- Mais
M'sieur Claude, il me paraît bien court cet article cette semaine…
- Oui Sonia,
je ne veux saouler aucun lecteur en ces jours festifs avec mon babille musicologique,
ils y arriveront bien tout seul avec le Champagne Ah Ah Ah !!
- C'est la
trêve classique comme il y a la trêve des confiseurs, hi hi… Et c'est quoi ce
petit délice musical que vous nous proposez ?
- Un concerto
"pour la fête de Noël" de Corelli, un compositeur italien quasi contemporain
de Vivaldi dont je n'ai jamais parlé.
- Ah je vois,
une vidéo du chef baroqueux Ton Koopman, interprète d'une symphonie de Haydn
dans une chronique estivale, si ma mémoire est bonne…
- Tout à fait
mon petit chat… VVVBBBBouuuuuiiiiiinnnnnnnn…
- Déjà un
mirliton pour la Saint Sylvestre, ça ne fait pas très sérieux M'sieur Claude…
Ton Koopman |
J'essaye chaque année de dénicher une œuvre classique
qui évoque Noël, la naissance du petit Jésus, la Vierge, les santons de
Provence sans oublier le bœuf et l'âne. C'est ainsi que dans ces cinq années
passées (oui déjà), nous avons entendu : du grandiose, l'Oratorio
de Noël de Bach,
l'intimiste histoire de la Nativité de Schütz, compositeur allemand contemporain
de Corelli ou, plus métaphysique l'an passé, La Nativité
pour orgue de Olivier Messiaen.
Retour à la légèreté baroque cette année avec un
ouvrage tendre et festif extrait d'un groupe de 12 concertos grosso du musicien
italien Arcangelo
Corelli. Le n°8 pour être précis dans la suite de cette
Opus 6. Ce concerto porte le sous-titre suggestif de "Fête
de la nuit de Noël ".
Né en 1653
près de Ravenne, Arcangelo
Corelli reste avant tout un violoniste de génie, un chef
d'orchestre réputé et le compositeur de pièces diverses pour les cordes. Sa
production est nettement moindre que celle de Vivaldi,
mais elle est de qualité. Les connaissances sur la vie du personnage ne sont
que fragmentaires. Par contre, son influence sur la génération du baroque
tardif représenté par Bach
et Couperin par exemple est indéniable, notamment
en ce qui concerne la technique du violon. A-t-il parcouru l'Europe comme Haendel ou Scarlatti
pour faire école ? Mystère. Par contre Corelli
roulait sur l'or ayant su trouver des protecteurs auprès de membres influents
proche du Saint-Siège et de quelques princes de son temps. Corelli
a produit essentiellement des sonates, concertos et symphonies instrumentales
dans lesquelles le violon est omniprésent. On ne connaît aucune œuvre religieuse
ou chorale de sa plume. Corelli
est mort en 1723 soit deux avant
Louis XIV. Sa vie coïncide donc de très près avec le règne du Roi Soleil.
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Ce concerto aurait été composé à peu près vers 1690, sans doute commandé
par le Cardinal Pietro Ottoboni, et publié a priori en 1714… Pas très précis.
- Cette
chronique fait vraiment "dans l'à peu près" Msieur Claude…
- Soyez sympa
Sonia, c'est Noël, cool… J'utilise les infos que je peux glaner… une certitude
: Cette musique est passée à la postérité, na !
Le solfège des partitions reste très succinct à
l'époque baroque avant l'arrivée de Bach,
et encore. (Pas d'indication de tempo chez le cantor.) La partition du concerto
de Corelli ne comporte que 15 pages pour 52
groupes de 4 portées (Clic). Elle offre simplement les lignes
mélodiques pour les cordes (violons 1 et 2, alto, basse). Les interprètes ont
toute liberté pour agrémenter l'orchestre si nécessaire d'une partie de vents
plus ou moins improvisée, ou encore ajouter un clavecin et/ou un théorbe, grand
luth à double cordage très prisé à l'époque baroque. Il faudra attendre Mozart, donc l'âge classique, puis
l'époque romantique et moderne pour que les partitions comportent absolument
toutes les indications incontournables en termes d'instrumentations, de nombre
de temps de la mesure, de tempo métronomique précis (♩ = 45), de
dynamique : de pp à fff… etc.
Si dans le splendide enregistrement de l'intégrale en
deux CD de Trevor Pinnock (que je
conseille aux amateurs), seuls le clavecin et le théorbe se manifestent, Ton Koopman, lors du concert que nous
allons écouter, a complété son effectif de cordes déjà étoffé par : 2 flûtes, 2
hautbois, 1 basson et un orgue positif. Cette adaptabilité des effectifs et
instrumentation est typique du baroque. Rappelons-nous ma première chronique présentant l'art de la
fugue de Bach : 18 fugues de musique
pure sans aucune indication concernant sa destination instrumentale, même si l'interprétation au
clavecin semble privilégiée…
Petit intermède pour vous rappeler que Ton Koopman a déjà fait la une du blog
dans une petite chronique estivale consacré à la symphonie n° 44 de Haydn (Clic). Le sémillant baroqueux, organiste,
claveciniste et chef d'orchestre illumine ce joli concerto. Le discours est
articulé et animé, la présence de l'harmonie donne des couleurs scintillantes qui siéent parfaitement au climat recueilli et
nocturne du sujet. L'enregistrement est aéré, même les arpèges du positif son
audibles lors de l'introduction sereine de l'allegro initial. Même chose pour le
duo de flûtes. Koopman : la joie de Noël
revenue à sa quintessence.
Le concerto d'une durée d'une quinzaine de minutes
comporte 6 mouvements : 1-Vivace ; 2-Allegro ; 3-Adagio ; 4-Vivace; 5-Allegro ;
6-Largo. Pastorale ad libitum.
Pas d'analyse inutile pour ce charmant concerto à l'écriture simple,
sans fioriture et spontanée. À écouter en déballant vos cadeaux ou pour vous reposer l'esprit après les agapes…
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L'extrait du concert avec l'orchestre de Galice en 2012 puis, plus surprenant, Herbert von Karajan himself et SON grand orchestre Philharmonique de Berlin dans une version très XXème siècle : immense, quasi romantique, les plus belles cordes qui soient. Corelli s'adapte à tous les styles. Vous avez ainsi la thèse et l'antithèse… Anachronique le maestro autrichien ? Possible, mais quelle beauté du son !
A la fin de sa vie, Karajan s'était un peu adouci dans ses propos quant au mouvement des "Baroqueux", dont il avait bien connu l'émergence à partir du milieu des années 60, et qu'il considérait au départ comme des musiciens heureux de jouer faux sur des instruments dépassés...
RépondreSupprimerDans le baroque italien, ces disques restent encore assez écoutables, même si "old fashioned" et complètement hors-style : la musique le supporte assez bien. Dans Bach, c'est déjà plus difficile... Et les Anglais, étonnamment, furent très friands de ses concerti grossi op.6 de Handel à leur parution, au milieu des années 60. Il faut souligner que l'intro du cinquième est vraiment très bien dans cette optique :-) !
J'en parle un peu ici, d'ailleurs, si cela t'intéresse : http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2014/12/les-versions-hip-la-suite/
Il va sans dire que la version de Koopmann est vraiment excellente, de même que celle de Pinnock, qui a beaucoup fait pour Corelli au début des années 80 !