On ne peut pas dire que Mick Clarke soit une superstar qui squatte
les gazettes rock'n'rollesques ou bluesistiques. Pourtant voila près
d'un demi siècle que le guitariste anglais arpente scènes et
festivals et y a côtoyé les plus grands. En 1968 il fonde le groupe
Killing Floor, nom en hommage à Howlin Wolf et son célèbre titre.
1968, presque la préhistoire pour les plus jeunes de nos lecteurs:
De Gaulle, Mai 68, la guerre du Vietnam, l’assassinat de Martin
Luther King à Memphis, le Printemps de Prague et son écrasement par
les chars russes… Mais revenons en à nos moutons : à Londres le
"British blues boom" bat son plein et Killing Floor se fait
une réputation avec son heavy blues plombé, entre Cream, Savoy
Brown, Chicken Shack et le Fleetwood Mac de Peter Green, ouvrant
notamment pour Jethro Tull et Ten Years After, ils serviront aussi de
backing band au géant Freddie King lors de ses tournées au Royaume
Uni. Ils laisseront 2 albums, "Killing Floor" (1970) et
"Out of Uranus" (1971), ce dernier demeurant l'un de mes
préférés du genre, avec le single "Call for the politicians".
Mais le groupe aura une brève existence et se sépare en 1972 (il se
reformera en 2004 avec l'album "Zero tolerance" à la clé).
Après Killing Floor, Clarke jouera dans différents groupes (Toe
Fat, Daddy Longlegs, SALT) tout en étant un musicien demandé, en
studio ou pour des piges en concert. Début des années 80, il se
lance en solo. Place donc au Mick Clarke Band qui tourne
inlassablement de par le monde depuis, mine de rien ce "Crazy
blues" est son 15eme album! Pas mal pour ce second couteau, ce
vrai "guitar héro" de l'ombre, ce serviteur passionné de
la blue note.
photo Colette Wijkander |
Douze titres au programme de ce "Crazy blues" qui mélange
reprises et originaux et se partage entre pur blues, blues rock
musclé et même du Rock'n'Roll fifties. Dans ce dernier genre on va
ainsi avoir droit au fameux "See you later alligator" de
Bill Haley, une cover bien rythmée et un bel exercice de slide. On
relèvera aussi 2 splendides versions d'anciens blues : le "Crazy
blues" de Mamie Smith, enregistré la première fois en 1920
(là c'est plus la préhistoire mais le jurassique, moins 84 avant
Facebook..ou moins 90 avant le Deblocnot !) et "No way to get along" de Robert Wilkins
(1922) déjà repris par les Stones (sous le titre "Prodigal
son" sur "Beggar's banquet") et par Eric Clapton en
2010. Blues avec "Complicated woman" (avec une belle partie
de piano honky tonk) et l'excellent "Smoked ham blues",
rocking blues avec "The thing", "Stretch" (très
british, à la Cream), "Steady road" (plus texan, un
shuffle à la Stevie Ray Vaughan) ou "Fuzz" complètent la
palette de Mister Clarke.
Un guitariste talentueux, sans envolées géniales, mais solide, qui
privilégie feeling et finesse à vitesse et décibels et qui montre
que le british blues n'est pas une langue morte, la preuve également
avec le jeune Lawrence Jones, dont je vous parlerai dans les semaines qui viennent.
ROCKIN-JL
Chronique parue dans le numéro 41 de la meilleure revue francophone, BCR laRevue
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