C’est
un Woody Allen dans la lignée de MATCH POINT, LE REVE DE CASSANDRE, ou le plus
ancien CRIME ET DELITS. Parce qu’on y parle de meurtre. Ce n’est pas un polar
pour autant, disons un Film Noir philosophique !
Parce
qu’il met en scène Abe Lucas, prof de philo, attendu avec impatience dans son
nouveau poste. Il a une belle réputation, Abe, un érudit, une belle plume, et accessoirement
un bon coup de rein, peu d’étudiantes ne résistent à son charme. C’est ce
qui se dit sur le campus... En parrallèle, Woody Allen nous montre un quadra bedonnant,
alcoolique, au volant d’une vieille Volvo. Qui s’avère bander mou… et être
totalement dépressif !
Abe Lucas commence à donner ses cours. On parle donc de philo, de Kant, de Kierkegaard, mais ce n'est pas du verbiage intello pour montrer que l'auteur est cultivé. Parce qu'Abe Lucas qualifie lui-même la philosophie de masturbation
intellectuelle, dont les théories fumeuses ne se transposent pas dans la vraie vie. Ce qu’il
dit à ses élèves, c’est : oublier ces penseurs, et faites vous votre
propre opinion, vous êtes seuls responsables de vos choix. C’est le grand thème
qui traverse tous les films d’Allen. Et c'est sur ce modèle que le film est construit. La théorie d'abord, les belles phrases, les pensées, et ensuite, le réel, l'action
Abe
Lucas devient l’amant de Rita Richards, une autre prof. Et il sera courtisé par Jill, une étudiante charmée par son côté désespéré
et auto-destructeur, qui correspond aux Romantiques de la littérature. D’ailleurs,
Woody Allen, filme plusieurs scènes devant un océan remué par les vents, figure romantique par excellence. Et puis,
comme dans tous les films de Woody Allen, le hasard déboule. Abe et Jill
surprennent une conversation dans un restau. Une femme pleure sur son sort. Le
tribunal va donner le droit de garde à son ex-mari. Elle est dégoûtée, et lance :
« j’espère que ce salaud de juge développera un cancer… ».
Dans ses réflexions, avec Jill, Abe
est plus direct. Les soucis de cette femme disparaitront, si le juge meurt. D'un postulat théorique, Abe Lucas est bien décidé de passer à la pratique...
J'ai entendu ici ou là que ce film raconte l’histoire
d’un prof dépressif qui retrouve goût à la vie en tombant amoureux d’une jolie
étudiante… Eh les gars, vous avez-vu le même film que moi ? Vous vous êtes contentés de la bande annonce, qui effectivement induit le spectateur en erreur. Parce que Abe Lucas - et il le dit dans le film - retrouve
goût à la vie (et au sexe) en planifiant et exécutant le meurtre d'un juge...
L'HOMME IRRATIONNEL n’est pas une comédie, mais un film sombre, qui pose des
questions simples et morales. Comme celle-ci : qui est-on pour décider de
la mort de quelqu’un, serait-ce un infâme salaud ? Abe Lucas commet des petites erreurs, et certains le soupçonneront. Et donc, autre questionnement moral : que faire ?
Le dénoncer à la police ? Et quand cette police trouve ce qu’elle
croit être le coupable, que doit faire Abe ? Laisser un innocent condamné
à sa place ?
Voilà
autour de quoi tourne ce nouveau film de Woody Allen, dont on admire encore la
précision du scénario. Rien n’est laissé au hasard, tout se tient, l’intrigue
et les postulats sont posés, étudiés, tout est verrouillé. On remarquera des passerelles entre ce film et certains
Hitchcock comme LA CORDE (1948) et L’INCONNU DU NORD EXPRESS (1951) où il était
question déjà de crime parfait puisque sans mobile apparent.
Woody
Allen, depuis BLUE JASMINE, est revenu à une mise en scène plus classique, en
format scope, et le directeur photo Darius Khondji fait encore des merveilles. Évidemment, ce n’est pas un thriller survolté, avec bande son tonitruante. La musique est presque exclusivement celle du Ramsay Lewis Trio, notamment l'album live "The in crowd", de la fin 60's. Un jazz bluezy déjà utilisé par Martin Scorsese dans CASINO. Le film est bien rythmé, ménage le suspens. Même s'il distille des idées noires, Woody Allen peint ses personnages (et situations) avec cette pointe de
légèreté caractéristique, ironique, pour ce marivaudage macabre.
C’est
Joaquin Phoenix qui joue Abe Lucas. Et pour fois, un acteur dans un Woody Allen
n’essaie pas de faire du Woody Allen (comme c’est trop souvent le cas). Phoenix
est sombre, massif, joue à l’économie. Face à lui la délicieuse Emma Stone
(déjà dans MAGIC IN MOONLIGHT) qui est vraiment épatante.
J’ai
vraiment beaucoup aimé cet opus, qui n’atteint pas les sommets dramatiques de
MATCH POINT, mais dont on peine à trouver un p’tit défaut…(je ne peux même pas dire que c'est trop long !)
IRRATIONAL
MAN
ooo
"qui est-on pour décider de la mort de quelqu’un, serait-ce un infâme salaud ". Tu parles de qui là? De Abe Lucas ou du juge? Gare au gorille...
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé ce film, l'histoire d'un psychopathe philosophe qui est convaincu de sa "bonne action". Woody Allen a su captiver le spectateur par une intrigue surprenante !
RépondreSupprimerJuan, je parlais de... c'est vrai çà ??? Lequel des deux est l'infâme salaud ?!! Pour Abe Lucas, c'est le juge...
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