Ce film de l’anglais Stephen
Frears (THE HIT, MY BEAUTIFUL LAUNDRETTE, LES ARNAQUEURS, LES LIAISONS
DANGEREUSES, THE VAN, HIGH FIDELITY…) raconte l’enquête du
journaliste David Walsh qui a mis à jour le système généralisé de dopage dans l’équipe
de Lance Armstrong, sept fois victorieux du Tour de France.
Un sujet en or, autant que
cinématographique (pour les reconstitutions de courses). Mais hélas, pas tout à
fait abouti. Le côté positif, c’est que le film se suit avec plaisir, rythmé, et
évite le biopic à grand spectacle. C’est un film anglais, pas américain… nuance !
C’est très bien joué, Ben Foster est assez saisissant en Lance
Armstrong, tantôt charismatique, tantôt veule, Guillaume Canet s’amuse comme un fou à (sur)jouer le docteur Ferrrari,
parlant anglais avec un accent de mafieux italien. Et puis on est toujours
content de retrouver Dustin Hoffman, même dans un petit rôle.
Les scènes de courses sont pas
mal faites, ras le bitume mais réaliste (on n'est pas chez James Bond), Stephen Frears mélange habilement images d’archives et de cinéma,
qui éclairent sur ce que la télé ne peut pas montrer. Notamment ces fameuses
images d’Armstrong pédalant au côté d’autres cyclistes, une main
amicale sur leur épaule, alors qu'il les menaçait de
représailles s'ils ne fermaient pas leurs gueules devant les journalistes.
Le film suit la chronologie des
faits. Un Lance Armstrong plein d’espoir qui s’engage dans le cyclisme, mais à
qui on fait comprendre que sans aide chimique, il n’ira pas bien loin. Il commence à
prendre de l’EPO et autres corticoïdes. Une scène montre trois coureurs baragouinant
le français dans une pharmacie suisse, essayant de repartir avec les précieuses
pilules. En 1996, Armstrong est atteint d’un cancer. Les analyses montrent qu’il a dans le sang un certain
nombre de produits qui n’ont rien à y faire, et pouvant expliquer sa maladie. Guéri,
trois ans plus tard, il s’inscrit sur le Tour, qu’il gagne, faisant l’admiration
de tous.
C’est le volet intéressant du
film, comment Armstrong a réuni autour de sa personne, entraineur, co-équipiers,
sponsors, avocats, travaillant à faire du texan le plus grand champion qui soit. Armstrong
règne sur ses troupes comme un roi, ayant droit de vie ou de
mort. Lorsqu’il recrute Flyod Landis, il lui dit clairement que pour faire
partie de l’équipe US Postal, il faut s’inscrire au programme… C’est ça ou
rien. Ce qui va perturber le jeune coureur, très croyant, dont la conscience
sera malmenée, et qui craquera quelques années plus tard, en déballant le linge
sale.
Il se dessine un personnage
ambigu. Un type revenu des morts, qui a collecté et versé des millions à la
recherche contre le cancer, a soulagé des malades en les visitant, qui par
sa détermination a permis à beaucoup de trouver le courage de se battre contre
la maladie.
Mais avec aussi beaucoup de
cynisme, qui s’est servi de cette maladie, de sa fondation pour attirer l’argent,
la gloire, et se forger un bouclier de respectabilité. Comme le dit son homme d’affaire,
le coup de je veux aider les p'tits gamins malades est une idée de génie, un marché juteux. Sauf que derrière
cette belle aventure humaine, se cache un système de dopage hallucinant,
orchestré par le docteur Michele Ferrari, apprenti sorcier armé de ses tubes, seringues,
et poches de sang vierge, qui va bâtir une
équipe de surhommes. Scènes incroyables, de tous ces mecs dans leur bus,
allongés, les bras transpercés d’intraveineuses, ou retenant un type du contrôle
anti-dopage le temps de se passer dans le sang des litres de trucs devant
masquer la présence d’EPO.
Ce sont les résultats sportifs
"surnaturels" d’Armstrong qui vont mettre la puce à l’oreille de David Walsh, journaliste
irlandais, qui n’aura de cesse de prouver la corruption qui règne dans le
peloton. On le voit dans la salle de presse, le seul à douter au milieu des acclamations. Le film met aussi en évidence les affaires de gros sous. Derrière chaque
victoire, se cachent des tractations financières. Révéler la tricherie, signifiait
que les accords n’étaient plus valables. La ligne de défense d’Armstrong est
simple : "je n’ai jamais été contrôlé positif". Ce point du scénario n'est pas la réalité, comme on le verra après…
Et puis les premiers
témoignages tombent, David Walsh reçoit des coups de fil anonymes, l'entourage a mauvaise conscience, les indices s’accumulent,
la pression augmente, et Armstrong tombera finalement de sa selle, en 2012, lors d'une confession télévisée comme seuls les ricains aiment s'y produire.
Tel qu’il est, le film est
intéressant, bien fait, mais biaisé. Quand on fait un film sur la
tricherie, ça la fout mal. Le générique site le livre du seul David Walsh comme principale
source. Sauf que Walsh n’est que le co-auteur. Il a travaillé et
enquêté pendant 10 ans avec le français Pierre Ballester. Tout le pan français
des enquêtes a disparu du film. Tout le travail fait par le journal L’Équipe
aussi, qui avait plus d’une fois titré sur le dopage, et les tests positifs d’Armstrong,
contrairement à ce qu’avance le film, qui se réduit
à un duel entre Walsh le vertueux, et Armstrong le cynique.
Le film ne site jamais les
autres grands coureurs de l’époque, largement autant imbibés. Une allusion à l'affaire Festina, mais c'était avant l'ère Armstrong. On voit juste
Alberto Contador, vers la fin. En fait, la production avait approché un certain
nombre de coureurs liés à l’affaire, leur demandant de céder leur histoire pour
1 euro symbolique. Manière, pour les scénaristes, de leur faire dire ce
qu’ils veulent. Ces personnes ont refusé. Craignant sans doute les procès, ils n’apparaissent pas dans l'histoire. Mais il est plus étrange qu’il n’y ait pas un mot sur l’Union Cycliste
International, ou si peu, et sur l’ensemble des fédérations.
Axer le film sur la seule personnalité de Lance Armstrong n’est sans doute pas une démarche honnête, comme s’il était plus facile de s’acharner sur lui seul, une fois descendu de son trône. On aurait pu rêver d’un grand film-dossier comme Sydney Lumet en réalisait, mettant en charpie la bonne conscience de ces messieurs, les transferts de fric vertigineux, la corruption au plus haut niveau, dans le cyclisme et le sport en général. Visiblement, le sujet est encore sensible…
Axer le film sur la seule personnalité de Lance Armstrong n’est sans doute pas une démarche honnête, comme s’il était plus facile de s’acharner sur lui seul, une fois descendu de son trône. On aurait pu rêver d’un grand film-dossier comme Sydney Lumet en réalisait, mettant en charpie la bonne conscience de ces messieurs, les transferts de fric vertigineux, la corruption au plus haut niveau, dans le cyclisme et le sport en général. Visiblement, le sujet est encore sensible…
THE PROGRAM de Stephen Frears
couleur - 1h40 - format scope
ooo
Pas vu, et pas trop envie de le voir. Le cas typique où la réalité dépasse la fiction ... Armstrong n'est que la partie émergée d'un gigantesque iceberg où se mêlent sportifs (même s'ils deviennent très riches, ils sont tout en bas de l'échelle), équipementiers et sponsors qui ne peuvent pas ne pas savoir et qui demandent du "résultat", de la plus-value en terme d'image, du retour sur investissement, des instances sportives internationales au minimum complices et farcies d'hommes d'affaires véreux (qui payerait une fortune des droits télé pour voir des types monter un col à 5 km/h ?), des labos médicaux qui trouvent avec les sportifs "de haut niveau" des cobayes humains à peu de frais (avant qu'on les oblige à porter des casques, c'était hallucinant de voir le nombre de cyclistes même pas trentenaires en état de calvitie avancée, tous ces prétendus asthmatiques - la ventoline utilisée contre l'asthme "masquait" les premières générations d'EPO - qui allaient plus vite que des mobylettes ...).
RépondreSupprimerIl fallait qu'un jour le scandale en rattrape quelques-uns. Dans le cyclisme, c'est tombé sur Armstrong. On a "tué" le monstre, c'est bon, tout est clean. Faudra se poser la question de savoir maintenant pourquoi les Anglais, il y a quelques temps tout juste bons à monter sur un tricycle, ont raflé toutes les médailles aux JO de Londres ou gagnent avec une aisance déconcertante le tour de France ...
"Mais hélas, pas tout à fait abouti. Le côté positif,..." . Bonne vanne ... involontaire ?
Raccord avec Lester. Moi qui adorait ça quand j'étais tout môme...
RépondreSupprimerSur l'échelle du sacro-saint pognon, tous les ruses et toutes les malfaçons sont ainsi permises. Dans le sport comme dans tout le reste d'ailleurs. Que sont nos rêves et nos idéaux devenus ?
J'irai voir le film.
Vanne involontaire, je m'en rends compte maintenant ! Le problème dans ce genre de film, c'est : tu chroniques le film, ou le fait divers ? Je pense qu'à travers le film, c'est tout le cyclisme qui est visé, Mais les problèmes de droit empêchait de le faire, d'où la déception. D'un autre côté (et là je cause cinéma, dramatisation) le cas Armstrong est édifiant, et je comprends pourquoi ce personnage a pu intéresser Stephan Frears, qui a souvent pris des personnages ou situations réelles, comme base de ses films. J'espère que ma chronique ne donne pas l'idée - malgré tout - que j'admire ou respecte ces gens, parce que comme tu le dis Lester, la "corruption intellectuelle" est telle, dans ce genre de milieu, qu'elle ne mérite que mépris et désolation. Comme je le dis à la fin, il reste à faire le "grand film" sur la corruption sportive. Mais les enjeux sont tels (droit télé...) qu'on est pas prêt de le voir...
RépondreSupprimerEn tout cas, Lester, ravi de te lire à nouveau...