mardi 17 février 2015

LAURENT ZERAT "WOMEN" + interview

Evénement aujourd'hui avec le retour de Laurent Zerat , vainqueur de notre Deblocd'or en 2012 avec son premier album "Route 55" (relire la chronique). Le revoici avec sous le bras le tout frais "Women", même pas encore sorti à l'instant où j'écris ces lignes  mais déjà disponible sur son site (laurentzerat.net).
Un nouvel album qui  comme le précédent fait la part belle aux guitares qui sonnent, au son pop/rock West coast, où l'on trouvera aussi des pointes folk, soul, blues, country. Notons aussi que sur  la moitié des titres Laurent a choisi de s'exprimer en français. Cela donne de bons textes comme "Humanité" sur cette humanité qui part en quenouille, porté par une guitare faussement nonchalante à la JJ Cale, ou encore "Pour le meilleur ni pour le pire", une tranche de vie un peu coquine voire hot, le folky "Tout ce que tu veux savoir",  l'émouvant "Est ce que c'est toi?" ou encore "Les femmes ne pourront plus" et ses portraits de femmes (autobio?). Ah, les femmes, inépuisable sujet et fil conducteur de ce nouvel album.
Coté titre en anglais, les 2 premiers sont terribles "Girl from the plane" avec sa belle gratte aérienne, là on nage dans le West Coast, Steely Dan ou les Doobies et puis "Gimme a reason" où le solo se fait plus bluesy, à la Albert King. Je vous laisse découvrir le reste mais je m’arrête sur la reprise de "The partisan" (une chanson de résistance, adaptée en anglais  par Léonard Cohen), une  très belle version, au souffle puissant et épique avec une surprise de taille puisque le couplet en français voit débarquer Florent Pagny, (on le sait un pote de longue date de Laurent) qui m'a carrément filé la chair de poule.  Mais trêve de bavardage puisque Laurent nous a fait l'amitié de se prêter au jeu de l'interview pour nous parler de son nouveau et beau bébé:


 Bonjour Laurent et ravi de te revoir. Nous nous étions quitté il y a un peu plus de 2 ans avec ton album "Route 55" (élu notre disque de l'année 2012), que s'est il passé pour toi durant cette période?
Bonjour  et ravi de te revoir aussi. En 2013 j’ai voulu débrancher de ROUTE 55  et de tout ce est difficile pour un artiste à savoir faire connaître sa musique. Prendre du recul avec tout ce que j’avais vécu de bien et de moins bien.  Je suis revenu à mon but de départ à savoir me faire plaisir en jouant de la musique seul et avec mes musiciens surtout.
Je  me suis consacré un an à la guitare en  participant à 4 sessions de Berkley online  (blues guitar, acoustic blues guitar, guitar chords 101, guitar scales 101). J’ai consacré tout 2014 à composer et écrire les textes de ce qui allait devenir l’album WOMEN. A chaque fois que je terminais une composition j’en faisais une maquette que j’envoyais à mes musiciens et je les voyais ensuite pour travailler chaque titre avec eux.  Quand on est dans cette phase de création, on se lève en y pensant, on se couche en y pensant et entre les deux, on y pense encore.

photo Frédéric Monceau
 Ton nouvel album est signé Laurent Zerat, au revoir "Le Doc", doit on comprendre que le musicien a pris le pas sur le toubib?
Avec ROUTE 55 j’ai pris conscience que j’étais un artiste à part entière. Pour le moment j’ai 2 vies bien distinctes que je gère bien. Quand je suis dans l’une je ne suis pas dans l’autre.
Oui « The Doc » c’est fini. Je m’appelle Laurent Zerat, je suis auteur compositeur interprète et guitariste. Beaucoup des personnes qui viennent à mes concerts ne savent pas que je passe une partie de ma vie au microscope.  

Un mot sur la jaquette qui te voit émerger de l'eau, a t'elle une signification particulière? 
Un jour j'ai commencé à chercher un photographe qui pouvait faire la photo de la couverture. Je n'avais pas d'idée arrêtée. Ma compagne m' a pris cette photo de vacances au moment où je sortais ma tête de l'eau d'une piscine. Le soir quand j'ai vu cette photo je lui ai dit "j'ai trouvé la pochette de l'album. Avec WOMEN et toi je sors la tête de l'eau".

 "Women", un album dédié aux femmes et qui parle de femmes, pourquoi un tel album concept?
J’adore tes questions car c’est celles que j’espérais que l’on me pose. Je n’ai pas fait exprès de faire un album sur les femmes.
Au bout du 6 ème titre composé je me suis aperçu que je ne parlais que d’histoires de femme ou de relation homme femme.
J’ai alors décidé d’aller jusqu’au bout. Tu vois, moi je ne dirais pas que c’est l’argent qui est le nerf de la guerre. Je dirais plutôt que c’est la femme. La femme te rend beau ou moche, la femme peut te couler ou te faire sortir la tête de l’eau.

 On sent chez toi beaucoup de sensibilité  voire d’amour, je suppose que l'actualité récente, ces massacres et viols, femmes vendues comme esclaves en Syrie ou Irak, massacrées au Nigéria etc ne doivent pas te laisser indifférent? Comme le sort de l'humanité, voir d'ailleurs ton 3 eme titre.
Non je ne suis pas indiffèrent. Je suis attristé par cette violence, les silences, le manque de courage, l’intolérance et l’extrémisme, les incompréhensions, la volonté de certains à vouloir imposer aux autres leur manière de vivre. J’aurais aimé voir des millions de personnes descendre aussi dans la rue pour les massacre et viols dont tu parles.  

 Si la base de ce nouvel album est toujours rock West coast, j'ai cru relever des pointes de blues, de folk, country/rock, soul, laid back,  ta musique puise t'elle dans tous ces genres que tu aimes ?
Il est difficile à définir cet album. Pendant ma tournée dans le monde du showbiz pour chercher des distributeurs, attachés de presse et autres décideurs, j’ai vu que ce petit monde avait du mal à me mettre dans une case. Les cases semblent les arranger mais on ne peut pas moi-même me mettre dans une case alors encore moins ma musique. Tu as bien défini ma musique je crois car elle puise dans ce que j’aime et mon cerveau en fait un tri naturel. Je laisse sortir la musique de mon corps comme elle me vient. Je crois que l’album est Rock au sens large et présente effectivement toutes les touches que tu as nommées dans la question. Je pense qu’il faut aussi parler de son seventies aussi car on est en plein dedans

 Plus de titres en français sur ce nouvel album? Pourquoi? parce qu'il y a des émotions que tu pouvais plus facilement transmettre dans ta langue?
C’est venu tout seul en fonction du thème que je voulais aborder et des mots que je voulais employer. J’avoue que je commence à beaucoup aimer chanter en français. Je me suis découvert encore plus au studio d’enregistrement. Je pense être plus percutant en français. Mais j’aime aussi chanter en anglais. On verra ce qui arrivera pour le prochain album. A ce stade je ne sais pas encore.

 Quels sont les musiciens qui t'accompagnent sur ce nouveau projet? J’ai relevé des passages à l'harmonica, de qui?
La relation à mes musiciens est très particulière car nous nous connaissons et nous nous apprécions depuis longtemps. C’est ma deuxième famille et j’aimerais un jour pouvoir avoir assez de dates de concerts à leur proposer pour les avoir à moi tout seul.
C’est les musiciens avec qui j’étais sur scène pour ROUTE 55.

J’aime ta question sur l’harmonica car ce n’est pas un harmonica mais je comprends que tu aies pu entendre de l’harmonica. En fait Stéphane Terranova , mon guitariste, a utilisé un Ebow qui est un petit archet électronique que l’on fait glisser sur les cordes de la guitare comme un archet de violon. Nous avons utilisé une guitare acoustique. Tu fais référence à la version acoustique de Daydream. Quand Stéphane a commencé à essayer le ebow j’ai entendu l’harmonica de Bronson dans « Il était une fois dans l ‘ouest »  et je lui chantais le thème pour qu’il s’en imprègne indirectement.  Quand j’écoute Daydream j’entend comme toi un harmonica qui n’en n’est pas un.   
Son frère Franck Terranova s’est occupé de la guitare basse et des claviers. J’ai voulu ce son de basse jouée au médiator et j’avais dans la tête le son de basse de Melody Nelson, mon album préféré de Gainsbourg.
Pierra Veuillot a enregistré la batterie et les percussions. C’était évident que seul lui qui connaissait tellement bien les morceaux et en était imprégné pouvait faire les percussions. Je n’ai pas regretté mon choix.
Je joue avec Pierra depuis 2001. Je joue avec les frangins depuis 2004. J’ai joué avec d’autres musiciens mais avec ceux là je me sens en famille. Prêt à affronter la scène en toute sérénité. Je ne pourrais jamais faire de la scène avec des musiciens qui jouent sans émotion ni plaisir uniquement pour le cachet.  
Ils font plus que m’accompagner. Ils ont chacun apporté des idées, leur art. Je les ai aiguillé, ils m’ont proposé. Il n’y a pas de problèmes d’ego entre nous. Ils se sont mis au service des titres et j’ai une grande confiance en leur jugement. Je les écoute, je réfléchie et j’assume le choix définitif en toute sérénité.  

 Comment s’est passé l’enregistrement au studio ?
A l’ancienne ! Et je dois remercier mon ingénieur du son, Arnaud Bascuñana qui m’a poussé à enregistrer live, à l’ancienne c’est à dire enregistrer toutes les parties rythmiques ensemble (basse, batterie et les deux guitares). Nous étions largement prêt pour cela car nous avions beaucoup travaillé en amont du studio et j’ai pris la décision de cet enregistrement live en toute confiance. Arnaud est un spécialiste de l’enregistrement live. Avec lui et son assistant Tim Bickford nous avons été servi comme des rois. J’ai passé 15 jours au studio avec mes musiciens, un rêve puis 15 jours seul avec Arnaud pour le mixage et la mastering.  
 On enregistrait chaque titre l’un après l’autre, on écoutait, on discutait et on recommençait puis on laissait Arnaud travailler pour nous prendre le meilleur. Il y avait pas mal de discussion.
Tout le monde a donné le meilleur de soi. J’étais ravi de travailler avec cette équipe.
Le son de l’album est pur, pas de reverb, pas de maquillage ni trucage. Un album intimiste. Comme disait Arnaud « tu auras le son qui sort de vos instruments » et c’est exactement ce que je voulais.

 L'album est parsemé  de solos de guitares, plus que dans le 1er il me semble, dirais tu que tu as pris confiance et te lâches plus? Et Bruno, notre spécialiste guitare, me presse de te demander quel instrument tu utilises.
Comme je te le disais, nous avons beaucoup joué les titres avant d’enregistrer donc nous étions vraiment à l’aise en studio. J’ai fait pas mal de solo oui mais Stéphane aussi. Je ne suis pas un guitar hero, je fais des solos simples mais qui chantent.  Je n’aime  pas les solos « démonstration ». Stéphane nous as sorti de très beaux solos.  
Nous avons utilisé beaucoup de guitares. Pour ma part, une Stratocaster 64 et une Gibson 335 (pour des rythmiques),  une Gibson Lespaul 69 (pour certains solo). Et aussi une Lespaul Junior pour la rythmique de « Pour le meilleur ni pour le pire ». Stéphane a utilisé une Duesenberg et une Telecatser. Il a fait le solo de « girl from the plane » sur ma Gibson Lespaul.


 Le partisan de Leonard Cohen, chanson de résistance qui prend  tout son sens avec les récents attentats, c'était prémonitoire ?
The Partisan a été réadapté par Hy Zaret pour Leonard Cohen dans les années 70 mais a été écrit par Emmanuel d’Astier de la Vigerie pendant la résistance. Anna Marly a composé la musique.
Prémonitoire ?  Non, hélas les attentats ne datent pas d’hier et la haine de l’autre existe encore.
Ce titre a sa place dans l’album WOMEN à plusieurs titres. Mon album est bilingue, comme ce titre. Mon album parle de femmes. The partisan parle d’une femme qui a caché des résistants et qui a été abattue par les nazis. Aussi la France n’est elle pas une grande dame ? The Partisan nous rappelle qu’il y a les soumis et les courageux.
  
photo Sandrine Hayat (et jaquette)
 Ton ami Florent Pagny vient t'appuyer au chant, comment ça s'est fait? C’est une histoire magnifique, incroyable.
Florent est un ami fidèle (il n’y a pas d’amis infidèles d’ailleurs).
Il m’avait déjà fait l’immense plaisir de m’inviter à l’accompagner à la guitare sur un titre (Chanter) 17 soirs à l’Olympia en 2013.
Quand j’ai commencé à chanter sur The Partisan avec mes arrangements rock par rapport à la version de Cohen, j’ai entendu la voix de Florent pour la partie française.
Et plus je jouais le titre plus cela devenait évident.
En juillet 2014 je lui ai demandé si il voulait chanter dans ce titre avec moi pour l’album. Vous connaissez la réponse. J’étais très heureux. Début septembre il commençait les répétitions de son spectacle et il a quand même débarqué au studio pour mettre sa voix. J’ai souvent vu Florent travailler en studio depuis qu’on se connaît mais la c’était dans un autre contexte.  C’est un grand professionnel qui a su garder sa simplicité et son humilité.  Et quelle voix !  J’en ai encore des frissons. Nous avions terminé tous les enregistrements de l’album. Il ne restait plus que Florent.  
Il a aimé cette version du Partisan, le mastering final qu’il a validé.  Cela a été un très beau moment et pour moi un signe de reconnaissance.

 Je ne voudrais pas être indiscret mais puisque tu l'évoques dans une chanson, tu parles d'une personne chère dans le poignant "Est ce que c'est toi" ?  
Mes chansons parlent de la vie, des bons moments et aussi des moments tristes. Je me trouvais à mon lieu de travail (de médecin), un laboratoire. Une amie pas très en forme s’est présentée pour faire des examens. Elle m’appelle avec son portable pour que je vienne lui dire bonjour. J’avais trop de travail et je lui ai d’abord dit que je ne pouvais pas. Et puis j’y ai pensé. Et puis finalement je suis allé la voir et je l’ai prise dans mes bras et je l’ai serré très fort. Le soir même j’ai composé la musique et écris les paroles de « Est que c’est toi ? ». Oui hélas cette chanson va toucher beaucoup de monde.  

 Et bien merci Laurent et bonne route à ce nouvel album. Quelque chose à ajouter?
J’ai fait un album sans compromis, un album qui me ressemble et que je vais défendre. Je suis très bavard quand il s’agit de parler de ma musique. Je pourrais de parler très longtemps de chaque titre mais il faut une fin à cette interview. 
Merci encore d’être là. On a besoin de gens comme vous pour parler de musique et faire avancer la musique. Les chroniques et blogs ont un rôle très important à jouer pour le développement de la vie artistique.

propos recueillis par Rockin-JL

4 commentaires:

  1. Il était pas mauvais non plus dans ses imitations de Jack Lang, Pierre Bellemare ou encore Johnny Hallyday ce Laurent Gerra...

    - Comment ? Je... Pardon Rockin', tu disais ?
    - Ça n'a rien a voir !!!!
    -Ah bon... ze croyais.

    - La sortie ?
    - Euh... oui je sort.

    RépondreSupprimer
  2. "J’ai fait un album sans compromis, un album qui me ressemble et que je vais défendre". Tout est dit, non ??
    Nous allons le défendre aussi, car il est bon et on y croit ! A bientôt l'artiste

    RépondreSupprimer
  3. Une interview authentique, ça fait du bien à lire, surtout que c'est la première chose de la journée que je découvre et que c'est un ami.
    Il a un de ces jeux de guitare, j'adore l'omniprésence de la guitare chez lui.
    J'espère qu'on se verra vite Laurent.
    Pierre.

    RépondreSupprimer