samedi 26 décembre 2015

CORELLI – Concerto grosso n°6-8 "Fête de la nuit de Noël" – Ton KOOPMAN – Par Claude Toon



- Mais M'sieur Claude, il me paraît bien court cet article cette semaine…
- Oui Sonia, je ne veux saouler aucun lecteur en ces jours festifs avec mon babille musicologique, ils y arriveront bien tout seul avec le Champagne Ah Ah Ah !!
- C'est la trêve classique comme il y a la trêve des confiseurs, hi hi… Et c'est quoi ce petit délice musical que vous nous proposez ?
- Un concerto "pour la fête de Noël" de Corelli, un compositeur italien quasi contemporain de Vivaldi dont je n'ai jamais parlé.
- Ah je vois, une vidéo du chef baroqueux Ton Koopman, interprète d'une symphonie de Haydn dans une chronique estivale, si ma mémoire est bonne…
- Tout à fait mon petit chat… VVVBBBBouuuuuiiiiiinnnnnnnn…
- Déjà un mirliton pour la Saint Sylvestre, ça ne fait pas très sérieux M'sieur Claude…

Ton Koopman
J'essaye chaque année de dénicher une œuvre classique qui évoque Noël, la naissance du petit Jésus, la Vierge, les santons de Provence sans oublier le bœuf et l'âne. C'est ainsi que dans ces cinq années passées (oui déjà), nous avons entendu : du grandiose, l'Oratorio de Noël de Bach, l'intimiste histoire de la Nativité de Schütz, compositeur allemand contemporain de Corelli ou, plus métaphysique l'an passé, La Nativité pour orgue de Olivier Messiaen.
Retour à la légèreté baroque cette année avec un ouvrage tendre et festif extrait d'un groupe de 12 concertos grosso du musicien italien Arcangelo  Corelli. Le n°8 pour être précis dans la suite de cette Opus 6. Ce concerto porte le sous-titre suggestif de "Fête de la nuit de Noël ".
Né en 1653 près de Ravenne, Arcangelo  Corelli reste avant tout un violoniste de génie, un chef d'orchestre réputé et le compositeur de pièces diverses pour les cordes. Sa production est nettement moindre que celle de Vivaldi, mais elle est de qualité. Les connaissances sur la vie du personnage ne sont que fragmentaires. Par contre, son influence sur la génération du baroque tardif représenté par Bach et Couperin par exemple est indéniable, notamment en ce qui concerne la technique du violon. A-t-il parcouru l'Europe comme Haendel ou Scarlatti pour faire école ? Mystère. Par contre Corelli roulait sur l'or ayant su trouver des protecteurs auprès de membres influents proche du Saint-Siège et de quelques princes de son temps. Corelli a produit essentiellement des sonates, concertos et symphonies instrumentales dans lesquelles le violon est omniprésent. On ne connaît aucune œuvre religieuse ou chorale de sa plume. Corelli est mort en 1723 soit deux avant Louis XIV. Sa vie coïncide donc de très près avec le règne  du Roi Soleil.
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Ce concerto aurait été composé à peu près vers 1690, sans doute commandé par le Cardinal Pietro Ottoboni, et publié a priori en 1714 Pas très précis.
- Cette chronique fait vraiment "dans l'à peu près" Msieur Claude…
- Soyez sympa Sonia, c'est Noël, cool… J'utilise les infos que je peux glaner… une certitude : Cette musique est passée à la postérité, na !
Le solfège des partitions reste très succinct à l'époque baroque avant l'arrivée de Bach, et encore. (Pas d'indication de tempo chez le cantor.) La partition du concerto de Corelli ne comporte que 15 pages pour 52 groupes de 4 portées (Clic). Elle offre simplement les lignes mélodiques pour les cordes (violons 1 et 2, alto, basse). Les interprètes ont toute liberté pour agrémenter l'orchestre si nécessaire d'une partie de vents plus ou moins improvisée, ou encore ajouter un clavecin et/ou un théorbe, grand luth à double cordage très prisé à l'époque baroque. Il faudra attendre Mozart, donc l'âge classique, puis l'époque romantique et moderne pour que les partitions comportent absolument toutes les indications incontournables en termes d'instrumentations, de nombre de temps de la mesure, de tempo métronomique précis (♩ = 45), de dynamique : de pp à fff… etc.
Si dans le splendide enregistrement de l'intégrale en deux CD de Trevor Pinnock (que je conseille aux amateurs), seuls le clavecin et le théorbe se manifestent, Ton Koopman, lors du concert que nous allons écouter, a complété son effectif de cordes déjà étoffé par : 2 flûtes, 2 hautbois, 1 basson et un orgue positif. Cette adaptabilité des effectifs et instrumentation est typique du baroque. Rappelons-nous  ma première chronique présentant l'art de la fugue de Bach : 18 fugues de musique pure sans aucune indication concernant sa destination instrumentale, même si l'interprétation au clavecin semble privilégiée
Petit intermède pour vous rappeler que Ton Koopman a déjà fait la une du blog dans une petite chronique estivale consacré à la symphonie n° 44 de Haydn (Clic). Le sémillant baroqueux, organiste, claveciniste et chef d'orchestre illumine ce joli concerto. Le discours est articulé et animé, la présence de l'harmonie donne des couleurs scintillantes qui  siéent parfaitement au climat recueilli et nocturne du sujet. L'enregistrement est aéré, même les arpèges du positif son audibles lors de l'introduction sereine de l'allegro initial. Même chose pour le duo de flûtes. Koopman : la joie de Noël revenue à sa quintessence.
Le concerto d'une durée d'une quinzaine de minutes comporte 6 mouvements : 1-Vivace ; 2-Allegro ; 3-Adagio ; 4-Vivace; 5-Allegro ; 6-Largo. Pastorale ad libitum.
Pas d'analyse inutile pour ce charmant concerto à l'écriture simple, sans fioriture et spontanée. À écouter en déballant vos cadeaux ou pour vous reposer l'esprit après les agapes…
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L'extrait du concert avec l'orchestre de Galice en 2012 puis, plus surprenant, Herbert von Karajan himself et SON grand orchestre Philharmonique de Berlin dans une version très XXème siècle : immense, quasi romantique, les plus belles cordes qui soient. Corelli s'adapte à tous les styles. Vous avez ainsi la thèse et l'antithèse… Anachronique le maestro autrichien ? Possible, mais quelle beauté du son !

1 commentaire:

  1. A la fin de sa vie, Karajan s'était un peu adouci dans ses propos quant au mouvement des "Baroqueux", dont il avait bien connu l'émergence à partir du milieu des années 60, et qu'il considérait au départ comme des musiciens heureux de jouer faux sur des instruments dépassés...
    Dans le baroque italien, ces disques restent encore assez écoutables, même si "old fashioned" et complètement hors-style : la musique le supporte assez bien. Dans Bach, c'est déjà plus difficile... Et les Anglais, étonnamment, furent très friands de ses concerti grossi op.6 de Handel à leur parution, au milieu des années 60. Il faut souligner que l'intro du cinquième est vraiment très bien dans cette optique :-) !
    J'en parle un peu ici, d'ailleurs, si cela t'intéresse : http://latelierdediablotin.fr/WordPress3/2014/12/les-versions-hip-la-suite/
    Il va sans dire que la version de Koopmann est vraiment excellente, de même que celle de Pinnock, qui a beaucoup fait pour Corelli au début des années 80 !

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