- Elle est
pour le moins épurée la jaquette du CD de ce matin M'sieur Claude… C'est
zarbie, cela dit Michael Nyman est un nom qui me dit quelque chose !?
- Si vous
avez vu le film "La leçon de Piano" de Jane Campion avec Holly
Hunter, Sam Neil et Harvey Keitel, palme d'or en 1993, la belle musique est de Nyman …
- Ah oui,
c'est cela, j'avais aimé ce film, mais l'auteur de la B.O. est donc aussi un
compositeur, disons… classique ??
- Les deux,
de la musique c'est de la musique. Comme Philip Glass ou Howard Shore (Le
seigneur des anneaux), les compositeurs anglo-saxons s'aventurent dans tous les
genres…
- J'aime bien
la pièce de piano en écoute, ça ne paraît pas trop virtuose et c'est très doux…
- Oui, une
musique très agréable, mais… pas virtuose ? C'est vite dit, il faut une sacrée
indépendance des mains comme disent les pianistes… Merci à John Lenehan !
Michael Nyman (né en 1944) aX |
Je n'aime pas beaucoup écrire mes articles à partir de
copier/coller de commentaires rédigés pour Amazon. Notre blog offre tellement
plus d'espace… Mais je ne renie en rien de ce que j'écrivais en 2007 à propos
d'une anthologie de musique orchestrale américaine moderne réalisée sous la
houlette du chef et compositeur Howard Hanson :
"La musique du 20ème siècle anglo-saxonne
est souvent connue à juste titre à travers Gerswhin, Bernstein ou, un peu hors
sujet, associée à Dvorák, auteur d'une
célébrissime Symphonie «du nouveau monde» composée par le musicien tchèque
en villégiature.
Légion de créateurs ont proposé dès la fin du
19ème siècle une approche assez différente des tendances savantes et de
mise en Europe et, plus tardivement, après le second conflit
mondial, se sont refusé à une rupture nette entre le public et les recherches intellos de compositeurs. Ainsi, l'école Boulez et ses
disciples privilégient la mathématique solfègique à l'émotion de l'auditeur et
cette dictature est souvent dommageable pour l'intérêt que pourrait porter un
grand nombre envers la musique de notre temps.
Ces clivages n'existant pas ou peu outre-Atlantique entre musique populaire, savante, jazz et surtout la musique pour
l'industrie phare et gourmande de partitions originales : le cinéma, dès 1929,
ont permis l'éclosion de styles forts divers dont ce coffret en est
l'illustration parfaite et complète.
Si les termes : ballet, symphonie, fantaisie, etc.
demeurent, la joie de vivre, la danse, l'évocation impressionniste des espaces
et villes américaines, sont tout à fait accessibles à nos oreilles
indépendamment des théories musicales utilisées comme des outils de composition
et non à des fins en soi pouvant conduire souvent à l'ennui."
Michael Nyman partage tout à fait l'état d'esprit de ce courant aux facettes multiples. Même si le compositeur a
vu le jour à Londres et n'a pas répondu aux sirènes de Hollywood pour s'établir outre-Atlantique,
il s'inscrit dans le mouvement minimaliste et répétitif aux côtés des
compositeurs yankees Steve Reich
et Philip Glass (Clic) et de son compatriote Gavin Bryars. Michael
Nyman n'a pas poussé le bouchon jusqu'aux extrêmes de la forme
répétitive comme Philip Glass dans Einstein on the Beach. (Opéra où un motif
de quelques notes peut être répété avec une rythmique obsédante des centaines
de fois pendant 20 minutes, la variation infinitésimale de la tonalité assurant
l'évolution mélodique.) Non, ce que l'on écoute dans ce disque se rapproche
beaucoup plus de la poésie cadencée que l'on entendait dans Metamorphosis du même Glass.
Le parcours de Michael
Nyman (71 ans) l'a amené à
composer des musiques de films marquantes qui peuvent s'écouter en tant que
telles, indépendamment de la vision du film : La Leçon de Piano de Jane Campion
(sa partition la plus connue), Bienvenue
à Gattaca d'Andrew Niccol et 5 films
de Peter Greenaway. Il est
également l'auteur de la musique soulignant les ambiguïtés des rapports entre Michel
Blanc et Sandrine Bonnaire dans le climat sombre de Mr Hire de Patrice Leconte. Au moins 74 bandes originales à ce jour.
Michael Nyman a
également composé divers opéras
et pièces symphonique ou de chambre. Anecdote : Michael
Nyman a écrit une œuvre insolite pour l'inauguration du TGV
Paris-Lille : Musique à grande vitesse. La
pièce de 25 minutes s'accorde bien avec le courant minimaliste : la vitesse, les
machines, la vue répétitive des supports de caténaires qui défilent, etc. Le
train avait déjà inspiré Arthur Honegger
dans Pacific 231. Un ballet a été chorégraphié sur cette musique
prise de folie… Nyman l'a enregistrée en 1994 avec son propre "Band & Orchestra", c'est une tuerie (comme on dit de nos jours), même le Boléro de l'ami Ravel sonne presque gnangnan à coté de ce délire ; j'ai mis la vidéo à la fin, en complément !!!
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
John Lenehan |
John Lenehan propose
dans cet album une compilation de 19 titres pour piano solo extrait de cinq
B.O.. écrites par Michael Nyman.
Ce pianiste et compositeur british né en 1958 mène une
double carrière. Comme tout pianiste virtuose, on le rencontre comme
concertiste dans les salles les plus réputées de la planète, de Londres à
Amsterdam, de Salzbourg à Séoul… Parmi ces compositeurs favoris : le
français Charles-Valentin Alkan
(1813-1888, un Paganini du piano) et Satie (un original). Si je vous dis que Alkan affectionnait le mouvement perpétuel,
les accords se succédant avec une virtuosité folle, on va tout de suite penser
à un précurseur des mouvements répétitifs et minimalistes, sujet du jour.
Ce disque nous met en relation avec l'autre John Lenehan, le spécialiste de l'interprétation
des musiques de ces courants répétitifs. Nyman,
bien entendu, dont il enregistré le concerto pour piano incluant dans sa thématique
des motifs puisés dans la musique pour la "Leçon de piano", et par
ailleurs le pape du genre : Philip Glass.
John Lenehan a
constitué, surtout chez Naxos, une discographie originale comportant de
nombreux albums consacrés à son compatriote John
Ireland (1878-1962), un pianiste et pédagogue trop oublié qui
fut le professeur de Benjamin
Britten. Par ailleurs les quintettes de Vaughan-Williams côtoient Copland, Bernstein,
Delius… On ne pourra pas dire que ses
programmes ne sortent pas de l'ordinaire…
John Lenehan a écrit
de nombreuses transcriptions à la demande de jeunes pianistes comme Yuja Wang.
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
Ada et Georges (piano à 4 mains ??) |
Résumé express : Ada McGrath (Holly Hunter), jeune fille mère écossaise et muette
fuit la bienséance victorienne en épousant (de manière épistolaire) Alistair Stewart (Sam Neil), un
pionnier établi en Nouvelle-Zélande. Débarquée sur une plage battue par les
vents avec sa fille Flora et son
piano, elle découvre un mari égoïste qui cherche plutôt une boniche qu'une femme,
et aussi Georges Baines (Harvey Keitel) voisin
d'aspect rustaud mais qui saura aimer la jeune femme après que le mari ait
échangé le piano contre des terrains de Baines… Celui-ci voudra bien rendre le
précieux piano à Ada en échange
d'une liaison avec elle, un contrat étrange mais… sincère… la découverte
d'abord subie puis consentie de la sensualité que méprise son mari. Un drame
lyrique et romanesque qui fait songer aux romans des sœurs Brontë ou de Daphné
du Maurier.
Dans le film, le piano va devenir le trait d'union
amoureux entre Ada et Baines. Michael Nyman
ne pouvait pas écrire une musique romantique au sens musicologique du terme (Brahms, Liszt,
Chopin). Le piano rudimentaire de Ada est un piano forte datant du début du XIXème
et ne possédant qu'une pédale rudimentaire et démontable. Parfait ! Nyman
est un amoureux de la musique baroque et la pédale sert peu ou pas
dans les musiques minimalistes ou le jeu staccato est poussé à l'extrême. Le CD
consacre une large place à 8 morceaux extraits ou dérivés de la musique du
film.
The heart asks pleasure first : Typique
de la musique répétitive (mais pas minimaliste), la mélodie ondoyante et tournoyante
évoque nombre d'images et sentiments portés par le film : le ressac de la mer
sur laquelle arrive la jeune épouse épuisée (et sur laquelle elle fuira), la
danse gymnique de la fillette jouant sur la plage, et surtout le chassé-croisé amoureux
qui entraînera de la crainte au plaisir la jolie et silencieuse Ada confrontée
à Baines. Non, le thème n'est pas minimaliste et donne toute la chaleur à cette
évocation d'un "cœur cherchant le
premier éveil des sens" (une traduction possible). Pour la B.O. Michael Nyman jouait avec une puissance
épique, faisait exploser sa partition… John Lenehan
recourt à un tempo moins volubile et gagne en émotivité. Il y ajoute par un jeu
plus délié, un climat onirique, une tendresse troublante. Un accelerando au
milieu du morceau marque le temps où Ada
"se lâche", accepte la virilité rassurante de Baines. Tout cela en moins de 3 minutes. Il est fort le duo Nyman- Lenehan.
Envoutant.
Les six pièces qui suivent restent de style répétitif
mais nous apporte un lot de variations d'une grande cohérence, une suite pour
piano que ne renieraient pas des compositeurs de haute volée. La volupté
("all imperfected things")
alterne avec la frénésie ("Silver fingered
fling").
Le 8ème et dernier morceau n'est pas
extrait du film. C'est une pièce assez longue intitulée "The attraction of the pedalling ankle"
(attirance). Un morceau varié et magique où se confrontent des pas de danse
après une introduction élégiaque. Plusieurs épisodes variés se succèdent sous
les doigts du pianiste. La prise de son est assez définie, les deux mains
s'entendent distinctement, mais les micros privilégient les cordes graves
alourdissant un tantinet les couleurs…
L'album est complété par 4 autres groupes de morceaux également extraits de musiques de film et même d'un jeu vidéo Enemy Zero… Un peu surprenant, mais quand j'écris que les compositeurs anglo-saxons sont des touche-à-tout…
Quatre jolis morceaux sont issus de Wonderland (1999 - Michael Winterbottom,
pas le polar de 2003 avec Val Kilmer). Dans la
musique de Nyman illustrant la saga
tragicomique d'une famille londonienne, on retrouve également la rythmique propre au style du compositeur mais sans la force dramatique qui portait "la leçon
de piano". 4 morceaux, 4 prénoms, 4 portraits de personnages qui cherchent
leurs voies… Poétique, doux-amer, du beau piano très léger, mais difficile d'en
dire plus sur un film que je n'ai pas vu. Michael Nyman
a déclaré que cette B.O. était l'une de celle qu'il préférait, faisons-lui confiance.
Pour ceux qui aiment se laisser envouter par cette
musique, la pianiste d'origine ukrainienne mais vivant aux USA Valentina
Lisitsa a enregistré un généreux album consacré à Nyman. On y trouve un programme similaire
avec en plus des transcriptions de la B.O de Gattaca ou The Cleam.
Par contre les morceaux sont présentés dans le désordre et non comme des suites
logiques, film par film. Le jeu de la pianiste est élégant mais j'avoue préférer
le touché plus musclé de John Lenehan.
Cela dit quelle éclat et quelle prise de son ! Pour la petite histoire, la
pianiste avait gravé en 2012 les sonates de Charles
Ives avec Hilary Hahn
pour DGG. Un programme original et un duo complice… (DECCA – 3/6)
~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~
"The heart asks
pleasure first" (joué par Nyman) suivi de "The
attraction" (joué par John Lenehan) et non pas Mood of snow (il ne neige pas en
nouvelle-Zélande même si dans le film il fait un temps pourri jour et nuit :o)).
En bis, le décoiffant MGV (Musique à grande vitesse) interprété par le Nyman Band & Orchestra.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire