Ca
y est, on le tient, le bouquin qu’on pourra emmener en vacances. C’est un
roman, un vrai, avec des personnages, des trajectoires, une construction, et
une jolie écriture. Ça commence en 1974, à Spirit in the wood, un camp de
vacances tenu par un couple. Des ados s’y retrouvent tous les étés. Quelques-uns
ont formé un petit groupe, et se
surnomment "les intéressants". Rien que ça. Il y a Goodman et Ash Wolf, frère et sœur,
issus de la grande bourgeoisie new yorkaise, Jonah Bay, fils introverti d’une star de la folk music, Ethan Figman, pas séduisant mais à l’humour ravageur,
qui déjà raconte sa vie en vignettes de BD, Cathy et ses gros seins, qui rêve d’être
danseuse. Et celle qui intègre ce club, par hasard, par curiosité, par envie d'échapper à la morosité de sa petite vie : Julie Jacobson. Que les autres surnommeront très vite Jules. Jules qui
sera la narratrice de l’histoire.
LES INTÉRESSANTS c’est 40 ans de la vie de ces gens. Le premier été, la rencontre, les rêves, les élans, les premières amours et déceptions. Et on retrouve Jules 30 ans plus tard, psychothérapeute dans un centre
social, et son mari Dennis, échographiste. Ils reçoivent la traditionnelle carte de bonne année d’Ethan Figman. C'est tout un cérémonial pour la lire. On sent que c'est important. Il a sacrément réussi, Ethan, devenu producteur à succès d’une
série d’animation, Figland, genre de saga Simpson. Ce saut dans le temps permet de mesurer le fossé entre les rêves d'antan, et la réalité d'aujourd'hui !
Mais comment en est-on arrivé là ? Meg Wolitzer revient donc en arrière, complète le puzzle, privilégie un personnage, puis un autre, une époque, revient, repart... Comment vers 20 ans, la petite bande se retrouve à New York, comment on passe des amours adolescentes à une amitié durable. Comment les couples se composent, Jules et Dennis, Ash et Ethan, Cathy et Goodman, Jonah et Robert. Et comment apparaissent les premières fêlures.
Mais comment en est-on arrivé là ? Meg Wolitzer revient donc en arrière, complète le puzzle, privilégie un personnage, puis un autre, une époque, revient, repart... Comment vers 20 ans, la petite bande se retrouve à New York, comment on passe des amours adolescentes à une amitié durable. Comment les couples se composent, Jules et Dennis, Ash et Ethan, Cathy et Goodman, Jonah et Robert. Et comment apparaissent les premières fêlures.
Car
le propre du récit romanesque, c’est le développement des personnages, leurs
trajectoires, leurs choix, leurs décisions. Tout le livre est centré sur ça.
Comment un choix peut transformer une vie entière. Comment ces gens s’imaginaient vieillir (ils ne l'imaginaient pas, justement, c'est tout le sujet !), alors qu’ils formaient leurs vœux à une époque bénie, dorlotés par deux hippies bienveillants, à refaire
le monde sous les volutes de marie-jeanne ou sous les lambris des riches
appartements de la famille Wolf. Et qui se retrouvent sous administration Reagan,
aux premières heures du Sida, puis des attentats du 11 septembre.
Meg
Wolitzer lâche délibérément des bribes d’information sur leur futur, ou au
contraire joue sur les ellipses. Une manière de rendre plus palpitant le récit.
Comme cette sombre histoire de viol avec Goodman Wolf, qui va bouleverser la vie des protagonistes et mettre à mal les promesses de
fidélité. Dans ce roman, on voit bien comment se comporte le groupe, et les
individualités qui le composent.
Si Jules Jacobson reste le
personnage central, on va s’intéresser à chacun, en apprendre un peu plus, par
étape. L’auteure ne dévoile pas tout d’un coup, comme des amis qui après 30 ans
auraient encore des secrets, des histoires à révéler. Je pense à Jonah Bay, son
enfance traumatisée au LSD par un vieil escroc de folkeux, ou sa tentative d’endoctrinement
chez Moon.
Ce
bouquin est formidablement bien écrit, inventif, avec de jolies trouvailles
de style. Il se lit rapidement, même si certains passages semblent
plus longuets, mais la vie n’est pas trépidante tous les jours... C'est nostalgique mais pas pleurnichard. Un livre
qu’on appréciera davantage la quarantaine passée, je pense, car chacun y
retrouvera quelque chose de soi.
S’il y
a de la joie, de l’espoir, du rire, des surprises, des délires, il y a aussi
des drames, des non-dits, des erreurs, des mensonges, de la lâcheté, de la
peur, de la rancœur, de la brutalité… La psychologique est riche, jamais
barbante. Meg Wolitzer prend le temps de composer ses personnages, les façonner,
les construire. Ils ne sont pas figés, d’un seul bloc.
Une
fois commencé, on ne lâche pas facilement ces intéressants, où milles
intrigues se croisent, se complètent, dans un récit particulièrement
corrosif, riche, foisonnant et fluide.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire