mercredi 9 décembre 2015

OZONE MAMA "Sonic Glory" (Octobre 2015), by Bruno


   Il est vrai que l'on se plaint souvent, et malheureusement à juste titre, du manque d'appui dont souffre la scène Rock, et affilées, française. Cela depuis sa genèse, à l'exception du printemps 78-84, où, on ne sait pas trop pourquoi, semblait surgir de toutes parts des groupes bien "d'chez nous", avec concerts à l'appui. Bien sûr, on ne compte pas dans le lot ceux qui ont succombé à la tentation de nos « merveilleux » diktats nationaux et qui ont retourné leur veste, et encore moins les produits préfabriqués répondant à des stéréotypes.
     Cependant, en matière de promotion des artistes du pays, il semble y avoir encore pire que l'hexagone  ; surtout s'ils ne correspondent pas aux critères souhaités par l'industrie musicale. Parce que quand je constate qu'un combo du calibre d'Ozone Mama n'est actuellement disponible qu'en téléchargement, alors que l'on nous inonde de daubes de tous styles et gabarits. D'autant plus que ce collectif en est déjà à sa troisième réalisation. 
Màrton Székely (photo J Adàm)
Aaarrgghhh !!!  Je sens les poils, les oreilles et les dents qui poussent... j'arrache mes vêtements ('ais trop chaud) – mais j'garde quand même le futal -, j'file par la fenêtre, et j'pars courir dans les bois, et hurle mon amour à la lune.... euuuhhh, oui, hum... ce n'est rien mais que voulez-vous, ce « Good Time Roll », ça vous transforme un homme.... Aahûûûû !!! (« Aooowwww » in english).

M'enfin, pourtant, cet Ozone Mama sait s'y prendre pour vous secouer... (attends... le solo... trop bon ! Oui, donc, j'disais...)  ... pour vous secouer dans tous les sens, vous saisir sans ménagement les esgourdes à coup de riffs brûlants, de patterns de guerriers Gépides impatients d'en découdre, et de vrombissements de basse ronde et charnue.  
   
Okay, d'accord, mais enfin, c'est quoi Ozone Mama ? Un nouveau cocktail "tord boyaux" de Luc B ? Naaann... Ozone Mama c'est quatre gars amoureux d'authentiques vibrations millésimées 70's, qui ont décidé d'empoigner des instruments pour prêcher la bonne parole (un peu avec la même délicatesse dont avaient fait preuve les Magyars lorsqu'ils ont supplanté les tchèques en Grande Moravie). De produire eux-même la musique qui leur donne le frisson, et de s'en repaître et de la partager avec un public demandeur. Enfin quatre gars ; aux débuts c'était plutôt trois mecs et une nana. Une fille qui bien que d'allure fluette cognait sans coup férir, avec force et aplomb, sur ses peaux. La damoiselle, sans paraître ridicule car son jeu est à la mesure (ou presque) de son idole, s'est fait tatouer, tel un glyphe magique, les trois cercles emmêlés de John Bonham. Quatre jeunes qui ne répondent qu'aux doux sons distordus du Hard-Blues et du Heavy-rock parfumés à de la Soul épileptique et du Blues irradié.

     Pas aisé de ce faire connaître lorsque l'on est un groupe de Heavy-rock en Hongrie, même si l'on est implanté dans la capitale, Budapest.
Le quartet formé en 2005 doit attendre quelques années pour pouvoir enregistrer un premier disque, et ce n'est qu'en 2011 que sort "The Starship has landed". Une attente certes longue mais qui permit probablement au groupe d'affiner son art et de porter sa musique à maturité. Car ce premier jet est une réelle réussite. Il permet non seulement au groupe d'être récompensé, chez eux, en qualité de meilleur groupe Hongrois indépendant, mais aussi d'attirer l'attention de la célèbre revue anglaise Classic-Rock qui braque ses projecteurs sur le titre "I Really Care" (chanson qui bénéficie d'un clip).
Andràs Gàbor

 Rapidement, le public et la presse nationale reconnait la valeur de ce combo, dont la notoriété n'a guère de mal à s'étaler sur les pays limitrophes. 2013 est une année importante avec des titres de leur dernière réalisation (un Ep, "Freedom") qui sont chaleureusement accueillis dans des pays d'habitudes plutôt chauvins. Ainsi, une radio Canadienne (CFRE) passe en boucle "The Juggernaut", tandis qu'une radio du Kentucky (WMMT "Mountain CommunityRadio ") est séduit par le galvanisant "Go".

     Enfin, arrive en 2015, ce nouveau CD, "Sonic Glory". En dépit de la refonte de la section rythmique et donc de la perte de Vivien Tiszian (la nana à la batterie) qui pouvait faire craindre le pire, Ozone Mama apparaît en pleine possession de ses moyens, apparemment décuplé grâce notamment à Gergely Dobos qui s'entend pour faire parler la poudre sans perdre le groove sur sa quatre-cordes.
Comme vétérans, il reste donc un gars au faciès d'espiègle galopin ne prenant rien au sérieux ; un chanteur, avec une bouille évoquant celle de Michaël Youn (avec un brin d'Audley Freed - ça fait de suite plus rock -), qui serait tombé petit dans la marmite pleine d'une potion faite de différentes essences de Hard-Blues de la première moitié des 70's. Et un guitariste au riche vocabulaire, ayant suivit de près les précieux enseignements de Mick Ralphs, Rich Robinson, Jimmy Page, Scott Holidays, Billy Duffy, Fogerty. Un guitar-man affectionnant les sons chauds, hérissés de douces aspérités, riche en médium (très proche d'un micro intermédiaire de Strato vintage, ou de P90, ou encore parfois le cossu single-coil d'une Telecaster - bien qu'il s'affiche généralement avec des Gibson -), nourris de Big Muff, d'Overdrive vintage (ou revival façon la série des Electro-Harmonix), et de phaser, déclamés par des amplis de type Marshall ou Orange (Heavy-rock british Sound).
Le chanteur, lui, est du genre qui s'immerge totalement dans sa musique, se laissant transporter, transformer pour n'en être plus qu'un vecteur dépendant, soumis aux inflexions des ondes de la musique. Pour tenter de cibler le timbre de sa voix - guère ménagée - on pourrait mentionner une mixture d'Eddie Veder, de Zodiac Mindwarp et de Chris Cornell.

Dans un pur enregistrement analogique, Ozone Mama balance des scuds comme s'il en pleuvait avec "Good Times Roll" et "Backdoor Man" (overdrive pour le premier, et fuzz pour le second qui hésite entre The Cult et Rival Sons), "Hard Times" qui est pratiquement un trip proto-Heavy-Metal à la Dust, tout comme "Kings and Rulers" qui passe la sixième (avec feedback lorsque la guitare s'arrête et d'interventions de wah-wah incendiaires), et du gros Heavy-funk pour "Man on the Run".


Gergely Dobos
     Afin d'éviter les étourdissements, ou les crises de folies, quelques moments d'accalmie viennent ponctuer cette fournaise.
D'abord avec "Lovelight" qui débute comme une ballade typique - mais des meilleures - des groupes de Hair-Metal et de Glam-US de la fin des années 80, cependant avec bien moins de maniérisme calculé que de sincères montées viscérales ; ça flirte un peu avec le Guns'n'Roses  de "Use Your Illusion", enrichi de chœurs féminins et de quelques petites gouttes de Led Zep. Un titre qui respire les USA.
Puis avec avec "Siren's Call", où, étonnement, on retrouve une saveur propre à Noir Désir dans ses moments solennels et une batterie calquée sur un tempo celtique. La guitare en mode tremolo, avec en sus le farfisa en toile de fonds procure un air vaguement 60's, tandis que les brèves envolées épiques, dans un souffle gothique, nous propulsent dans une atmosphère entre Pearl Jam, John Mellecamp et ... Del Lords ? La classe.  ["I never Thought I'd hear the siren's call. Now she's calling me in a way I can't ignore; Is it real or is it just inside my head ? Tie me to the mast or we all will be dead ! The rein keeps hammering down from over head ; if nightmare never ends we'll be damned..."]

- Et les ballades ? Heingue, le ballades ?
- Oui, Sonia ? Quoi les ballades ? 
- Ben, y savent y faire en ballades ?  (pôôô, le français)
- Mais évidemment. Certes, elles ne se bousculent pas au portillon. Il y en a qu'une : "Hope". Mais alors quelle ballade. C'est du gros calibre, ma chère. Totalement dans l'ambiance que suggère le titre (et sa prononciation : hhoo-pe). Il y a quelque chose de glacé et de figé, une ambiance bleue délavée, comme si l'on déambulait au bord du Danube gelé, transi par le froid, et perdu dans nos pensées tout en admirant le riche patrimoine historique de Buda-Pest. Bien qu’approximativement acoustique, c'est fort et prenant. Quelque part entre les Floyd, Gerry Rafferty et de Howlin' Rain. Voilà ! Rien que ça. Cela devrait s'incruster sur les ondes. Un chant mélancolique et... plein d'espoir.
"Hope" (à l'écoute)

Sinon il y a aussi le saisissant "Gypsy Girl", mais là, c'est nettement plus appuyé (ouuaiis). Mouvements récurrents calmes avec arpèges et accords plaqués parfumés au Southern-Rock et wah-wah passée dans un delay, bousculé, après un pont Zeppelinien, par un riff lourd, débordant de gain ; le break, prétexte à un solo, baigne dans un heavy-psychédélisme sidéral. Parallèlement, la basse est énorme et élastique, surplombant le tempo sans le déstabiliser. On sent que le gars a les capacités pour improviser et partir en lead (on pourrait croire qu'il emploie même une wah-wah sur quelques notes de "Hard Times").

Après une dernière séance de "recueillement" ("Hope"), Ozone Mama balance à nouveau la sauce, comme une dernière salve pour achever les derniers survivants (ou récalcitrant). Histoire de finir en beauté, tel que l'aurait fait le prince Arpàd lors d'un raid sanglant. "Ain't No Place of Mine"serait presque un création hybride, ou mutante, constituée de cellules prélevées sur Rose Tattoo (dernière génération) et S.U.N. (le fruit de Sass Jordan et Brian Tichy).

La gouaille de Székely insuffle un optimiste et une énergie communicatifs ; l'apanage des grands chanteurs.

     Pour faire simple, tu prends un peu de Rival Sons, de Zodiac Mindwarp, de Bad Company, de Blues Pills, de Led Zeppelin, de Dirty Streets, de Black Crowes, d'Humble Pie, de Samsara Blues Experiment, de Cry of Love, de Black Moutain Prophet, de Back Roads, de Zodiac, de 68-75, d'Incredible Hog, d'Audioslave, de The Cult, de Dead Daisies, de S.U.N., d'Eldorado, de Monster Magnet (1). Tu fourgues le tout dans un tonneau en vieux chêne, puis tu aromatises de Jack,  ou de Jim Beam, tu secoues énergiquement. Après avoir bien laissé mariner un mois, tu sers le précieux breuvage glacé. Cul-sec ! Sköll ! Yec'hed mat ! Salute ! Rock'n'Rooooll ! Pas d'la pisse d'âne, ça !
A savoir que le quartet aime reprendre du Creedence Clerawater Revival, dont "Fortunate Son", "Keep on Chooglin'" et "Born on the Bayou". Ils ont carrément réalisé cette année un concert entier où tous les grands classiques de ce groupe mythique y passent. Comme si, visiblement, ils connaissaient ce répertoire sur le bouts des doigts.
La claque du mois.

Lineup:
  • Màrton Székely : vocals 
  • Andràs Gàbor : guitars, combo organ, background vocals, percussion, ring modulators
  • Gergely Dobos : bass, ring modulators
  • Màté Gulyàs : drums, percussion
Track-list: All songs composed and produced by Ozone Mama
  1. Good Times Roll   -   4:01
  2. Backdoor Man   -   4:18
  3. Gypsy Girl   -   5:23
  4. Hard Times   -   3:42
  5. Kings And Rulers   -   3:40
  6. Lovelight   -   4:49
  7. Siren’s Call    -   4:45
  8. Man On The Run   -   4:11
  9. Hope   -   5:28
  10. Ain’t No Place Of Mine   -   2:52




(1) Si caractères gras, alors lien. Tu clic dessus et tu voyages (c'est beau)



Tiré du 1er opus, déjà de haute teneur. Glam nostalgie ?

Pas mon préféré, carrément le moins bon même - à mon sens -, mais, bon, c'est le dernier clip.


Un autre, tout neuf, plus mieux ...

5 commentaires:

  1. Lez 1er est excellent. On ne peut pas en dire autant des deux autres; a peine à croire qu'il s'agisse du même groupe. La Hongrie produirait donc autre chose que la famille Sarkozy? Hongrois rêver.

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  2. L'est pas plutôt d'origine polonaise ?
    Attention, comme spécifié, "Red Hot Lovin'", le deuxième clip, est tiré du premier opus (moi, j'aime bien - ben ouais, sinon j'l'aurais pas présenté -). Tandis que le dernier clip, "Hard Times", c'est, en comparaison, le maillon faible de "Sonic Pride". Enfin c'est du bon mais c'est plus conventionnel. Même pour "Man on the Run" (1er clip) : si la guitare se distingue particulièrement, les refrains et ponts me paraissent un peu à côté de la plaque. Personnellement, ce ne sont pas ces titres que j'aurais choisis.

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  3. je viens de voir qu'ils reprenaient aussi les Sheepdogs dont tu parlais récemment, c'est le même genre effectivement

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    1. Ha ? J'ai pas trouvé ça (pourtant j'avais farfouillé sur l'net), mais je ne suis pas (très) étonné. Il y a effectivement quelques similitudes avec eux (surtout avec l'album "Learn and Burn" et le dernier), sachant qu'Ozone Mama est nettement plus Heavy-Rock.

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