les images d'Epinal ! (1) ). Bref, le genre de lieux où on ne serait guère étonné d'y rencontrer un Lemmy, un Mark Manning, unJustin Hawkins, un Billy Duffy, un Christophe Maé (euh... non, pas lui - un bug -), Tracii Guns, Pete Wells (même si certains ne sont plus de ce monde).
Une entrée en matière qui rue dans les brancards. Et si « Confiance et Espérance » ralenti le tempo, on reste toujours dans cette même ambiance moite, mâte, et un tantinet bourrue. (Ha... ça y est : la basse est plus présente).
L'apport de chœurs (d'Emilie Galibert et de Cathy Lewicki) donne un peu de fraîcheur à ce Rock foncièrement viril ; comme un brise fraîche et salvatrice lors d'une journée caniculaire. Ces choristes de qualité réveillent parfois le fantôme du regretté Speed Queen (avec la chanteuse Stewie). Notamment sur des titres tels que « Laissez moi Faire » et « Confiance et Espérance ».


Avec « Toi ou Moi », le riff nerveux est du pur Ted Nugent, (référence que l'on retrouve aussi sur l'intro de "Remonté à Bloc" du 1er opus) si ce n'est que la tonalité et le grain reste dans une sphère typiquement Hard-blues. Un grain d'ailleurs que l'on pourrait estampillé « label 70's » ; cela bien que l'on subodore l'utilisation d'une généreuse overdrive pour gonfler le son, plutôt qu'une fuzz.
Le son de Didier Varela est ostensiblement du pur humbucker sur Gibson (Toutefois, on le voit aussi, mais rarement, avec une Telecaster), que l'on pourrait situer, approximativement, entre Leslie West, Rickie Medlocke, Jim Barbiani, Toshino Sumitomo et Jonboat Jones (de Hogjaw). Bref, on ne fait pas dans les cocottes funkies, sons policés et/ou travaillé au rack d'effets volumineux comme une armoire normande. C'est du direct, du crémeux, du brown-sound. (Sa Les Paul, qui affiche des heures de vols, a des signes de customisation avec trois switchs supplémentaires et donc une électronique refaite, avec peut-être un Pearly Gates ou un JB SH4). 
Varela maîtrise son instrument, il sait faire sonner sa guitare, trouvant souvent le riff juste, entre swing et impact. Et ses soli sont pertinents, en accord avec le tempo et l'air du morceau ; ça sonne, c'est goûteux !
Avec son chant graveleux qui le ferait passer pour un ours dérangé lors de son hibernation – ou un orque (c'est selon) -, il a tous les attributs pour faire fuir tous amateurs de Star'Ac et autres escroqueries du genre. Mais, par contre, d'attirer, comme un réverbère pour les papillons de nuit, les amateurs de bonnes guitares.

     Avec ses paroles en français, Varela s'inscrit dans une forme de continuité d'un certain Hard-rock à la française. Celui qui criait sa colère, son amertume, son sentiment d'injustice, du rejet des travers de notre société. Une forme (ou une idée ?) de sincérité et d’honnêteté  ? Il écrit des paroles sur des sujets qui le touchent, ou le turlupinent (« Le Respect »).
Assez souvent, on se retrouve donc dans une ambiance d'un Hard-rock hexagonale propre aux Karoline, Speed Queen, Square, Psychose, voire Attentat Rock (sans rapports avec les nombreux apprentis d'un Heavy-Metal des années 80, déjà pénalisés par une déficience au niveau du son) ; tout en ayant une maîtrise accru de la musique et de l'enregistrement. Avec en filigrane, un Hard-Blues/Rock'n'Roll 70's, parfums à peine épicé d'un soupçon Boogie (avec parfois l'apport judicieux d'un saxophone, d'un piano ou d'un orgue), d'obscures combos tels que Incredible Hog, Burning Plague, Stray Dog, Stepson, Orang-Utan.
Rock'n'Roll aussi. En mode burné, comme l'atteste sa très bonne version de « Johnny B. Goode » qui a un petit goût de Billy Thorpe & The Aztecs (en mode "live"). D'autres parts, de temps à autres, au détour d'un riff ou d'un chorus, l'« école Angus Young » remonte à la surface.



     Tandis que les premiers mouvements acoustiques de « L'Île aux Fleurs » (une chanson sur le gaspillage alimentaire et la suralimentation... alors qu'il y a des gens qui meurent de faim - « Là où le Soleil est caché sous une montagne de déchets » -) font résonner un Southern-Rock (du Sud-Ouest). La seconde partie, elle, en 240 volts, reste dans un Southern-rock mais plus moderne. Chanson en hommage au court-métrage brésilien de 1989, du même nom (encore visible sur le net).
Un petit clin d’œil sur "Laissez moi Faire" avec des "Haw-haw*haw" propre au Reverend Willie G. Probablement que pour son goût pour le son épais vienne aussi de cet illustre personnage.
Quelques passages de « Musique Industrielle » pourraient même être une sorte de Stray-Cats en mode Heavy-rock (« Tu chantes pour les thunes pour remplir tes poches... Naïf et sans talent ils t'ont mis en avant, Star pour quelques jours, ton heure de gloire sera courte... Ta musique préfabriquée... toujours la même rengaine... le même thème... aucune rébellion »).
Varela démontre avec « En Silence » (sujet grave traité avec pudeur), un rude Country-blues à la française (avec violon de Johanna Varela), n'est pas dépendant du « tout-électrique » et qu'il est donc aussi à l'aise en acoustique.

     Du Hard-Rock chaleureux,exempt d'agressivité gratuite et stérile, à la française par le chant, à 75 % d'obédience américaine par la musique, aux réminiscences Bluesy (Hard-blues) et Boogie, fait pour donner du bon temps et offrir une soirée (un concert) des plus sympathiques et enthousiastes.

Bruno

(1) Personnellement, j'ai connu des gars tout cuirs (probablement plus maintenant) qui écoutaient ce que l'on leur disait. Alors, que je connais quelques costards-cravates (quoique cravate... ils évitent autant que possible) qui en connaissent un rayon, et depuis des décennies. L'habit ne fait pas l'moine.




"Rock'n'Roll" du 1er opus



2 commentaires:

  1. Bon. Montpellier, ce n'est pas le Sud-Ouest. Ici, dans le vrai Sud-Ouest gascon, on ne connaît pas ce monsieur, sympathique au demeurant et qui fait l'effort de chanter en français. Ce qui n'a pas l'air de lui valoir une presse (aux deux sens du mot) considérable (cf 2e vidéo)

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    1. Et Toulouse ! Heingue ! C'est quoi TooLoose ? Parce que Didier est né à Toulouse (comme Claude).
      Et puis, et puis, l'Hérault ne fait-il pas partie de la région Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées ?
      Dans la vie, y'a pas que le gascon. (vieux proverbe de Saint Marius).
      Après, c'est sûûûr... y'a Sud-Ouest et Sud-Ouest... Le cassoulet n'est plus le même...

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