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Lester Melrose, au centre, Big Bill Broonzy tient la guitare. |
A
l'origine de ces enregistrements, la maison de disques RCA, qui après la crise
de 1929, voit son bénéfice fondre, et la concurrence des radios monter. A l’époque,
les disques passaient dans les juke-box des juke joints (bars semi clandestins).
La prohibition interdisant l’alcool, le client n’a donc rien à faire dans un
bar, et les juke-box tournent à vide. L’éditeur Lester Melrose (1891-1968), qui
refourguait des disques, n’a donc plus de boulot ! Associé à RCA, il a l’idée
de partir à la rencontre de musiciens, de les enregistrer, et de publier ses
bandes. L’archiviste Alan Lomax, chargé de collecter des enregistrements de
musique folk pour la bibliothèque du Congrès, sillonnera au même moment l’Amérique,
mais avec un studio mobile. La dépression jette sur les routes nombres de
musiciens itinérants, qui remontent vers Chicago. C'est donc dans l'Illinois,
que Melrose installe son studio.
Le
titre de cette collection s'appelle THE SECRET HISTORY OF ROCK' N' ROLL.
Pourtant, pas de rock sur ces albums, mais simplement, des morceaux qui ont
permis d'en arriver au rock'n'roll, celui des pionniers, à savoir : le Blues, le Vaudeville, la Country, le Folk, le
Gospel, le Boogie...
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The Carter Family |
Sur
le volume 1 WALK RIGHT IN (79 minutes), les styles sont divers. Big Bill Broonzy interprète
« Mississippi River blues » qui ressemble furieusement à « Key to the highway
», The Carter Family chantent « Worried man blues ». Trio country très en vogue
dans les années 30, la fille de Maybelle Carter, June Carter, épousera Johnny
Cash quelques années plus tard. Amédé Ardoin, chante en français cajun « Le
blues de voyage », Franck Crumit nous fait « Francky et Johnny » qu'Elvis et
d'autres reprendront. Paul Roberson donne « Sometimes I feel like motherless
child », on a le tube de LeadBelly « The midnight special » et l'incontournable
« Saint Louis blues » de WC Handy, ici interprété brillamment par une chorale,
The Hall Johnson Choir. WC Handy étant considéré comme le premier compositeur
de blues. On raconte qu’un jour où il attendait son train, sur le quai de la
gare, un gars grattait une guitare. Intrigué par certains accords, certaines
tonalités agréables à l’oreille, mais jusqu’ici non répertoriées, il se mit en
tête de les transcrire sur partition, posant les bases de la gamme blues.
Enregistrés
vers 1930-35, ces chansons ont été à maintes reprises interprétées par
d'autres, ce qui permet de ne pas les oublier, de perpétuer la tradition,
tradition orale à l'époque. Repris dès leur création, ou par la génération
Chicago des années 40-50 (Muddy Waters, Howlin’ Wolf) ou les anglais du British
Blues (Mayall, Yardbirds, Clapton…). Ce qui explique que des blues évoluent
selon leurs interprètes d'une région à l'autre, d'une année à l'autre. Le
"Sweet home Chicago" crédité à Robert Johnson, existe en autant de
version qu'il y a de villes aux Etats Unis ! Les chanteurs, une fois mis en
condition par quelques bouteilles de bourbon frelaté, partaient dans des
improvisations sans fin, jouaient avec le public, des parties de ping-pong (à l’origine de la figure musicale dite questions/réponses). Chacun rajoutait un couplet, modifiait un riff, et le
vingtième interprète était persuadé d'être le véritable auteur.
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Studio Westrex, vers 1925 |
Le
volume 3, THAT'S CHICAGO SOUTH SIDE (76 minutes) est axé exclusivement sur ce qui deviendra
le Chicago blues. Encore une fois, que des standards, interprétés par leurs
créateurs. On sera surpris d'entendre « Everyday I've got the blues »,
classique attribué à Memphis Slim (1948) mais déjà chanté par Aaron Sparks en
1932. La musique est la même, mais les paroles diffèrent. On retrouve Big Bill
Broonzy, le pianiste Leroy Carr, Sonny Boy Williamson, Lonnie Johnson... Généralement, les
chansons sont jouées à deux ou trois, piano, guitare, une trompette qui traine.
Les
chansons sont courtes, pas de chorus instrumentaux. Comme pour les premiers
enregistrements de jazz, les musiciens devaient faire court, les disques de
cire (gravés en direct) ne permettaient que 3 minutes de musique. Si vous avez
vu le film des frères Coen, O’BROTHERS, avec Georges Clooney, on assiste à une
session d’enregistrement telle que Lester Melrose a pu en produire.
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les 4 volumes réunis |
Le
livret détaille chaque titre, date et lieu d'enregistrement, personnel,
anecdotes, qui a repris la chanson ensuite... C'est en anglais, mais
passionnant. Si je vous dis « Going down slow », « Key to the highway », «
Sweet sixteen », « Good morning school girl », « Trouble in mind »... Que des
tubes que l'on connaît par Freddie King, Clapton et les autres.
Cette
série est sous le label « When the sun goes down » du nom d'un classique
ténébreux de Leroy Carr, qu'il joue au piano, accompagné de Scrapper Blackwell
à la guitare. Ce même Blackwell, dont la descendance restera dans le monde de
la note bleue, via Liza Blackwell, chanteuse mais surtout passionaria,
inlassable amoureuse de musiciens, des jazzmen en goguette à Saint Germain de
Près, jusqu’au rockers anglais.
Je
ne possède que ces deux disques, mais la série en compte quatre. Dans le
second, on croise le « Canned Heat Blues » de Tommy Johnson, « Ain’t
nobodys’s buisiness » de Franck Strokes, ou le « Stateboro Blues »
de Blind Willie McTell, qui fera les beaux jours des Allman’s Brothers. Le
volume 4 aligne des titres plus récents, des « Sweey little angel » de Tampa Reed, dont le producteur était Lester Melrose, que reprendra BB King, « Dust my broom » ou « That’s
allright » d'Arthur Crudup, deux incontournables du genre, le second ayant
été enregistré par le tout jeune Elvis Presley.
On écoute Leroy Carr : "In the evening (when the sun goes down)".
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Excellent et passionnant!
RépondreSupprimerMerci ! Ces disques sont vraiment formidables, quand on aime le Blues, même le plus récent, le plus contemporain, se replonger dans ces enregistrements est surprenant.
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