- B'jour mon
cher Claude… Je viens chercher la maquette. Tiens, c'est l'année Mahler dites donc ? Vous
n'avez pas déjà écrit un commentaire en début d'année ?
- En effet ma
p'tite Sonia, sur la 9ème symphonie, mais comme les dix symphonies
de l'ami Gustav méritent une chronique, j'accélère avant la fin du monde…
- Hihi. Mais
vous aviez déjà écrit un billet sur cette symphonie, certes pas dirigée par
Herr Klaus Tennstedt, un allemand je suppose ? Un nouveau dans le blog ?
- Juste
quelques lignes lors du centenaire évoquant le legs discographique Mahler de
Otto Klemperer. On reprend dans le détail et en effet par un chef adulé ou
décrié, c'est selon…
- "Chants
de la nuit". Le sous-titre suggère un climat nocturne et reposant…
- Pas vraiment
ma belle, un sous-titre dû au fait que Mahler a écrit deux Nachtmusik (musique
de nuit) insérées dans la symphonie avant de la composer proprement dit.
Sur cette photo, on distingue le maestro qui
transpire. La chaleur ? Non, la douleur et la passion (peut-être au sens
christique). Dans les 20 dernières années de sa carrière, le chef va endurer la
souffrance lors de concerts qu'il refuse d'annuler, malgré les imprécations
de la faculté. Opérations à répétions de la hanche handicapantes pour un métier
physique qui s'exerce debout. Cancer de la gorge traité par une radiothérapie
qui l'épuise. Il atteint les dernières mesures titubant voire en se tortillant.
Une gestuelle perçue comme maniérée et qui attira l'ironie des critiques officiels les plus cons.
L'homme avait découvert Mahler
tardivement et, ô sacrilège, bousculé les conventions dans l'interprétation de
la musique bizarre du compositeur si tourmenté. Lui-même d'un tempérament hypersensible,
Klaus Tennsdet ne jouait pas Mahler, il devenait Mahler,
cherchant à découvrir la quintessence de sa musique par le même chemin de
souffrance que le compositeur avait enduré en se sachant condamné, mais usant
ses ultimes forces aux USA lors d'une tournée épuisante et suicidaire qui le mènera
à la tombe en 1911.
Faisons un saut temporel en 1926. Klaus Tennsdet voit le jour
près de Leipzig, ville marquée par l'esprit de Bach et où le jeune homme va
fréquenter le conservatoire. Adolescent dans une Allemagne nazie, il n'entendra
pas une note de Mahler, musicien juif interdit.
Douleur distordante (Gustav Klimt, ami de Mahler) |
En 1948, dans sa ville natale devenue prisonnière de la RDA,
il débute une carrière de violoniste de talent. Peu de temps après, premier coup
du sort, une tumeur bénigne inopérable de la main gauche met fin à ses espoirs
de virtuoses… Première dépression. Il se reconvertit comme chef d'opéra
lyrique, mais refusant de prendre sa carte au parti communiste, il végète dans
des fosses d'orchestre de seconde main. Il va compenser sa frustration en se consacrant
à la découverte par le public du répertoire contemporain euthanasié par le
nazisme : Hindemith et Kurt Weil, les juifs, Chostakovitch le russe, Bernstein et Britten
deux anglo-saxons, gays de surcroît… Il commence dans les années 60 à se faire
un nom par des invitations à diriger des phalanges haut de gamme comme le Gewandhaus de Leipzig ou La Staatskapelle de Dresde.
En 1971,
lors d'un concert en Suède, il profite d'un vice de forme dans son visa pour
"passer à l'ouest". Il navigue entre maints orchestres de prestige, dirige
en occident et obtient un tel succès auprès du public, qu'en 1977, il est nommé premier chef invité
(puis chef principal, en 1980) du Philharmonique
de Londres. Il découvre Mahler,
enregistre sa première
symphonie qui fait un tabac critique ! Il va graver une
intégrale dans les années qui suivent, une réalisation qui alimente la
controverse. Tennsdet joue la partition,
s'efface derrière les intentions du compositeur, alors qu'il est si facile de
pratiquer l'hédonisme avec cette musique. On lui reprochera en conséquence un
manque de style personnel. Tu parles ! On va en reparler. D'ailleurs, on lira la
même bêtise à propos de vision de Boulez
du corpus symphonique mahlérien…
En 1987, sa
santé décline sévèrement. J'ai commencé par cette époque, je n'y reviens pas.
Les lives des années 90 auraient pu montrer un artiste déclinant. Au contraire,
sa direction, donc sa pensée évolue peu. Ce qui prouve que par-delà les notes, Tennsdet avait su créer une conception
cohérente de l'univers musical de Mahler.
Il fera une ultime apparition en 1994
pour recevoir le titre de Docteur Honoris causa à Oxford. Il se retire
discrètement pour s'éteindre en 1998.
Il est devenu cruellement absent dans la presse spécialisée parfois fayote,
mais pas dans les mémoires des fans de Mahler.
C'est pour le moins curieux cet ostracisme envers un chef que Henri-Louis de La Grange, spécialiste
mondial de Mahler, estimait beaucoup.
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Mahler en ballade vers 1905 |
Comme le mentionnait Sonia, la biographie générale de Mahler vous attend dans les chroniques
consacrées notamment aux symphonies N°6 et N° 9
(Clic)
& (Clic).
Nous avons même rencontré l'étudiant Mahler
lors de l'écoute de la symphonie de son condisciple Hans
Rott à Vienne il y a deux semaines (Clic).
La 9ème symphonie écrite
alors que le compositeur a un pied dans la tombe (il ne pourra jamais la créer)
montrait un homme oscillant entre la peur de la mort imminente et la
résignation face à l'inéluctable, la tristesse de quitter le monde terrestre,
la nature et les joies créatrices en opposition avec l'espoir d'une
réincarnation spirituelle. Un ouvrage sombre et cynique. Cynisme aussi dans la 6ème
symphonie de 1906 dans
laquelle le compositeur fustige l'absurdité du concept de mort comme s'il pressentait
les malheurs qui s'abattront en cette année maudite 1907 : la mort de sa fille Maria de la scarlatine puis l'annonce
d'une maladie cardiaque incurable et enfin une crise conjugale destructrice… Rien de surprenant que la symphonie la plus
étrange, dérangeante et moderniste voit le jour pendant une période où les
nuages les plus sombres menacent l'équilibre psychologique et affectif du
compositeur, pour ne pas dire son existence tout court.
Dernier opus du groupe de trois symphonies
instrumentales, la
7ème symphonie se révèle la plus incomprise et mal aimée
dans le parcours du musicien. Elle donne le sentiment d'une psychothérapie transactionnelle
par musique interposée dans laquelle se bouscule, sans grande logique apparente,
tout ce qui passe par la tête de Mahler…
Un charme biscornu qui m'a toujours séduit dans cette œuvre peu jouée en
concert avant le XXIème siècle. Le premier disque date de 1950, un live de l'infatigable
chercheur qu'était Hermann Scherchen. L'héritier
spirituel Bruno Walter ne la jouait
pas, pas plus que la 6ème d'ailleurs.
Ébauchée à la
même époque que la 6ème,
cette 7ème
sera écrite en quelques semaines l'été 1905 mais ne sera créée qu'en 1908, à l'aide de partitions manuscrites, devant un public
aimable mais déconcerté par le contraste entre la modernité et la trivialité
- à la limite de la vulgarité - du final. L'orchestration est plus qu'imaginative,
montrant le désir ardent de Mahler
de proposer des sons et harmonies innovantes :
5 flûtes, 4 hautbois, 5 clarinettes, 4 bassons, 5
cors, 3 trompettes, 3 trombones, 1 tuba, 1 tenor horn (cor sonnant grave avec
pavillon vers le haut), timbales, percussions (dont une grosse caisse de fanfare
surmontée de ses propres cymbales), cloches, clarines, glockenspiel, guitare et
mandoline, harpe, cordes.
Ténor horn |
1 – Langsam – Allegro risoluto, ma non troppo : (Langsam : lent) On connaît la passion de
Mahler pour les marches de tout type.
Funèbre dans la 6ème,
primitive dans la 3ème
comme si la musique cherchait à s'extraire en rampant d'une matière sonore
primitive. On retrouve ici dans l'introduction cette fascination pour cette forme
martiale. Mahler aurait été inspiré
par un bataillon marchant au pas dans l'aube naissante. On peut lire une autre interprétation : le mouvement nonchalant des rames d'un bateau sur le Wörthersee. Dès les premières
mesures, une reptation ténébreuse des cordes graves soutenues par la grosse
caisse évoque ces images. Un cortège orchestral duquel surgit le chant funèbre du ténor horn pour énoncer
le premier leitmotiv. Là est la trivialité : mettre en scène un instant de vie
qui a marqué ou amusé un compositeur à l'affut des bruissements de la nature ou
de l'activité humaine. Mahler
commence à abandonner le romantisme pour un impressionnisme qui va éclore dans
les décennies à venir. Mahler
fait régner le mystère dans cette atmosphère trouble et oppressante. Si je peux
me permettre une trivialité, on pourrait parler de gueule de bois à la sortie
d'un rêve angoissé, d'autant que la musique va s'ébrouer, s'amplifier, évoluer
dans un tempo de plus en plus allant vers une péroraison allègre intégrant
d'autres motifs, même si le leitmotiv initial continue de structurer le
discours.
L'orchestration brille de mille feux, et là intervient
ce qui caractérise la méthode Tennsdet
: clarté du trait, mise en avant de chaque détail, régularité du tempo. Dans ce
qui pourrait n'être que brutale confusion, le chef atteint l'épure. Il n'y a
peut-être pas de "style Tennsdet"
diront les fâcheux, mais le chef nous gratifie d'enchaînements
pertinents qui donnent une cohésion évidente à une musique où l'on entend une apparente dislocation sous
des baguettes moins habiles. Question : et si ce chef avait su exorciser
la maladresse attribuée hâtivement par des musicologues peu avisés à cette composition pour en révéler sa hardiesse,
deux adjectifs antinomiques, reconnaissons-le !
Inutile de se mentir, même en bénéficiant d'une
direction aussi analytique, l'écoute de ce mouvement initial est difficile. Le
mélomane se retrouve face à un agrégat de péripéties sonores qui s'enchainent,
s'entrecroisent avec des instants de pur bonheur élégiaque comme le développement
central avec son solo de violon et ses arpèges de la harpe [9:20 - 14:11]. Une mélodie secrète
et intime, d'une poésie inattendue avant la reprise du thème introductif et le long allegro final aux accents sarcastiques
et aux extravagances farouches. Dans son film de 1973, Ken Russel avait illustré ce
passage d'une poésie nocturne quasi adagio par les images d'un cheval blanc galopant au
ralenti dans l'obscurité bleutée d'une forêt. Une métaphore onirique et féérique.
Adoptant un tempo large, Klaus Tennsdet
déploie élégamment la coda sans sauvagerie abrupte, donc vulgaire.
L'orchestration très chargée, les éclats de cuivres et les rythmes obsédants des
percussions tissent une joyeuse folie et non le grossier charivari parfois
entendu, y compris de la part des meilleurs (Gergiev
en concert salle Pleyel, j'y étais. Dommage, car le maestro russe avait assuré
une merveilleuse seconde symphonie quelques semaines auparavant).
Nota : Les deux "Nachtmusik" ont été
composées en parallèle de l'écriture de la 6ème symphonie. Comme bon
nombre de ses confrères, Mahler
travaillait sur plusieurs projets à la fois, l'été, pendant le répit que lui laissaient
les saisons de concerts. La genèse de la 7ème symphonie semble avoir
été difficile par manque d'idée novatrice, le syndrome de la "partition blanche".
Le compositeur va donc réutiliser ces deux "poèmes symphoniques nocturnes" (si
je puis utiliser ce terme) pour commencer et organiser avec symétrie son œuvre nouvelle
: Allegro – Nachtmusik I - Scherzo – Nachtmusik II – Allegro. Un
palindrome formel que l'on retrouvera également dans la 10ème symphonie
inachevée dans son orchestration (Adagio - Sherzo I - Purgatorio - Scherzo II - Adagio).
2 –
Nachtmusik I : allegro moderato [22:42] : Fréquemment, la
musique mahlérienne marche en cadence. À croire que le compositeur aimait les
défilés militaires et les soldats de plomb. L'allegro initial en témoigne. Et
bien dans cette première "musique de nuit", elle processionne plus
poétiquement…
Quelques accords de cors surgissent du fond des bois auxquels répondent en écho d'autres accords de cors bouchés pour accentuer
l'effet de spatialisation. Ce mouvement en mode majeur retrouve les climats bucoliques
et naturalistes qui firent les beaux jours des premières symphonies. On
retrouve l'ambiance joyeuses des ballades forestières, des chants enfantins
inspirés du cycle de poème du Knabenwunderhorn (Cor merveilleux de l'enfant).
Le tissu orchestral est d'une variété stupéfiante : un
kaléidoscope de couleurs. Un développement central évoque le ramage des oiseaux
par un dialogue fantasque des bois. Le morceau semblera complexe si on ne se
laisse pas tout simplement guidé. Il l'est techniquement, mais le caractère
dansant, ou encore les oppositions marquées entre la gaité qui suit les pas du promeneur
ou des animaux imaginaires, et ce brin de nostalgie toujours présent dans l'œuvre,
rend cette Nachtmusik d'une fluide lisibilité, très rythmé. L'orchestration
fait intervenir glockenspiel et clarines et illustre à merveille les sons de la Bohème,
de ses prés et montagnes dont Mahler
était si proche. Klaus Tennsdet parcourt le
chemin en douceur et délicatesse, en sublimant chaque solo tendre ou burlesque
de cette page parmi les plus bienvenues du maître autrichien.
Klimt (1903) |
3 – Scherzo :
Schattenhaft ("fantomatique"
semble le mieux adapté) : [39:08] : Ce mouvement central se veut le plus intrigant
voire diabolique de la symphonie. Quelques notes de timbales l'introduisent. La
mélodie devient fiévreuse, un tantinet démoniaque sous sa fausse apparence de
divertissement. On songe à une course éperdue. Oui mais vers quoi ? L'abîme ?
Mahler manie l'ironie et le sarcasme qui s'apaise à peine dans le trio. Encadré
par les deux Nachtmusik, le morceau tranche par sa noirceur expansive. Le
compositeur en pleine période de désenchantement a-t-il voulu nous berner avec
sa Nachtmusik I, souvenir des temps heureux des années 1900. On pourra discerner
de la provocation dans cette valse distordue qui intervient dans la reprise. On
entend des bruits de "fouet", motifs brefs exprimant une rage à peine
contenue. La tonalité globale est grave, infernale. Klaus
Tennsdet refuse l'évasion vers une danse macabre qui ne l'est pas tant que ça. Il évite l'outrance, contrôle sans chichi une mélodie aux circonvolutions spectrales.
4 – Nachtmusik II (Andante amoroso) : [49:20] Ouf ! Un peu d'amour et d'eau fraîche
après le scherzo Faustien aux accents infernaux. Mon "Ouf" trouve son
écho dans le soupir aux cordes qui précède l'énoncé du premier thème dansant et
lumineux. On distingue encore des motifs martiaux mais isolés dans des mélodies
sereines et lascives. La musique évolue vers une tentative d'assombrissement aux
contrebasses immédiatement interrompu par une douce mélopée éclairée par les
notes de la guitare, soutenue par une mandoline. Mahler
utilise pour la première fois ces instruments synonymes d'aubade. On retrouvera
ces instruments peu usuels dans un orchestre symphonique de cette époque dans
la 8ème
symphonie et le Chant de la terre. On ne les entend
pas toujours très bien, perdus parmi 120 musiciens, et là encore Tennsdet cisèle leurs interventions, les place à l’avant-scène. Sa
direction épouse un tempo allant écartant tout pathos sirupeux. La Philharmonie de Londres égale sous sa baguette
les phalanges les plus performantes dans l'interprétation mahlérienne. Il est
amusant de constater que si la première Nachtmusik flirtait avec les styles des
symphonies de la première manière, la seconde se rapproche dans la forme de l'adagietto
de la 5ème
symphonie (Mort à Venise)
dans l'esprit mais en apportant une lumière juvénile, une facétie plutôt qu'une
ironie désabusée.
Oscillant
entre diverses tonalités majeures, ce mouvement reste résolument le plus
optimiste depuis le début de la symphonie. Il laisse à penser à ce stade que Mahler cherchait peut-être une synthèse de
tout le travail d'innovation et de recherche déjà parcouru.
5 – Rondo Finale : [1:04:30] Me
voilà au pied du mur : commenter le mouvement symphonique le plus dingue de
toute l'histoire de la musique (peut-être même de tous les genres de musique
confondus). Voilà plus de 100 ans que l'on s'interroge sur ce délire
tonitruant. Il est vrai que plus d'un, même mélomanes avertis, sont déconcertés
par ce tumulte, cette sauvagerie, ce bric-à-brac (pour les plus méchants) dans
lequel, a priori, aucune logique ne semble chercher à structurer un morceau qui
s'étend sur une vingtaine de minutes.
J'y vois plutôt l'infatigable chercheur qu'était Mahler nous
proposer une polyphonie de formes. Je m'explique. À la même époque, le
compositeur amateur américain Charles Ives avait eu
l'idée saugrenue de grimper au clocher d'une église pour écouter le charivari
offert par quatre fanfares convergeant vers l'édifice tout en jouant quatre
morceaux différents. Vous voyez le genre. Le propos de Mahler est plus
subtil dans le sens où l'architecture du rondo final s'apparente au fil décousu
de nos pensées lorsque l'on rêvasse : un souvenir, un désir pour ne pas dire un
fantasme avant de s'interroger sur le menu du dîner. J'en suis venu à penser
que le compositeur n'a pas voulu négliger ce final, mais tout au contraire
mélanger avec gourmandise tout et rien eu usant d'un principe récurrent dans sa
musique où des idées les plus diverses se télescopent. Dire que le résultat est
d'une écoute facile… est très discutable. Le commenter est un défi que je ne
relève pas. Quelques repères :
Une cavalcade des timbales ouvrent les hostilités au
sens propre, car moins mélodieux que ces cuves de cuivres, il n'y a pas ! Une fanfare
exacerbée des cuivres prend le relai. Une intro à la fois foraine et burlesque.
Aucun thème précis ne semble surgir de ce tohu-bohu avant l'exposition d'un
motif plus calme aux cordes et aux bois. On passe rapidement à une pseudo réexposition
frénétique.
La dimension quasi miraculeuse de la direction de Tennstedt s'avère être le sentiment d'organisation que l'on ressent à l'écoute de ce rondo, organisation insoupçonnable dans nombre d'interprétations.
Pourtant le chef adopte pour la première fois un tempo allègre. Sur le fond,
tout cela fait penser à une fête foraine, avec des accelerando et inversement,
dans tous les sens. Pourtant, que d'amertume au détour de certaines transitions,
comme si le compositeur essayait de nous persuader que ce
mouvement est drôle. Diriger à la barbare (Solti)
ne rend pas service à ce délire sonore, bon enfant et mélancolique à la fois.
Vers la fin Mahler utilise même une grosse caisse surmontée de sa
cymbale, le modèle que l'on trouve dans les cirques où les fanfares militaires.
Mahler s'accroche à son goût pour l'enfance et la
musique populaire de kermesse. On entend de nouveau les cloches de troupeau,
une marche cynique, des éléments de thèmes se chevauchant dans une procession
orientalisante de quelques mesures. Oui, on pourra estimer que ça part
"dans tous les sens", mais j'adore cette audace. La coda explose dans
des déchirements de cuivres : pleurs ou victoire, à chacun d'en décider. Autre hypothèse : Mahler abandonne pour ne pas dire se gausse du postromantisme et du néoclassicisme pour inventer en toute liberté la musique contemporaine...
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
La richesse de cette œuvre délirante peut justifier
l'écoute sous des éclairages forts différents. Je rappelle l'enregistrement de Otto Klemperer avec le Phliharmonia, 1H40 (au lieu de 1H20 environ),
des tempos étirés jusqu'à la rupture, mais une lecture au scalpel, vénéneuse et
cultissime (EMI – 6/6). Plus
spontanée et frénétique, Leonard
Bernstein a gravé à New
York pour sa première intégrale une version de haute volée moins
sage (et c'est bien) que son remake à Vienne (Sony – 5/6). Enfin dans les enregistrements récents (2005), Michael Tilson Thomas a gravé une
interprétation élégante et transparente de bon aloi avec don orchestre de San Francisco. (SFO – 5,5/6).
Remplacent de la vidéo : même CD mais diminuer les indications de timing de 12 secondes, désolé 😎
J'ai la n°1 de Mahler par Tennstedt chez EMI, mais je suis toujours resté sur celle de Giulini et surtout celle de Kubelik chez DDG. Pareille pour la septième, mais comparer une symphonie de Mahler par son interprétation, c'est comme courir le marathon sur un terrain de cross country. Mahler est le champion de la symphonie longue durée. Que tu prennes la 7, la 9 ou encore la 5, tu en prend pour une heure minimum. De toute manière, quand on aime, on ne compte pas !!! Mais la septième et son final est étourdissante...et quelle direction je dois avouer ! . .
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