LÉO FERRÉ L’Anarchiste bien aimé
Comment définir le « Monstre» qu’était Léo Ferré ? Comparable à la
statue du commandeur dans «Don Giovanni» de Mozart,
Inébranlable, il va laisser une (Très)
profonde et durable empreinte dans la chanson française dite "à texte" (Comme pour Brel ou Brassens, on ne peut pas parler de chanson populaire).
Le 24 août 2016 ce géant de 1m71
aurait eu 100 ans, mais il décide de dire «Thank You Satan» le 14 juillet 1993 à 76 ans.
Je ne vais pas retracer sa
carrière, ce serait un exercice qui correspondrait à retranscrire les vingt
volumes des Rougon-Macquart d’Emile Zola. Je voulais, comme d’habitude, juste ouvrir une brèche
dans mes souvenirs sur le grand Léo. En 1988
ce grand bonhomme qui n’avait pas sa langue dans sa poche et qui savait si bien
déclamer les vers de Baudelaire, Rimbaud ou Aragon donna un concert au TLP Déjazet, et étant un amoureux des mots et des chanteurs à
textes, je ne pouvais pas louper un tel concert.
Trois dates dans ce théâtre
libertaire qu’il avait inauguré en février 1986.
Et qui dit libertaire dit anarchiste, l’image de Léo Ferré a toujours été liée à
ce mouvement qui a une connotation péjorative et négative aux oreilles des gens
qui traduisent le mouvement par chaos, émeute, désordre et pagaille. Pourtant
l’anarchie ce n’est pas cela (Lire Bakounine et Proudhon),
mais je ne suis pas la pour faire une chronique sur le mouvement anarchiste et
faire son historique.
Les 3, 4 et 5 mai 1988 Léo Ferré s’installe «Chez lui» au Déjazet, dans le théâtre à
qui il a mis le pied à l’étrier et qui verra passer toute une pléthore
d’artistes comme Graeme Allwright,
François Beranger, Colette
Magny, Henri Tachan et autre Mouloudji et qui fut à deux doigts de détrôner Bobino,
le temple de Georges Brassens. Le 4 mai 1988, je suis au 41
boulevard du Temple (Métro République)
devant le théâtre, un peu nerveux de venir voir ce monument qu’est Léo Ferré,
pourtant j’ai vu des artistes qui m’ont impressionné comme Barbara
ou Joan Baez,
mais je ne sais pas pourquoi, même si ce n’est pas moi qui vais monter sur
scène, ben... j’ai le trac.
Avec Jean-Roger Caussimon |
Il commencera avec «Ils ont voté»,
un titre prédestiné avant la réélection de François
Mitterrand 10 jours plus tard. 42 ans de
succès seront chantés pendant un petit peu plus de deux heures et demi. Gros
succès pour les classiques comme «Les Anarchistes» ou «L’Age d’Or». La plupart des titres
joués seront de lui hormis quatre «Comme à Ostende» de Jean-Roger
Caussimon, grand pote de l’ami Léo et qui deviendra son parolier
privilégié en dehors de ses apparitions cinématographiques et ses propres récitals.
Il chantera «La La Mémoire et la Mer» (Ne pas confondre avec «Les Travailleurs de la mer» de Victor Hugo), une poésie toujours
aussi mystérieuse et qui vous prend aux tripes quand l’artiste déclame ce texte
presque biographique et qui parle de l’univers maritime.
Ferré, c’est une présence sur scène, Un Ferré toujours aussi sauvage dans sa manière
de chanter, mais toujours aussi avare dans ses gestes, les jambes et le corps restent fixes devant son pied de micro, seul le visage bouge dans un
clignement des yeux continue et les bras mîment les textes du poète. Léo Ferré
ne récite pas, il vit ce qu’il chante.
« Ni Dieu Ni Maître» très
applaudi, à croire que les anarchistes ne sont pas si minoritaires que ça. Un
chouette «Les
Hiboux» de Baudelaire. Arrive
les grands titres immortels comme «Avec le Temps» puis, après les paroles :
«L'autre à qui l'on croyait pour un rhum' pour
un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s' traînait comme traînent les chiens»
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s' traînait comme traînent les chiens»
il lâche un monumental : «Salope !»
«Thank You Satan» suivi de «On est pas
sérieux quand on a 17 ans» d’Arthur Rimbaud
enchaîné par la fameuse «Affiche Rouge» de Louis
Aragon tristement célèbre depuis
la guerre, une affiche de propagande humiliant les martyres du groupe Missak Manouchian.
La fin sera des plus tendre et des plus belles. Sur scène, Léo Ferré joue du piano, sinon
il était accompagné par des bandes son d’un orchestre symphonique qu’il
dirigeait lui-même la plupart du temps. Il sortira un album en 1975 «Ferre muet…dirige» avec une direction du «Concerto pour la
main gauche» de Maurice Ravel entre
autre. Pour finir avec cette soirée marqué par la poésie, il chantera «La chanson
Triste» à capella. Un album de trois disques vinyles sortira la même
année et ce sera son dernier live de son vivant. Sur l’intégrale du concert
enregistré, je ne sais pas si pour les autres dates il avait chanté «Le Bateau Ivre»
d’après Arthur Rimbaud, mais le soir du 4 mai,
nous y avions eu droit.
Un concert de Léo Ferré
laisse des traces dans les mémoires comme un concert de Barbara ou tous les autres artistes poètes. Tous les grands qui ont
laissé une marque auprès de certains et qui, si le flambeau n’est pas transmis d’une
génération à l’autre, leur passage sur cette terre n’aura pas servi à grand-chose.
Et quand je vois ou plutôt quand j’entends ce qui passe sur les ondes, je me demande
où est la poésie. A croire qu’elle est morte avec la disparition de ces
chanteurs qui ont su faire vivre la langue française. Et comme le chantait Charles Trenet :
«Longtemps, longtemps, longtemps
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l'auteur»
Après que les poètes ont disparu
Leurs chansons courent encore dans les rues
La foule les chante un peu distraite
En ignorant le nom de l'auteur»
Pat : la mémoire vivante du Déblocnot'. Impressionnant .....
RépondreSupprimerMerci philou, mais la mémoire (Qui devient défaillante avec l'âge !!) ne rentre pas seulement en compte, j'ai noté tous les concerts que j'ai fait sur des agendas, il me suffit de replonger dedans.
RépondreSupprimerNe serait-ce que pour l'immense et intense "la mémoire et la mer". Thank you Léo !!
RépondreSupprimerNe serait-ce que pour l'immense et intense "la mémoire et la mer". Thank you Léo !!
RépondreSupprimerOui, la mémoire et la mer reflète totalement Leo Ferré...
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